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5 août 2017 6 05 /08 /août /2017 15:37

Les trois cotillons (N°381)

 

Dans un livre consacré à La Pompadour et publié chez Albin Michel en 1983, l'auteur (Duc de Castries) écrit page 161 :

« Frédéric II persistait à penser qu'il pouvait corrompre madame de Pompadour qu'il appelait ironiquement Sa majesté Cotillon III ».

Une note de bas de page nous apprend que pour Frédéric II (roi de Prusse) les autres « cotillons » étaient l'impératrice Marie-Thérèse d'Autriche et Elisabeth tsarine de Russie.

Intrigué, j'ai cherché un peu ; le résultat est surprenant ; il s'agit d'une page très importante de l'histoire de l'Europe, mais très compliquée, ce qui explique peut-être que beaucoup de citoyens ignorent ces événements:

 

*Sa Majesté Cotillon I :

-Marie-Thérèse de Habsbourg d'Autriche naquit à Vienne le 13 mai 1717. Elle était la fille d’Élisabeth Christine de Brunswick-Wolfenbüttel (1691/1750) et de Charles VI (1685/1740), empereur germanique, archiduc d'Autriche, roi de Naples….

-Marie-Thérèse épousa le 12 février 1736 François-Etienne de Lorraine qui fut élu empereur germanique en 1745. Mais ce fut, de fait, Marie-Thérèse qui dirigea l’État, non seulement du vivant de son mari mais comme régente de son fils Joseph ensuite. Jusqu'à la fin de sa vie, elle fut considérée par tous comme l'impératrice régnante.

-Marie-Thérèse eut 16 enfants : 11 filles (avec toutes des prénoms composés dérivés de Marie dont Marie-Antoinette future reine de France, pour son malheur) et 5 fils. Dix de ses enfants parvinrent à l'âge adulte.

-Avant sa mort le 20 octobre 1740, Charles VI avait fait désigner sa fille Marie-Thérèse comme héritière. Mais cette succession servit de prétexte à plusieurs pays dont la Prusse, la France, la Saxe, l'Espagne, La Pologne, et la Bavière...qui espérèrent profiter de l'occasion pour dépouiller l'Autriche. Cela entraîna une guerre de décembre 1740 à octobre 1748 connue sous le nom de « guerre de succession d'Autriche ».

-A ce stade, il faut faire une parenthèse sur le Saint Empire romain germanique, fondé en l'an 962 sur l'emplacement de la « Francie orientale » créée au traité de Verdun en l'an 843 lorsque les petits-fils de Charlemagne se partagèrent son empire.

-Ce Saint Empire était en fait une confédération d’États, avec plusieurs pôles de pouvoirs et une capitale où résidait l'Empereur qui varia au fil du temps mais qui fut à Vienne de 1483 à 1806. On peut au passage trouver des ressemblances avec l'organisation de l'Union Européenne. Mais, est-ce vraiment un hasard ?

-On peut donc trouver des références aux empereurs germaniques, aux mêmes archiducs d'Autriche, puis à partir de la fin du Saint Empire (en 1806) des empereurs d'Autriche. Avec une capitale du Saint Empire à Vienne, la confusion est facile entre empereurs d'Autriche et du Saint Empire.

-Les membres de la Confédération, c'est-à-dire du Saint Empire, ne furent pas toujours unis et les prêches de Luther (1483/1546) accentuèrent les choses. Les princes allemands prirent le parti de Luther et en profitèrent pour s'emparer des biens des communautés religieuses. Ainsi, dans l'espace germanique on eut un nord prussien et majoritairement protestant et un sud autrichien et principalement catholique.

La guerre de Succession d'Autriche : Frédéric II roi de Prusse aurait dû être un allié « naturel » de l'Autriche en temps que membre du Saint Empire, mais il n'en fut rien. La Prusse, la première, déclara les hostilités le 16 décembre 1740 en s'emparant de la Silésie, à l'époque riche région minière, située principalement sur l'actuelle Pologne mais aussi sur la République tchèque et l'Allemagne.

Marie-Thérèse, qui n'avait que 23 ans au début de la guerre, fit face. Devant l'ampleur de la coalition contre l'Autriche (chacun espérant profiter des dépouilles), elle parvint à constituer une autre coalition avec la Grande-Bretagne, la Russie, les Provinces-Unies (les Pays-Bas) et le royaume de Sardaigne. Ils furent rejoints en 1745 par la Bavière qui changea de camp. Puis elle désintéressa la Prusse en lui abandonnant la Silésie. La Prusse, satisfaite, lâcha ses anciens alliés.

Après des années de guerre, les hostilités s'arrêtèrent au traité d'Aix-la-Chapelle en octobre 1748.

La France avait fourni un très important effort de guerre, remportant de nombreuses victoires (dont celle de Fontenoy situé en Belgique près de Tournai, le 11 mai 1745), principalement en Flandres. Mais la France n'obtint rien, tandis que la Prusse gardait la Silésie. D'où l'expression : « travailler pour le roi de Prusse » ! dont la première mention est attribuée à Voltaire.

De nombreuses villes et territoires avaient été envahis par la France qui rendit tout sans contrepartie ! Il y a dans l'Histoire des moments où la diplomatie française fut d'une nullité affligeante !

C'était sous le règne de Louis XV. Il engagea la France dans une guerre qui ne nous concernait pas, seulement, semble-t-il, pour soutenir les revendications territoriales du roi de Prusse. Cela coûta une fortune à la France.

Non content d'avoir déconné à plein tube, Louis XV récidiva peu de temps après. « Errare humanum est, perseverare diabolicum ! » et c'est ce pauvre Louis XVI qui en perdit la tête ; car l'état dans lequel Louis XV laissa la France peut être considéré comme la première cause de la Révolution !

La guerre de Sept Ans : le traité mettant fin à la guerre de succession d'Autriche laissa beaucoup de belligérants sur leur faim, entre autres, l'Autriche qui espérait récupérer la Silésie. En outre on était en pleine rivalité entre France et Grande-Bretagne dans la constitution d'un empire colonial. Il n'en fallait pas plus pour rallumer une guerre. Ce fut Frédéric II roi de Prusse (encore lui !) qui déclencha les hostilités en envahissant cette fois, la Saxe le 29 août 1756.

Deux coalitions se constituèrent : Louis XV renversa l'alliance de la France et après avoir soutenu la Prusse, il soutint l'Autriche ainsi que la Russie, la Suède, l'Espagne et le royaume de Naples tandis que la Grande-Bretagne, le Portugal et divers duchés de moindre importance se mirent du côté de la Prusse.

Envahie de tous côtés, la Prusse faillit disparaître. La mort de la tsarine Elisabeth le 5 janvier 1762 renversa complètement la situation, car son neveu devint tsar sous le nom de Pierre III et il changea immédiatement d'alliance, rejoignant la Prusse, la Grande-Bretagne... contre l'Autriche, la France…

Cela ne porta pas chance à Pierre car 6 mois plus tard son épouse le faisait arrêter, prenait sa place comme tsarine sous le nom de Catherine II et peu de temps après Pierre III était assassiné ; c'était plus prudent !.

Pour beaucoup d'historiens, cette guerre de Sept Ans fut une guerre mondiale, non seulement par le nombre des belligérants mais par l'étendue des zones de combats. Pendant que la France consacrait l'essentiel de ses forces aux combats du continent, les Anglais plus malins envoyèrent d'importants renforts au Canada, dans les Antilles et aux Indes où ils gagnèrent malgré les mérites de Montcalm au Canada et de Dupleix aux Indes.

Cette guerre se termina par 2 traités : celui de Paris le 10 février 1763 entre Grande-Bretagne, France et Espagne, par lequel la France céda à la Grande-Bretagne tous ses territoires du Canada, l'essentiel de nos possessions aux Caraïbes et tous nos territoires aux Indes sauf 5 comptoirs. Enfin par le traité de Hubestbourg (En Saxe), entre Prusse et Autriche, La Prusse gardait la Silésie mais rendait la Saxe.

La Grande-Bretagne fut la grande gagnante de ces 2 guerres. Elle s'imposa comme première puissance maritime mondiale, agrandit considérablement son domaine colonial au détriment de la France et l'anglais supplanta le français comme langue internationale. Pour la France, on peut dire que le règne de Louis XV fut celui de la décadence du pays ! Peu de décennies plus tard, Napoléon Bonaparte tenta d'inverser le cours des choses mais son rêve s'arrêta le 18 juin 1815 à Waterloo !

La Prusse s'imposa comme puissance militaire dans l'espace germanique et Marie-Thérèse laissa dans l'Histoire l'image d'un des dirigeants européens les plus brillants du XVIIIe siècle. Décédée le 29 novembre 1780, elle fut inhumée dans la crypte de l'église des Capucins à Vienne. On trouvera sa statue, à Vienne, en illustration (emprunt au net).

 

*Sa Majesté Cotillon II :

Fille du tsar Pierre 1er surnommé Pierre le Grand et de la tsarine Catherine 1ère, Élisabeth naquit le 29 décembre 1709. La succession de Pierre 1er décédé le 8 février 1725 fut compliquée. Voici l'ordre de succession :

-Catherine 1ère épouse de Pierre 1er devint tsarine jusqu'à sa mort le 17 mai 1727

-Pierre II petit-fils de Pierre 1er fut tsar du 17 mai 1727 au 30 janvier 1730

-Anne nièce de Pierre 1er prit la suite comme tsarine du 30 janvier 1730 au 29 octobre 1740

-Yvan VI petit neveu de Anne, fut désigné par celle-ci comme successeur, mais né le 23 août 1740, il n'avait que 2 mois à la mort de Anne. Il régna sous la régence de sa mère, mais pour peu de temps car Élisabeth, en décembre 1741, s'empara militairement du tsar en titre et de sa mère et se fit proclamer tsarine. Elle fut couronnée le 25 avril 1742.

Durant le règne d’Élisabeth, la Russie participa à 3 guerres dont elle fut victorieuse : la guerre russo-suédoise, de 1741 à 1743, qui permit à la Russie de récupérer la Finlande méridionale ; la guerre de succession d'Autriche et la guerre de Sept Ans. Les troupes russes s'emparèrent de Berlin, mais la mort d’Élisabeth le 5 janvier 1762, changea la situation ; voir à Cotillon I

Élisabeth fut inhumée dans la cathédrale Pierre et Paul à Saint Saint-Pétersbourg. Durant son règne elle encouragea les arts et put se vanter que durant tout son règne, aucune condamnation à mort ne fut mise à exécution.

 

*Sa Majesté Cotillon III :

-Jeanne-Antoinette Poisson naquit le 29 décembre 1721 à Paris. Fille de Louise Madeleine de La Motte et de François Poisson écuyer du duc d'Orléans (1674/1723, petit-fils de Louis XIII et qui fut régent de 1715 à 1723, durant la minorité de Louis XV).

-Issue de la bourgeoisie elle reçut une très bonne éducation et se maria le 9 mars 1741 avec Charles Guillaume Le Normant d'Etiolles dont le domaine se trouvait à 27 kms au sud-est de Paris (dans l'Essonne) et était mitoyen des chasses du roi. Cela permit à la Poisson-d'Etiolles de jouer les sirènes au passage du roi qui la remarqua et en fit sa maîtresse en juin 1745 et dès le 24 juin il lui faisait don du château de Pompadour (château du XIe siècle situé en Corrèze dans la commune de Pompadour). Ce château étant associé à un marquisat, ipso-facto, la Poisson devint madame la marquise de Pompadour, au grand dam de beaucoup qui parlaient de « poissonnades » ou qui, comme le dauphin, l'appelaient « Madame putain ».

-Dès le 10 septembre 1745, La Pompadour était logée à Versailles dans un appartement qui communiquait avec celui du roi par un escalier secret.

-En mai 1746, le roi achetait le château de Crécy (à Crécy-Couvé dans l'Eure-et-Loir) pour en faire don à la Pompadour et en 1753, Louis XV achetait à Paris l'hôtel d’Évreux (aujourd'hui palais de l’Élysée, dont Napoléon III le premier fera la résidence des chefs d’État français) pour en faire don à sa maîtresse.

-Elle-même acheta en février 1748 le château de la Celle (à la Celle Saint Cloud dans les Yvelines) et en juin 1760 le château de Ménars (dans le Loir-et-Cher). Ce château était associé à un marquisat. Louis XV en fit un duché et la marquise put prendre le titre de duchesse.

-Lorsque ses attraits commencèrent à manquer de charme auprès de Louis XV, elle prit elle-même l'initiative de fournir des maîtresses au roi pour contrôler la situation et rester en Cour.

Elle mourut à Versailles le 15 avril 1764 et fut inhumée en la chapelle du couvent des capucins à Paris (qui a disparu et se trouvait dans l'actuelle rue de la Paix).

-beaucoup d'historiens ont écrit sur l'influence politique de la Pompadour auprès de Louis XV et lui attribuent spécialement le renversement d'alliance au détriment de la Prusse et en faveur de l'Autriche mais qui fut surtout au détriment de la France, voir à la Cotillon I.

Ainsi les trois « Cotillons » vécurent à la même époque et participèrent aux mêmes événements qui virent l'émergence de la Prusse dans l'espace germanique, ce qui coûtera très cher à l'Europe entière durant près de 3 siècles ! Voir sur le blog les notes N°55 http://jean.delisle.over-blog.com/article-la-fin-des-4-empires-97643758.html

et 83 http://jean.delisle.over-blog.com/article-la-terreur-prussienne-114461627.html.

J.D. 5 août 2017

 

 

 

 

 

Marie-Thérèse impératrice à Vienne

Marie-Thérèse impératrice à Vienne

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