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5 janvier 2014 7 05 /01 /janvier /2014 09:29

1- l'Euphrate :

L'Euphrate, comme le Nil, a deux branches à sa source situées toutes deux en Turquie, où elles se rejoignent avant de traverser la Syrie puis tout l'Iraq pour finalement se jeter, après un parcours de 2780 km dans le Golfe persique au Chatt-el-Arab, après avoir été rejointes par le Tigre qui prend aussi sa source en Turquie.

905 km de l'Euphrate se trouvent en Turquie (2 branches cumulées), 675 km en Syrie et 1200 en Iraq.

A travers les siècles et même les millénaires, toute cette zone fut l'objet de grands enjeux entre une multitudes de pouvoirs successifs et même de civilisations. Difficile de toutes les nommer, mais à tout hasard : Mitanniens, Hittites, Sumériens, Assyriens, Akkadiens, Babyloniens, Mésopotamiens, Mèdes, Perses, Parthes, Arméniens etc etc.

Dans l'Ancien Testament, Dieu promet même aux Hébreux, à 4 reprises, un territoire allant jusqu'à l'Euphrate (Genèse 15, Exode 23, Les Nombres 34, livre de Josué 1, voir sur mon blog la note N°6 : « histoire d'Israël »), http://jean.delisle.over-blog.com/article-histoire-d-israel-55889409.html ce qui sera réalisé, d'après la Bible, au temps du roi Salomon (1er livre des Rois 5, 1er livre des Chroniques 5 et second livre des Chroniques 9), mais en tenant compte que l'Euphrate coule dans le sens nord-ouest/sud-est et que le royaume de Salomon dut empiéter sur la Syrie et non sur l'Iraq.

2- les frontières romaines :

Auguste le premier empereur romain (il régna comme empereur de -27 à +14) fixa des bornes aux conquêtes romaines : le Rhin au nord, le Danube et l'Euphrate à l'est, le Sahara au sud et l'Atlantique à l'ouest.

Trajan qui fut empereur de 98 à 117 franchit allègrement les limites fixées par Auguste, étendant jusqu'au Tigre la limite à l'est et franchissant aussi le Danube en combattant les Daces (entre 101 et 106). Les Daces occupaient un espace un peu plus grand que l'actuelle Roumanie (voir à Rome la « colonne trajane » qui raconte le combat contre les Daces en 124 sculptures). C'est à la mort de Trajan que l'empire romain fut le plus vaste de son histoire, comprenant 43 provinces occupant une superficie de plus de 5 millions de kms2 soit environ 17 fois la superficie de l'Italie d'aujourd'hui y compris Sicile et Sardaigne, avec un réseau de 90.000 km de voies romaines. Après Trajan, Hadrien (empereur de 117 à 138) trouva prudent de revenir aux limites fixées par Auguste.

*C'est Jules César le premier qui traversa la Manche et débarqua en Angleterre (appelée alors « Bretagne ») en octobre -55 et juillet -54. Il fut vainqueur des populations locales mais ne resta pas. Il fallut attendre l'empereur Claude en +43 pour que les Romains annexent l'actuelle Angleterre. Mais non maîtres du territoire nord occupé par les Pictes (Ecossais), malgré une importante victoire d'Agricola en 82, l'empereur Hadrien fit construire un mur de 117 km de long entre l'an 122 et l'an 128 qui correspond grosso-modo à la limite entre Angleterre et Ecosse. Vingt ans plus tard l'empereur Antonin fit construire un autre mur à une centaine de km plus au nord à l'endroit le plus étroit entre mer d'Irlande et mer du Nord.

*Jules César fut également le premier Romain à franchir le Rhin durant l'été -58. Il ne resta avec ses légions de l'autre côté du Rhin que 18 jours juste le temps de tailler en pièces les Germains. En +9, Varus à la tête de 3 légions franchit lui aussi le Rhin mais pris dans une zone boisée et marécageuse, les 3 légions sont complètement massacrées et Varus se suicide. A la suite les Romains construisent le « limes » sorte de ligne Maginot pour protéger leurs frontières.

*A partir de – 197, les Romains avaient commencé à s'emparer de la Grèce, puis à partir de -129, à s'implanter sur l'actuelle côte turque de la mer Egée. Mais leur volonté d'expansion vers l'Asie fut contrariée par 2 souverains locaux : Mithridate VI roi du Pont (royaume autour de la Mer Noire) et par Tigrane II roi d'Arménie qui avait en outre épousé une Cléopâtre fille de Mithridate VI.

Mithridate s'était emparé de la Cappadoce en -93, avait fait massacré tous les Romains présents en Asie mineure en -88 (80.000 Romains auraient été massacrés) et s'était emparé de la Grèce en -90/-89.

Rome sortait d'une « guerre sociale » suite à l'assassinat des Gracques (les frères Gracchus qui avaient fait voter des lois sociales) et d'une guerre civile entre les partisans de Marius et ceux de Sylla. Ceci explique aussi l'audace des Orientaux.

Sylla put reprendre la Cappadoce en -92 puis la Grèce en -86. Il fut ensuite remplacé par un de ses lieutenants Lucius Lucullus. Celui-ci fut vainqueur de Mithridate en -72/-71. Mithridate dut s'enfuir en Arménie chez son gendre. Tigrane reprit le flambeau de la lutte contre Rome. Lucullus et ses légions furent les premiers Romains à franchir l'Euphrate. Le 6 octobre de l'an -69, Lucullus remporta une des plus grandes victoires de l'histoire de Rome. S'appuyant sur des récits antiques (spécialement Plutarque : « vie de Lucullus ») voici la description de cette bataille qu'en fait Mommsen historien allemand du XIXe siècle (« Histoire romaine », livre V, chapitre II), alors que Lucullus assiège Tigranocerte capitale de Tigrane (Lucullus fera détruire complètement Tigranocerte dont l'emplacement est encore sujet à discussion, peut-être sur l'Euphrate ?):

« Une grêle inépuisable de flèches tombe sur les Romains : l'huile de naphte, jetée sur leurs machines (il s'agit de machines de sièges, tours principalement), les enflamme. Rome faisait le premier apprentissage des guerres avec l'Iran. Un brave chef, Mankéos, défendit la ville. Il tint bon jusqu'à l'arrivée de la grande armée de secours. Celle-ci, rassemblée dans toutes les parties de l'immense royaume et dans les contrées voisines ouvertes aux recruteurs arméniens, se montre enfin au-delà des passes des montagnes du nord. Taxile, le général expérimenté des guerres du Pont, conseillait d'éviter le combat, d'entourer avec la cavalerie, et d'affamer la petite troupe des soldats de Lucullus. Mais quand Tigrane a vu le Romain, désireux de livrer bataille sans abandonner le siège, marcher avec dix mille hommes seulement à la rencontre d'une armée vingt fois supérieure, et passer hardiment le fleuve qui les sépare ; quand il voit d'un côté, cette poignée d'hommes, trop nombreuse pour une ambassade, trop petite pour une armée, de l'autre, ses troupes en multitude immense, où les peuples de la mer Noire et de la mer Caspienne se coudoient avec ceux de la Méditerranée et du golfe Persique , ses redoutables lanciers à cheval, bardés de fer, plus nombreux à eux seuls que tout le corps de Lucullus, et ses fantassins, en bon nombre aussi, armés à la romaine, il se décide à son tour à accepter sur l'heure le combat offert par l'ennemi. Mais pendant que ses Arméniens prennent rang, Lucullus de son sûr coup d’œil, a déjà constaté que Tigrane a négligé une hauteur qui domine toute la cavalerie arménienne : il l'occupe aussitôt avec deux cohortes, en même temps qu'une attaque de flanc de sa petite cavalerie a détourné l'attention de l'ennemi : puis, dès qu'elles ont atteint les cimes (il s'agit des deux cohortes), ses légionnaires tombent sur le dos des Arméniens. Les chevaux-légers de Tigrane se dispersent, se jette sur l'infanterie, qui n'est point encore en ordre : celle-ci à son tour, s'enfuit sans avoir combattu. Lucullus écrivit son bulletin de victoire dans le style de Sylla, son maître. A l'entendre, contre 5 Romains tués, 100.000 Arméniens auraient péri, et Tigrane, jetant son turban et son bandeau royal, se serait sauvé seul avec quelques cavaliers. Ce qui est certain, c'est que la victoire de Tigranocerte reste l'une des plus glorieuses pages de l'histoire des exploits guerriers de Rome ; et comme elle fut éclatante, elle fut décisive. »

De retour à Rome, Lucullus n'eut pas les honneurs qu'il espérait, il se retira et termina sa vie dans le luxe. Fine fourchette il fut surnommé « Lucullus le Raffiné » et servit pendant longtemps de référence en matière culinaire.

3- au-delà de l'Euphrate :

Au-delà de l'Euphrate il y eut successivement les Mèdes, les Perses, les Parthes puis à nouveau les Perses. Mais c'est une question de « dynasties », il s'agit toujours du même peuple sur le même espace. Trajan parvint à conquérir une petite partie de l'espace perse mais pour peu de temps. Pour les Romains la défense de la frontière côté Euphrate fut toujours difficile. Ils remportèrent de nombreuses victoires sur les Perses mais jamais définitives. Dans le combat contre les Parthes ou Perses des milliers et des milliers de soldats romains y laissèrent la vie dont Crassus (alors consul) en -53 (selon Don Cassius, les Parthes lui auraient coulé de l'or fondu dans la bouche) etc .

Les Perses furent en guerre contre les Grecs du début du cinquième siècle avant notre ère jusqu'à la conquête romaine de la Grèce, puis avec l'empire romain jusqu'à la chute de l'empire romain d'occident puis avec l'empire byzantin.

On peut considérer qu'il existe une guerre millénaire qui oppose Orient et Occident avec des périodes plus actives que d'autres (guerre de Troie, guerres médiques, guerres puniques, croisades...). A l'intérieur de cette guerre globale, il existe des sous-guerres tout aussi permanentes ; c'est le cas de la guerre des Arabes contre les Hébreux commencée aux temps bibliques et à l'évidence non terminée, c'est aussi le cas de la guerre des Arabes contre les Perses, à l'évidence non terminée également même si les choses changent de nom. Aujourd'hui on ne dit plus Perses contre Arabes mais Chiites contre Sunnites, mais c'est en fait la poursuite des mêmes rivalités, des mêmes haines millénaires.

Nos stratèges feraient bien de méditer les leçons de l'Histoire.

J.D. 5 janvier 2014

La récapitulation thématique des notes de ce blog se trouve sur la fiche N° 76http://jean.delisle.over-blog.com/article-blog-liste-des-articles-111165313.html

sarcophage romain, musée Arles antique, photo J.D. 6 juin 2013

sarcophage romain, musée Arles antique, photo J.D. 6 juin 2013

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