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8 janvier 2015 4 08 /01 /janvier /2015 11:19

Le N° 28 (daté quatrième trimestre 2014) de « L'Histoire en Savoie » publié par la Société Savoisienne d'Histoire et d'Archéologie a pour thème : « La Savoie à l'épreuve de la Grande Guerre ».

Le dernier article de ce numéro est intitulé : « La Haute-Savoie, terre d'accueil des victimes civiles de la Grande Guerre » sous la signature de Mélanie Martin Marin.

Cet article met l'accent sur un aspect peu traité de la guerre de 14 : le sort des populations des zones occupées par les Allemands.

Extraits :

« Coupées du reste de la France, les populations du Nord et de Nord-Est de la France vivent ainsi une guerre d'occupation. A la dureté économique et financière de la guerre s'ajoutent les réquisitions. Devant l'incapacité matérielle de l'envahisseur à gérer et surtout nourrir la population civile occupée, le gouvernement allemand entreprend de déporter et de mettre au travail ceux qui sont encore capables de fournir un effort. Les bouches inutiles, c'est-à-dire les femmes, les vieillards et les enfants sont quant à elles évacuées de force et rapatriées jusqu'en Haute-Savoie par les villes d'Annemasse, Thonon et Evian. Au bout du voyage du déporté, il y a le camp de travail ou de représailles, pour l'évacué l'espoir de retrouver la Suisse d'abord puis la France. La mémoire de ces rapatriés est gravée à Evian sur le monument (érigé en 1921) qui mentionne l'existence de ces oubliés de la Grande Guerre, en rappelant que cinq cent mille rapatriés des départements envahis ont passé ici en rentrant en France Libre »....

« Un Service de rapatriement, dit aussi Service des rapatriés est créé en Haute-Savoie fin septembre 1914...En janvier 1917,...le Service des rapatriements est transféré à Evian.... »

«Le voyage s'effectue par train à travers les pays envahis, l'Allemagne puis la Suisse. Les populations du Nord et de l'Est de la France quittent l'Allemagne après la dernière station de Singen, puis traversent les villes de Schaffouse, Zurich, Berne, Lausanne et enfin Genève.... »

«A partir de septembre 1914, un dixième de la population française (soit près de 4 millions de personnes) se retrouve derrière les lignes ennemies. Le Nord, une partie de la Somme et de l'Oise, l'Aisne, les Ardennes, la Marne, la Meuse, et la Meurthe et Moselle font partie des départements occupés de fait »...

« Lorsque les rapatriés arrivent en gare d'Annemasse, de Thonon ou d'Evian, ils sont généralement accueillis par des représentants du gouvernement. Le préfet où le sous-préfet accueillent ainsi les deux convois journaliers.... ».

Commentaires :

L'article de Mélanie Martin Marin comporte une trentaine de pages (pages 87 à 121) accompagnées de quelques illustrations intéressantes. Ci-dessus j'en ai recopié quelques extraits pour expliquer la situation. On peut d'ailleurs élargir le sujet en ajoutant le sort des populations des territoires français annexés par les Allemands en 1871.

I) les populations occupées :

Sur mon blog, il y a une vingtaine d'articles relatifs à la guerre de 14. Voir la récapitulation sur la fiche N°76 http://jean.delisle.over-blog.com/article-blog-liste-des-articles-111165313.html

Petit rappel :

*le 28 juillet 1914, l'empire d'Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie suite à l'assassinat un mois plus tôt de l'Archiduc François-Ferdinand et de sa femme par un anarchiste serbe à Sarajevo

*le 29 juillet 1914, la Russie déclare la guerre à l'Autriche

*le 1er août 1914, l'empire allemand déclare la guerre à l'empire russe

*le 1er août 1914 à 15,45 heures, à Paris René Viviani président du Conseil décide de la mobilisation générale. A 16 heures la première affiche proclamant la mobilisation est placardée à Paris. Les affiches étaient prêtes depuis longtemps, la date est ajoutée à la main.

*le 2 août 1914, le décret portant l'ordre de mobilisation générale signé par le Président de la République (Raymond Poincaré) est publié au journal officiel de la République française

*le 2 août 1914 au matin, l'Allemagne envahit le Luxembourg

*le 3 août 1914, l'ambassadeur d'Allemagne à Paris transmit au gouvernement français la déclaration de guerre de l'Allemagne à la France. Le même jour l'Allemagne déclara la guerre à la Belgique.

*le 4 août 1914 au matin, l'Allemagne envahit la Belgique .

*En France, si les affiches de mobilisation étaient prêtes, pas l'armée ! L'héroïque résistance belge retarda l'invasion allemande qui ne pénétra en France que le 18 août. Les Anglais commencèrent à débarquer au Havre, à Rouen et à Boulogne à partir du 9 août.

*Malgré le sursis et l'arrivée des Anglais, l'invasion allemande déferla. Début septembre, les Allemands étaient à une trentaine de kms de Paris. L'invasion de Paris paraissait tellement inévitable que le gouvernement partit à Bordeaux le 2 septembre 1914.

*Les reconnaissances aériennes montrèrent qu'au lieu de poursuivre sur Paris, les troupes allemandes du général Gluck avaient bifurqué sur le sud-est. En fait, l'état-major allemand pensait encercler les troupes françaises repliées au sud de Paris. Galliéni le premier comprit le parti à tirer de la situation, l'armée attaqua les Allemands sur leur flanc. Ce fut la bataille de la Marne puis la guerre des tranchées qui suivit etc.

*Il fallut attendre l'été 1918 et les renforts américains massifs pour que les territoires conquis par les Allemands en août/septembre 1914 soient repris.

*Une partie de la France fut donc occupée durant 4 années soit autant de temps que durant la seconde guerre mondiale. Les Allemands exploitèrent au maximum les territoires occupés : mines de charbon, travailleurs etc. Les « bouches inutiles » furent expulsées comme expliqué dans l'article précité par train. C'est ainsi que 500.000 réfugiés du Nord arrivèrent en Haute-Savoie. On parle souvent dans les articles sur la guerre de 14 des casinos, hôtels etc transformés en hôpitaux militaires pour soigner les soldats blessés mais rarement de l'accueil de ces expatriés civils.

*Durant la guerre de 14 il y eut de nombreux combats à l'Est et au Sud de l'Europe, mais, entre la France et l'Allemagne, tous les combats eurent lieu sur le sol français. Cela avait déjà été le cas durant la guerre de 1870, la guerre de 100 ans etc.

*Durant des siècles, la France comme l'Italie d'ailleurs (encore un point commun entre « les sœurs latines ») fut l'un des champs de batailles préférés des Européens. *La France était au centre des grandes puissances de l'époque : Espagne, Angleterre, empire germanique... et comme le fait remarquer Max Gallo dans « L'âme de la France » (éditions Fayard février 2007), il y eut durant 6 siècles (de Bouvines 1214 à Waterloo 1815) une « tradition » de coalitions de l'Europe contre la France, dont rien que 7 de 1792 à 1815, mais rares sont les souverains qui comme Napoléon 1er préférèrent porter la guerre hors de nos frontières plutôt que de la subir sur notre territoire.

II-les populations annexées :

Le traité de Francfort du 10 mai 1871 mit fin à la guerre de 1870. La France dut payer 5 milliards de francs-or d'indemnité au nouvel empire allemand et céder les territoires suivants :

*Le Bas-Rhin et le Haut-Rhin sauf le territoire de Belfort qui devint en 1871 une collectivité autonome,

*en Moselle : les arrondissements de Sarreguemines, Metz et 11 communes de l'arrondissement de Briey,

*en Meurthe : l'arrondissement de Sarrebourg (sauf 9 communes) et 135 communes de l'arrondissement de Château-Salins. Les communes non annexées de l'arrondissement de Briey (antérieurement dans la Moselle) sont rattachées à la Meurthe qui devient la Meurthe-et-Moselle

*Dans les Vosges : 11 communes du canton de Saales et 7 communes du canton de Schirmeck .

*Au total, 1690 communes sont cédées à l'Allemagne représentant une population de 1.597.000 habitants qui deviennent Allemands et seront mobilisés en 1914 dans l'armée allemande.

On a l'habitude de parler de l'annexion de l'Alsace et de la Lorraine mais si l'Alsace fut effectivement annexée (sauf Belfort), la Lorraine ne fut qu'en partie allemande. Ainsi par exemple, Metz devint ville allemande tandis que Nancy restait ville française.

*Dans la partie annexée par l'Allemagne en 1871, 50.000 habitants quittèrent leur terre natale pour venir s'installer en France afin de ne pas devenir allemands. Parmi ceux-ci mon arrière grand-père Georges Keller qui tenait une compagnie de fiacres à Strasbourg et vint en 1871 s'installer à Versailles. Il avait 8 enfants : 4 garçons et 4 filles dont ma grand-mère maternelle.

*En 1992, au moment des débats sur le traité de Maastricht, ma mère (alors âgée de 81 ans) me rappela que son grand-père Keller avait quitté Strasbourg « pour que ses fils ne puissent jamais servir dans l'armée allemande ».

*Au souvenir du choix de son grand-père, ma mère avait voté NON au référendum sur le traité de Maastricht. Comme quoi dans le secret des urnes les motivations des électeurs peuvent être très diverses.

J.D. 8 janvier 2015

retour des Alsaciens de l'armée allemande, photo "Le Miroir" du 8 décembre 1918

retour des Alsaciens de l'armée allemande, photo "Le Miroir" du 8 décembre 1918

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