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25 mai 2013 6 25 /05 /mai /2013 18:21

Quel point commun peut-il exister entre Aristide Briand, ami de Fernand Pelloutier, de Jean Jaurès, homme de gauche, chantre de la paix et Emile Driant qui fit une carrière militaire, fut le gendre du général Boulanger, fut député de droite, fut le fondateur de deux ligues anti-maçonniques et écrivain patriotique sous le pseudonyme de « Capitaine Danrit » (anagramme de Driant) . Voyons un peu.

Aristide Briand : Sur Aristide Briand il existe une biographie en 6 volumes (2700 pages!) œuvre de Georges Suarez et qui fut éditée chez Plon, les tomes 1 à 5 de juillet 1938 à avril 1941 et le tome 6 en juin 1952. Suarez fut le premier auteur autorisé par les héritiers de Briand (sa nièce et son neveu par alliance) à consulter les archives d'Aristide Briand (correspondances, notes, documents...). Il y eut bien d'autres biographies de Briand mais il est probable que les auteurs suivants ont puisé dans le travail de Suarez.

Aristide Briand naquit à Nantes le 28 mars 1862 où ses parents tenaient le café de la Croix Verte. Deux ans plus tard, les parents d'Aristide quittaient Nantes pour Saint Nazaire où ils exploitèrent d'abord un dépôt de vins avant de reprendre un café. Aristide alla à l'école puis au collège à Saint Nazaire avant de retourner à Nantes en 1878 pour le lycée. C'est durant ce séjour à Nantes qu'Aristide Briand fit la connaissance de Jules Verne (né à Nantes le 8 février 1828) qui se prit d'amitié avec l'adolescent Briand, l'emmena en croisières et le fit figurer dans l'un de ses romans : « deux ans de vacances » publié en 1888 mais dans lequel Briand est devenu Briant.

Bachelier en 1881, Briand revint à Saint Nazaire où il travailla chez un avoué avant de partir faire des études de droit à Paris en 1883, tout en continuant à travailler chez un avoué. Après ces études de droit à Paris, il revint à St Nazaire comme avocat. Entre temps, il avait fait la connaissance de Fernand Pelloutier qui entraîna Briand dans la politique.

Briand fut l'un des fondateurs avec Jean Jaurès, Alexandre Millerand et René Viviani du Parti Socialiste Français créé à Tours en mars 1902. La même année, Aristide Briand était élu député de la Loire. En 1905, il fut rapporteur de la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat qui fut adoptée grâce aux qualités de négociateur de Briand qui était également un orateur hors pair. Dès le 24 juillet 1909 (7 ans après sa première entrée à la chambre des députés) il devenait Président du Conseil. Durant sa carrière politique, Briand fut 11 fois Président du Conseil et 20 fois ministre. Il fut très proche de Jean Jaurès jusqu'en octobre 1910, date à laquelle Briand, chef du gouvernement, utilisa la réquisition pour mettre fin à une grève des cheminots et marins qui paralysait le pays. Il fut alors renié par une grande partie de la gauche sans que pour autant la droite l'adopte. Cela explique probablement qu'Aristide Briand qui fut l'un des plus brillants (avec et sans jeu de mots) personnages politiques français du XXe siècle est relativement peu connu de l'opinion publique.

Lorsque le Parti Socialiste Français se transforma en 1905, à Paris, en S.F.I.O. (section française de l'internationale ouvrière), Briand ne suivit pas et se déclara « socialiste indépendant ».

Mis en minorité à la Chambre des Députés, Briand se retira une première fois de la politique le 27 février 1911, redevint Président du Conseil de janvier à mars 1913 puis du 29 octobre 1915 au 18 mars 1917 et se retira une nouvelle fois de la politique jusqu'à un autre retour à compter du 16 janvier 1921. Ainsi Briand fut absent à deux moments cruciaux de notre histoire : lors de la déclaration de la guerre de 14 et lors des négociations d'après guerre dont les conditions insensées imposées à l'Allemagne firent le lit du nazisme et de ses conséquences. On ne réécrit pas l'histoire mais compte tenu de l'orientation de Briand, de ses qualités et de son aura, on est en droit de se dire que les événements auraient pu être différents et que son absence entraîna la mort de millions d'humains : dramatique !

Avec son retour à la politique en 1921, Aristide Briand fut l'une des principales figures de la Société des Nations où ses formules chocs furent célèbres à l'époque, du genre : « arrière les canons, place à la paix ». Il fut le négociateur du pacte de Locarno du 16 octobre 1925 avec l'Allemagne, puis du pacte « Briand/Kellog » d'août 1928 par lequel toutes les nations de la terre s'engagèrent à renoncer à la guerre pour régler leurs conflits et à avoir recours aux procédures d'arbitrage international. (Kellog était le ministre des affaires étrangères des USA). A partir de cette date il y eut 3 années sans guerres sur la terre, les 3 seules années du XXe siècle sans guerres. Les Japonais en envahissant la Mandchourie ( au nord-est de la Chine), en septembre 1931, furent les premiers à rompre le pacte. Briand avait compris qu'il ne servait à rien d'interdire la guerre si on laissait prospérer les industries d'armement. Il milita pour l'interdiction des armes. Il proposa également le 5 septembre 1929 un projet « d'union européenne ».

Il reçut en 1926 le prix Nobel de la paix conjointement avec Gustav Stresemann qui fut son partenaire pour la partie allemande des accords de Locarno.

Il mourut à Paris le 7 mars 1932.

Pour conclure sur Aristide Briand, voilà un extrait de ce qu'écrivait le 30 mai 1938 Georges Suarez en introduction au tome 1 de la biographie de Briand après avoir écrit une biographie de Clemenceau :

« Briand et Clemenceau sont les seuls grands hommes de l'Histoire de France contemporaine. Ils se sont partagés la République. Qu'ils soient devenus des adversaires après avoir été des amis, des rivaux après avoir été des collaborateurs, ce n'est là que l'effet logique de la lutte des idées et de la compétition des talents qui sont les règles suprêmes du régime parlementaire...Sur l'échiquier politique, un bon joueur se sert avec le même soin du fou et du roi.... Clemenceau méprisait le fou. Briand comptait avec lui. Clemenceau était un bloc de nerfs qui évoluait tantôt dans le sublime des idées, tantôt dans l'absolu et la haine. Briand était un tout où les faiblesses se relevaient en se confondant avec la grandeur de l'homme. Donc, pour expliquer Briand, j'ai dû ne jamais le séparer du milieu momentané où il opère, de l'actualité où il agit, de la minute où il décide, de l'événement auquel il fait face.... »

Georges Suarez consacra 700 pages à Clemenceau et 2.000 de plus à Briand : révélateur !

Emile Driant : fils d'un notaire, il naquit le 11 septembre 1855 à Neuchatel-sur-Aisne. Il entra à Saint-Cyr en 1875, en sortit sous-lieutenant dans l'infanterie et affecté en Afrique en mai 1884, il devint officier d'ordonnance du général Georges Boulanger dont il épousa la fille (Marcelle) le 29 octobre 1887. Georges Boulanger fut ministre de la guerre en 1886 et devint le porte-parole de l'extrême droite avec le soutien des bonapartistes et des royalistes. Accusé de complots contre la sûreté de l'Etat, Georges Boulanger s'exila à Bruxelles et se suicida en 1891.

Emile Driant pour sa part quitta l'armée le 31.12.1905 suite à « l'affaire des fiches ». Cette affaire est consécutive à l'affaire Dreyfus qui avait commencé en septembre 1894. Le « J'accuse » de Zola paru dans l'Aurore est du 13 janvier 1898. C'est le 19 septembre 1899 que Dreyfus fut gracié par le Président Emile Loubet mais c'est seulement en 1906 que Dreyfus fut réintégré dans l'armée. Fin 1900, le général André Ministre de la guerre avait demandé au Grand Orient de France de lui fournir des fiches de renseignements sur les cadres de l'armée afin de favoriser l'avancement des officiers « républicains ». Cette pratique dénoncée le 28 octobre 1904 à la Chambre des Députés fit scandale.

Emile Driant fit l'objet de plusieurs sanctions militaires, la première fois pour avoir fait l'éloge public de son beau-père après le décès de celui-ci, la seconde fois pour avoir exprimé publiquement son indignation après la révélation de l'affaire des fiches enfin la dernière fois pour avoir assisté avec une partie de ses soldats à une messe à l'occasion d'une commémoration.

Parallèlement à sa carrière militaire, Driant sous le nom de capitaine Danrit commença dès 1892 la publication d'une vingtaine de romans patriotiques dont « la guerre de demain » en 1899 (roman prémonitoire).

Après l'armée il commença une carrière politique et fut élu député à Nancy en 1910 et réélu en 1914. Il se rengagea dès le début de la guerre avec le grade de lieutenant colonel. Se trouvant dans le secteur de Verdun, il contacta Arsitide Briand redevenu Président du Conseil pour lui signaler l'insuffisance des défenses dans ce secteur et prophétiser une offensive allemande probable.

Sur ce sujet, voici ce qu'écrit Georges Suarez dans le tome 3 (publié en mars 1939), chapitre VIII de la biographie consacrée à Aristide Briand :

« Au début de décembre 1915, le colonel Driant, député de Nancy, qui commandait devant Verdun un groupe de bataillons de chasseurs, avait demandé audience au président du Conseil (Aristide Briand). Vous savez, lui dit-il, quel officier discipliné je suis. J'ai constaté sur le front, sur un point, certaines défectuosités dans nos lignes qui me paraissent graves.

Quel point ? (demanda Briand)

Arracourt ; vous devriez bien faire inspecter ce secteur et prendre des dispositions.

Briand téléphona à Gallieni (alors Ministre de la guerre) et le pria de recevoir Driant. Peu après, le colonel fut entendu par la Commission de l'armée de la Chambre. Ses déclarations produisirent une énorme sensation. Documents et chiffres en main, il démontra que le secteur dont il avait la garde était entièrement inorganisé, manquait de fortifications, de moyens de ravitaillement et pouvait d'un jour à l'autre être menacé par l'ennemi, sans que la résistance fut pratiquement possible, même au prix des plus héroïques sacrifices. La Commission, extrêmement impressionnée par ces révélations, décida d'envoyer à Verdun des délégués pour faire une enquête et établir un rapport. Ce rapport qui confirmait de point en point les déclarations du colonel Driant, fut communiqué au ministre de la guerre. Gallieni ému, en référa au cours d'un Conseil des ministres à Briand qui lui conseilla d'écrire à Joffre (alors général en chef des armées). …. Le 16 décembre, il écrivit cette lettre au commandant en chef....

Joffre prit très mal l'avertissement de Gallieni. Le 18 décembre, il lui répondit que, conformément aux instructions qu'il avait données le 22 octobre aux commandants d'armée, l'organisation des lignes de défense était commencée depuis longtemps et achevée sur un certain nombre de points. Cette organisation ajoutait Joffre, est dans son ensemble beaucoup plus forte et plus complète que celle de nos adversaires.... »

Joffre au lieu de renforcer Verdun eut pour principale préoccupation de découvrir qui avait prévenu les élus. Le 21 février 1916 commençait la bataille de Verdun. Le 22 Emile Driand était tué ainsi que tous ses hommes en défendant héroïquement Verdun. Tragique !

Au lendemain de la guerre Joffre fit partie des héros. Mais avec le temps les historiens récents sont très critiques et rendent Joffre responsable de la mort inutile de milliers et de milliers de « poilus ».

J.D. Le 25 mai 2013

La récapitulation des notes de ce blog par thèmes se trouve sur la fiche N°76

Poilu de 14 à Lavours (Ain) photo J.D. septembre 2014

Poilu de 14 à Lavours (Ain) photo J.D. septembre 2014

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6 février 2013 3 06 /02 /février /2013 16:46

1-La situation antérieure :

De tous temps, il y eut des voyageurs, des explorateurs, des Christophe Colomb, des Marco Polo, des Magellan, des Vasco de Gama etc. Au temps des pharaons, une expédition maritime avait déjà fait le tour de l'Afrique. Ce fut sous la XXVIe dynastie, au temps de Nekao II, pharaon de -609 à -594. Il fit creuser un canal pour relier le Nil à la mer Rouge et envoya une expédition faire le tour de l'Afrique. Cette expédition partit de la mer Rouge, descendit la côte orientale de l'Afrique, contourna le cap de Bonne Espérance, remonta la côte ouest, franchit le détroit de Gibraltar et revint en Egypte la troisième année par la Méditerranée. Voir « L'Enquête » d'Hérodote au livre II - 158 pour le canal et au livre IV - 42 pour le voyage autour de l'Afrique.

Bien avant ce tour égyptien de l'Afrique, les Phéniciens (qui occupaient l'actuel Liban) avaient fondé 2 villes de part et d'autre du détroit de Gibraltar côté Atlantique : Gadès en Espagne (aujourd'hui Cadix) réputée fondée en -1104 et Lixus (Laraché) au Maroc réputée fondée en -1146. Les Phéniciens et plus tardivement les Grecs fondèrent des villes dans tout le bassin de la Méditerranée occidentale. Avant de fonder ces colonies, ils durent envoyer des missions d'exploration. Nous n'avons aucune indication sur ces expéditions.

Mais, jusqu'au XVIIIe siècle, le voyage n'avait ni le même sens ni les mêmes buts qu'aujourd'hui. Ainsi Jean-Jacques Rousseau écrit en 1755 dans « Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes » : « il n'y a guéres que quatre sortes d'hommes qui fassent des voyages de long cours : les Marins, les Marchands, les Soldats et les Missionnaires. Or on ne doit guéres s'attendre que les trois premières Classes fournissent de bons Observateurs, et quant à ceux de la quatrième, occupés de la vocation sublime qui les appelle, quand ils ne seroient pas sujets à des préjugés d'état comme les autres, on doit croire qu'ils ne se livreroient pas volontiers à des recherches qui paroissent de pure curiosité et qui les détourneroient des travaux plus importans auxquels ils se destinent ». Cela semble bien résumer la situation.

En 1990, était publié à Milan aux éditions Giorgio Mondatori un ouvrage de Lorenzo Camusso intitulé : « Guida ai Viaggi nell' Europa del 1492 ». La date de 1492 correspond à la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb. Dans ce livre, l'auteur identifie les principaux axes de voyages à la fin du XVe siècle en Europe et leur donne un nom en raison de leur fonction. Voici ces routes de voyages :

-de Florence à Bruges : route de la banque

-de Lûbeck à Novgorod : route de la fourrure

-de Vézelay à Saint Jacques de Compostelle : route des pèlerinages

-de Milan au Mont Saint Michel : route des marchands d'armes

-de Nuremberg à Venise : route des peintres

-de Tronheim (Norvège) à Rome : route du jubilé

-d'Edimbourg à Paris, : route du roi de France

-de Gênes à Istanbul : route de l'Asie

-de Séville à Anvers : route de l'armateur

-de Vienne à Moscou : route de l'ambassadeur

Cette énumération confirme l'analyse de J.J. Rousseau, on voyage jusqu'au XVIIIe siècle pour affaires (il y eut autrefois la route du sel, la route de la soie, celle des épices...) pour des motifs religieux (pèlerinages, croisades...), pour faire la guerre ou pour la diplomatie.

Néanmoins, le lecteur intéressé par le voyage avant le XIXe siècle pourra se reporter, par exemple, à l'ouvrage de Jules Verne : « Histoire générale des grands voyages et des grands voyageurs » parue en 1878.

Le XIXe siècle, par contre, marque une discontinuité importante dans les conditions du voyage qui au début de cette période sont encore très difficiles. Voici, par exemple le témoignage d'une Hollandaise nommée Henrica Rees Van Tets dans « Voyage d'une Hollandaise en France en 1819 » (texte retrouvé par Maître Maurice Garçon et publié chez J.J. Pauvert en 1966) : « Nous quittâmes Saint-Vallier hier matin, on y est fort mal : préservés des punaises auxquelles nos gens ont été exposés, nous eûmes des puces, ce qui ne laisse pas d'être fort désagréable. La route était mauvaise; depuis quinze jours nos roues de derrière étaient endommagées, sans exiger encore une réparation immédiate , mais leur débilité jointe à l'imprudence du postillon, en brisa une, et nous voilà renversés : il fallut sortir avec peine de la voiture et attendre, exposés à la fois au vent et à l'ardent soleil (c'était le 11 juillet 1819), que des secours fussent cherchés à Auberive, le relais suivant, qui heureusement n'était qu'à une petite lieue. Par un grand bonheur rien d'essentiel n'était brisé, la roue seule était mise en pièces, et par un bonheur aussi grand, il se trouva dans ce misérable village un charron assez habile pour faire une roue neuve. Auberive n'était composé que de quelques maisons, il n'y a même pas d'église. L'auberge était remplie de paysans (c'était dimanche); on nous donna une petite chambre si remplie de puces, que quoique je n'y fusse restée que cinq minutes, j'en étais toute couverte. Je fis apporter des chaises près d'un fumier, le seul endroit où l'on était à l'ombre, et là, entourés des habitants qui nous regardaient bouche béante, je restai jusqu'à cinq heures du soir... »

 

2-Les Causes de la discontinuité au XIXe siècle:

*grande période de paix en Europe: après la chute de Napoléon la paix ne fut longtemps troublée que par des expéditions militaires extérieures. Cela favorisa la possibilité de voyager.

*fort développement économique (industrialisation, création d'empires coloniaux...) entraînant l'enrichissement de certaines catégories de population. La vente des « biens nationaux » sous la Révolution et l'indemnisation des anciens propriétaires par la loi du 23 mars 1825 (Charles X était roi depuis 6 mois) dite « loi du milliard pour les émigrés » participèrent aussi grandement à l'enrichissement de gens qui eurent les moyens de voyager. Et ce d'autant que les événements passés depuis 1789 devaient les inciter à profiter de la vie plutôt qu'à thésauriser.

*développement important des voies de communication et des moyens de circulation, voici quelques repères (parmi beaucoup d'autres):

-en 1804 : construction de la première locomotive à vapeur au Pays de Galles

-en 1813 : en Savoie, ouverture du tunnel routier des Echelles

-en 1821 : création d'une liaison fluviale à vapeur entre Paris et Le Havre

-1er mai 1822 : ouverture du pont de pierre sur la Garonne à Bordeaux

-le 27 septembre 1825, en Grande-Bretagne dans le comté de Durham : ouverture de la première ligne ferrée de Stockton-Darlington sur 40 kms.

-16 octobre 1827 : inauguration de la première ligne de chemin de fer en France. Longue de 18 kms entre Saint Etienne et Andrezieux, elle était destinée au transport de minerai

-en 1832 : achèvement de la liaison fluviale Rhin-Rhône

-en 1833 : loi française sur le programme de construction de chemins de fer

-26 août 1837 : Inauguration de la gare Saint Lazare et première ligne voyageurs en France de Paris à Saint Germain en Laye, longue de 19 kms elle était parcourue en 18 minutes.. A Paris, les gares Montparnasse et d'Austerlitz sont ouvertes en 1840, la gare du Nord en 1846, les gares de l'Est et de Lyon en 1847 avec des liaisons correspondantes dans toutes les directions.

-18 juillet 1854 : Paris relié à Lyon par chemin de fer

-16 avril 1855 : Lyon relié à Marseille par chemin de fer (à Genève en 1858, à Grenoble en 1862 etc)

-août 1861 : création de la CGT (Compagnie Générale Transatlantique)

-15 juin 1864 : premier départ de la ligne régulière Le Havre/New-York

-28 août 1864 : le premier train arrive à Nice

-16 septembre 1869 : inauguration du canal de Suez

-années 1870 : débuts de l'automobile, le 18 décembre 1898 une voiture électrique atteint 63 kms/heure, et une autre les 105 kms/heure le 1er mai 1899.

-17 septembre 1871 : inauguration du tunnel ferroviaire du Fréjus assurant la liaison ferrée avec l'Italie

-1er janvier 1876 : premier wagon-lits sur la ligne Paris-Bordeaux

-1879 : En Allemagne, construction de la première locomotive électrique

-En 1882 : mise en service du tunnel routier du col de Tende entre la France et l'Italie

-1er juin 1882 : En Suisse, mise en service du tunnel ferroviaire du Saint Gothard.

-1890 : création du Touring Club de France

-1895 : création de l'automobile Club de France

*progrès dans tous les domaines:

-électricité : dès 1799, Alessandro Volta invente la pile électrique, tout au long du XIXe siècle les progrès concernant l'électricité ne cessent de s'accélérer

-développement de la poste : c'est le 1er janvier 1849 qu'en France est mis en vente le premier timbre-poste pour affranchir le courrier (timbre de 10 centimes)

-invention de la photographie à partir des années 1826/1830 : Niepce et Daguère

-création d'expositions universelles : la première a lieu à Londres en 1851. Elles eurent lieu à paris en 1855, 1867, 1878, 1889...

-création de casinos, de stations thermales, de l'infrastructure hôtelière

*regain d'intérêt pour les antiquités, suite à la redécouverte de Pompéi en 1748, à l'expédition de Bonaparte en Egypte (1798/1801), aux publications qui suivirent (Description de l'Egypte de Vivant-Denon, publiée la première fois en 1802 sous le titre : « voyage dans la basse et haute Egypte pendant les campagnes du général Bonaparte »), aux découvertes de J.F. Champollion (compréhension des hiéroglyphes en 1822) … L'académie celtique fut fondée en 1804, elle prit le nom de Société des Antiquaires de France en 1814, la Société française d'Archéologie en 1834, la Commision des Monuments historiques fut créée en 1837...

*nouveau regard sur les zones de montagne qui furent longtemps considérées comme dangereuses et horribles, comme en témoigne ce texte de Jean Senebier en 1779 dans sa préface au « voyage dans les Alpes » d'Horace Benedict de Saussure : « On parlait beaucoup à Genève en 1760 d'un voyage fait par des Anglais aux glaciers de Chamouny; on y regardait encore ces lieux comme inaccessibles; c'était le pays des Fées, où l'imagination et la crédulité se plaisaient à placer des phénomènes les plus absurdes et les plus effrayans; on les appelait aussi les montagnes maudites... »

*croissance démographique : Au cours du XIXe siècle la population de l'Europe passe de 150 à 295 millions d'habitants (Mémo Larousse)

 

3-Les récits de voyages

L'augmentation du nombre de voyageurs entraîna la multiplication des récits de voyages qui à leur tour incitèrent d'autres personnes à voyager. Les auteurs soit voulaient se faire connaître soit tirer de l'argent de la vente de leur récit. En outre, on note :

- la publication des œuvres de Jules Verne : «  5 semaines en ballon » en 1863, « voyage au centre de la terre » en 1864, « de la Terre à la Lune «  en 1865, « les enfants du capitaine Grant » en 1868, « Vingt mille lieues sous les mers » en 1870, « le tour du monde en 80 jours » en 1873 etc Il s'agit là de récits imaginés par le romancier mais qui participèrent probablement à populariser le voyage.

-la diffusion de guides touristiques : tels ceux de John Murray en Angleterre à partir de 1836, ceux de Louis Hachette en France en 1853 repris par Adolphe Joanne à compter de 1860 (les guides Joanne prennent le nom de Guides bleus en 1919), ou ceux de Karl Baedeker en Allemagne à compter de 1870.

-la réalisation de cartes routières à l'usage des touristes à partir des années 1880/1890.

 

4-Pour conclure

Le voyage a la fin du XIXe siècle n'a plus rien à voir à ce qu'il était un siècle auparavant en grande partie grâce au réseau ferré, mais aussi aux lignes maritimes et à tout l'environnement lié aux voyages qui se mit progressivement en place. Le XXe siècle représente une discontinuité beaucoup plus grande avec l'instauration des congés payés, l'automobile, l'aviation, les télécommunications, la création d'organismes d'assistance aux voyageurs, les émissions de télévision consacrées aux voyages etc. Mais si le XXe siècle a vu se généraliser le voyage de loisir et de tourisme, on peut dire que le XIXe siècle l'a vu naître et que toutes les inventions du dernier siècle l'ont été grâce à celles du siècle précédent.

J.D. 6 février 2013

La Paludière, bronze de 2007 de Jean Fréour à Batz-sur-Mer, photo transmise par Guy Delisle juillet 2015

La Paludière, bronze de 2007 de Jean Fréour à Batz-sur-Mer, photo transmise par Guy Delisle juillet 2015

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24 mars 2011 4 24 /03 /mars /2011 10:05

 

Les frères Delisle

lac-Guillaume-Delisle.jpg

Jules Verne, dans une « Histoire générale des grands voyages et des grands voyageurs » publiée en 1878, parle de 3 frères Delisle. Voici ce qu'il écrit :

 

« Cassini proclamait avec raison que la cartographie n'était plus à la hauteur de la science. En effet, Sanson avait suivi aveuglément les longitudes de Ptolémée, sans tenir compte des progrès des connaissances astronomiques. Ses fils et petits-fils n'avaient fait que rééditer ses cartes en les complétant, et les autres géographes se traînaient dans la même ornière. Le premier, Guillaume Delisle, construisit de nouvelles cartes, en mettant à profit les données modernes, et rejeta de parti pris tout ce qu'on avait fait avant lui. Son ardeur fut telle, qu'il avait entièrement exécuté ce projet à vingt-cinq ans. Son frère, Joseph-Nicolas, enseignait l'astronomie en Russie, et envoyait à Guillaume des matériaux pour ses cartes. Pendant ce temps, Delisle de la Croyère, son dernier frère, visitait les côtes de la mer Glaciale, fixait astronomiquement la position des points les plus importants, s'embarquait sur le vaisseau de Behring et mourait au Kamtchatka.

Voilà ce que furent les trois Delisle. Mais à Guillaume revint la gloire d'avoir révolutionné la cartographie.

Il parvint dit Cooley, à faire concorder les mesures anciennes et modernes et à combiner une masse considérable de documents; au lieu de limiter ses corrections à une partie du globe, il les étendit au globe entier, ce qui lui donne un droit très positif à être regardé comme le créateur de la géographie moderne. Pierre le Grand, à son passage à Paris, lui rendit hommage, en le visitant pour lui donner tous les renseignements qu'il possédait lui-même sur la géographie de la Russie.

Est-il rien de plus concluant que ce témoignage d'un étranger? Et, si nos géographes sont dépassés aujourd'hui par ceux de l'Allemagne et de l'Angleterre, n'est-ce pas une consolation et un encouragement de savoir que nous avons excellé dans une science où nous travaillons à reprendre notre ancienne supériorité?

Delisle vécut assez pour voir les succès de son élève J.B. D'Anville.... »

 

Jules Verne parle de trois frères Delisle, mais en fait ils furent quatre (comme les trois mousquetaires). Revue de famille :

 

Le Père :

CLAUDE DELISLE :Fils d'un médecin, Claude Delisle naquit à Vaucouleurs dans la Meuse le 5 novembre 1644 et décéda à Paris le 2 mai 1720. Après des études de droit, il devint d'abord avocat, puis il s'orienta vers l'histoire qu'il enseigna. Il fut l'auteur de plusieurs ouvrages dont :

« Relations historiques du royaume de Siam » en 1684,

« Atlas historique et généalogique » en 1718,

« traité de chronologie » publié en 1730,

« abrégé de l'histoire universelle » publié en 1731,

« introduction à la géographie avec un traité de la sphère » publié en 1746

Cette énumération, qui n'est pas exhaustive, montre que l'historien fut aussi géographe. Au début de leur carrière, il put donc aider ses fils tant par ses connaissances que par ses relations. Il avait notamment enseigné l'histoire à Philippe d'Orléans, duc de Chartres...petit-fils de Louis XIII, et qui fut régent de 1715 à 1723 durant l'enfance de Louis XV.

Il obtint la charge de « censeur royal » (il s'agissait à l'époque d'une compagnie d'experts chargée d'autoriser la publication imprimée de livres avec privilège royal)

Il se maria une première fois avec Marie Malaine, puis devenu veuf, il se remaria avec Charlotte Nicole Millet de la Croyère.

De ses 2 épouses, il eut 12 enfants dont cinq seulement parvinrent à l'âge adulte, une fille (Angélique) et 4 fils

 

Les Fils:

GUILLAUME DELISLE: naquit à Paris le 28 février 1675 et décéda d'une attaque d'apoplexie à Paris le 25 janvier 1726.

Il s'orienta très vite vers la cartographie-géographie. Il  avait déjà publié ses premières cartes dès 1700 et était reçu à l'Académie royale des Sciences en 1702.. Il fut chargé d'enseigner la géographie au futur roi Louis XV et reçut pour cela le 24 août 1718 le titre de « premier géographe du roi ». Il rencontra le tsar Pierre le Grand pour la première fois à Paris le 17 juin 1706 et entretint avec lui une correspondance jusqu'en 1721.

En mars 1726, plus de cent cartes de Guillaume Delisle furent recensées dans le « Mercure de France »

Il publia lui aussi plusieurs ouvrages dont :

« conjectures sur la position de l'île de Méroé » en 1708,

« observation sur la variation de l'aiguille aimantée » en 1710

« détermination géographique de la situation et de l'étendue des différentes parties de la terre » en 1720

« remarques sur la carte de la mer Caspienne » en 1721

Sur une "carte du Canada ou de la Nouvelle France" de Guillaume Delisle réalisé en 1703, figure pour la première fois le nom de la baie d'Hudson.

En 1962, le gouvernement du Québec donna le nom de Guillaume Delisle à un lac dénommé antérieurement « Richmond Gulf ». Il s'agit d'un lac d'eau salée située au Québec à environ 1200 kms au nord de Montréal, de forme triangulaire, d'une superficie de 712 kms2 et de 61 kms sur 22 dans ses plus grandes dimensions. Il communique avec la partie sud-est de la baie d'Hudson par un chenal de 5 kms de long appelé « le Goulet ». Ce lac Guillaume Delisle, ainsi qu'un autre lac proche appelé « le lac à l'eau claire » forment un ensemble qui figure sur le registre des aires protégées du Québec. Des Inuits vivent encore au bord du lac Guillaume Delisle.

Un écrivain (connu à son époque) nommé Bernard Le Bouyer de Fontenelle fit l'éloge de Guillaume Delisle lors de son décès en 1726.

De son mariage le 23 janvier 1707 avec Marie Darbisse,Guillaume Delisle laissa une fille prénommée Charlotte. Après la mort de son père, Charlotte épousa, au début de 1729, Philippe Buache, un élève de son père qui travaillait à "L'Atelier Delisle"depuis 1719. Cet atelier avait été fondé pour imprimer et diffuser les cartes de géographie. L'atelier périclita après le décès de Guillaume. Sa fille Charlotte décéda en 1730 à l'occasion de son premier accouchement, mais sa fille survécut. Quant à Philippe Buache, il récupéra en 1729 le titre de premier géographe du roi, titre qui avait été créé pour Guillaume Delisle

Un livre intitulé "L'Atelier Delisle" a été publié en novembre 2000 aux éditions "Septentrion". L'auteur s'appelle : Nelson-Martin Dawson. Ce livre de 300 pages, particulièrement documenté, contient spécialement un beau portrait de Guillaume Delisle page 144, ainsi qu'une liste exhaustive des cartes et études dues à Guillaume depuis l'année 1700 (pages 253 à 258). Ce livre est diffusé par la FNAC

 

JOSEPH-NICOLAS DELISLE: né à Paris le 4 avril 1688, décédé à Paris le 11 septembre 1768.

Il s'intéressa à l'astronomie et à la géographie après une éclipse solaire en 1706 et fut professeur au collège de France (collège royal) dès 1718. Il fut également membre de l'Académie royale des Sciences. En 1712, il avait fait établir un observatoire d'astronomie dans le dôme du Luxembourg. Le tsar Pierre le Grand l'appela à Saint-Pétersbourg, pour créer et diriger une école d'astronomie, reliée à l'Académie des Sciences de Russie. C'est début novemvre 1725, année de la mort de Pierre 1er (décédé le 8 février 1725) que Joseph Nicolas rejoignit Saint Pétersbourg et commença sa mission. Il explora la Sibérie lors d'un voyage de février à décembre 1740. Il fut le principal auteur d'une carte générale de la Russie publiée en 1745. Il fut de retour à Paris le 15 septembre 1747 et créa son propre observatoire à l'hôtel de Cluny. En 1915, Albert Isnard recensa 190 cartes de la Russie dues à Joseph-Nicolas Delisle. On voit donc que l'astronome fut aussi géographe. Durant son long séjour en Russie, ce Delisle copia secrètement, malgré la méfiance des Russes, de nombreux documents et de nombreuses cartes qu'il réussit à faire parvenir à la Cour de France. La carrière de ce Delisle en Russie a été particulièrement étudiée par Marie-Anne Chabin (née en 1959), qui fut conservatrice à la Direction des Archives de France et qui réalisa une thèse sur les relations franco-russes au XVIIIe siècle.

Parmi les publications de Joseph-Nicolas Delisle :

« projet de la mesure de la terre en Russie » de 1737

« Mémoires pour servir à l'histoire et au progrès de l'astronomie, de la géographie et de la physique » en 1738.

Joseph-Nicolas avait rencontré Newton en 1734 et fut l'un des premiers scientifiques français à partager les théories de Newton. Durant son séjour en Russie, Joseph-Nicolas inventa en 1732 une échelle de température qui à l'époque fut appelée « échelle Delisle ». Il fut aussi l'inventeur d'un thermomètre universel de grande précision. En 1763, il se retira à l'abbaye Ste Geneviève où il mourut en 1768.

C'est en l'honneur de ce Joseph-Nicolas, qu'en 1935, un cratère sur la lune (sur la face visible nord) fut appelé « cratère Delisle ». Ce cratère fut photographié par la mission Apollo 15 en 1971. Un massif montagneux lunaire d'un diamètre de 30 kms à sa base et situé à 15 kms du cratère Delisle, a été appelé « Mons Delisle ».

 

LOUIS DELISLEdit DELISLE DE LA CROYERE (du nom de sa mère)

naquit en 1690. Fut lui aussi astronome.

En 1727, sur proposition de son frère Joseph-Nicolas, l'impératrice de Russie Catherine (première), confia à ce Louis Delisle une mission d'observations astronomiques et physiques sur toutes les côtes nord de la Russie. Cette exploration dura 3 années. Dans ses carnets de voyages, Louis Delisle consigna de nombreuses observations non seulement sur les territoires mais aussi sur les populations rencontrées En 1741, il s'embarqua pour une expédition avec Behring et mourut au cours de cette expédition le 22 octobre 1741 dans le Kamtchatka.

Un internaute, professeur de culture française à l'Université Fédérale de l'Oural à Ekaterinbourg, et qui s'est intéressé à l'histoire de Louis Delisle, m'a signalé que ce Louis Delisle passa quelques années au Canada comme militaire avant son départ pour la Russie. Toujours selon la même source, Louis Delisle est signalé en 1717 au fort Saint Louis (aujourd'hui fort Chambly au Québec). Il rentra à Paris en 1724 avec le grade de sergent.

 

SIMON-CLAUDE DELISLE:

Fut le moins célèbre des quatre frères. Il naquit en 1675 et mourut en 1708. On sait de lui seulement qu'il fut historien et suppléa son père (Claude) dans ses leçons d'histoire.

  J.D. 24.3.2011, dernière mise à jour le 30.10.2011

Guillaume Delisle extrait de "L'Atelier Delisle" de Nelson Martin Dawson

Guillaume Delisle extrait de "L'Atelier Delisle" de Nelson Martin Dawson

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19 décembre 2010 7 19 /12 /décembre /2010 10:39

Jules-Verne 2

 

Jules Verne - deux œuvres peu connues

 

 

L'œuvre de Jules Verne (Nantes 8.2.1828 / Amiens 24.3.1905) est considérable. Mais tous ses écrits n'ont pas la notoriété du « Tour du monde en 80 jours », de « Cinq semaines en ballon », de « Vint mille lieues sous les mers », de « Michel Strogoff » etc. Voici deux livres peu connus :

 

L'Archipel en feu :

Livre publié en 1884. J'ai cherché ce livre en 2005, année où, en France, on faisait grand cas de Jules Verne à l'occasion du centenaire de sa mort. Tant en librairies que dans les bibliothèques de la région (Rhône-Alpes), pour celles que j'ai pu visiter, ce livre était introuvable. Pour le lire j'ai dû me rendre à Genève à la bibliothèque publique (parc des Bastions) ! En 2006, enfin, j'ai pu trouver une vieille édition de « l'Archipel en feu » chez un bouquiniste, à Paris, sur les quais de la Seine.

Ce livre relate les atrocités commises par les Turcs en Grèce dans les années 1820 lorsque les Grecs, après presque 4 siècles d'occupation sous la férule ottomane, se sont révoltés pour recouvrer leur liberté. (voir des extraits de Jules Verne sur mon blog dans le texte consacré à « l'indépendance de la Grèce » http://jean.delisle.over-blog.com/article-grece-independance-58616338.html). Alors bien sûr, au début du XXIe siècle, cela ne fait plus parti du « politiquement correct ». Si c'est une censure, elle est vraiment « bête et méchante ». Les Turcs d'aujourd'hui ne sont pas responsables d'événements datant de deux siècles. Est-ce que les crimes des nazis empêchent des liens d'amitiés avec les Allemands d'aujourd'hui et est-ce que ceux-ci prétendent censurer tous les écrits sur la période hitlérienne ?

Encore que..., la Bible nous conte bien les combats des Hébreux avec les occupants de la « bande de Gaza » ( les célèbres Philistins, de qui est d'ailleurs dérivé le nom de la Palestine), combats qui à l'époque s'étendirent sur 3 siècles et qui ne semblent pas terminés trois mille ans plus tard.... mais c'est une autre histoire ! Voir sur mon blog l'histoire d'Israël. http://jean.delisle.over-blog.com/article-histoire-d-israel-55889409.html

 

Famille-sans-nom :

Livre publié en 1889, à ne pas confondre avec « sans famille » d'Hector Malot.

Ce roman, comme « l'Archipel en feu » est basé sur des faits historiques et à l'occasion d'un roman, Jules Verne apporte quantité d'informations sur des événements, à partir de toutes les sources qu'il a pu utiliser.

L'action de « Famille-sans-nom » se déroule en 1837/1838 au Québec.

Toute la première partie du livre de Jules Verne rappelle les faits relatifs à la conquête du Canada depuis l'arrivée de Jacques Cartier en 1534, jusqu'aux événements des années 1837/1838, en passant par la fondation de la ville de Québec par Champlain en 1608, tous les combats qui opposèrent troupes françaises et anglaises jusqu'à la désastreuse bataille du 13 septembre 1759 dans les plaines d'Abraham (qui vit la mort de Montcalm qui commandait les troupes françaises) et le traité du 10 février 1763 par lequel Louis XV abandonna complètement le Canada aux Anglais. Cette plaine d'Abraham est située à proximité de la ville de Québec qui fit l'objet d'un siège naval de 49 navires anglais armés de 1944 canons.

A partir de là tous les gouverneurs successifs nommés par la couronne britannique développèrent une politique qu'on qualifierait aujourd'hui « d'apartheid » contre les colons de langue française : les distributions de terre, les emplois etc furent réservés aux anglophones.

Cette situation amena les francophones a créer un parti en 1832 : « parti patriote ». Ce parti remporta une victoire électorale en 1834, ce qui ne changea rien à la politique des gouverneurs, pourtant les francophones ne demandaient qu'à jouir des mêmes droits que les anglophones. Le 23 octobre 1834 lors d'une assemblée tenue à St Charles de Richelieu (appelée « assemblée des 6 comtés »), un orateur (le docteur Côté) s'écria : « le temps des discours est passé, c'est du plomb qu'il faut envoyer à nos ennemis ». Les patriotes s'armèrent et ce fut de nouveau des combats contre les Anglais en 1837/1838. Mais les francophones armés n'étaient que 4.000 contre 33.000 britanniques, en outre mieux armés. La défaite était inévitable et la répression s'abattit sur les francophones. Ceux des "patriotes" qui ne furent pas tués au combat, et qui ne purent s'exiler, furent pendus ou déportés en Australie par les Anglais. C'est la toile de fond du roman de Jules Verne qui n'est pas tendre avec les Anglais. On trouve dans son texte quantité de phrases du genre : «  les Anglais n'ont jamais su s'adjoindre les peuples qu'ils ont soumis; ils ne savent que les détruire ».

En première phrase de son roman, Jules Verne rappelle ce que disaient les philosophes français au XVIIIe siècle à propos du Canada : « On plaint ce pauvre genre humain qui s'égorge à propos de quelques arpents de glace ». En France tant l'opinion publique que les gouvernements abandonnèrent les Français du Canada à leur triste sort, tandis qu'en Angleterre le pouvoir encouragea l'émigration massive vers le Canada pour noyer les francophones et soutint les actions de ses gouverneurs sur place pour réduire l'influence française. Le résultat fut ce qu'il devait être.

Au Canada il fallut attendre une constitution datée de 1867, pour voir reconnaître les droits des francophones. La conclusion de Jules Verne se termine ainsi : « Chaque année, une touchante cérémonie réunit les patriotes de Montréal, au pied de la colonne élevée sur la côte des Neiges, aux victimes politiques de 1837/1838. Là, le jour de l'inauguration, un discours fut prononcé par M. Euclide Roy, président de l'Institut, et ses derniers mots peuvent résumer l'enseignement qui ressort de cette histoire : Glorifier le dévouement, c'est créer des héros! ».

Cette tradition de cérémonie, longtemps abandonnée, est reprise depuis 2003. Chaque année, le lundi précédant le 25 mai est appelée au Québec : « Journée nationale des Patriotes » et c'est un jour férié et chômé.

C'est le 8 avril 1904, que furent signés une série d'accords bilatéraux entre la France et la Grande Bretagne, accords connus sous le nom « d'Entente Cordiale ». Le roman de Jules Verne très critique vis-à-vis des Anglais n'était plus de bon ton et c'est probablement la raison pour laquelle il est très peu connu.

Un certain Charles De Gaulle né à Lille le 22 novembre 1890, n'avait pas 15 ans lors de la mort de Jules Verne à Amiens. Fut-il lecteur de « Famille-sans-nom » ? En eut-il le souvenir lorsqu'il lança « Vive le Québec libre » le 24 juillet 1967 à Montréal ? Qui le sait ?

J.D. 18.12.2010

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10 octobre 2010 7 10 /10 /octobre /2010 11:18

 

NOTE SUR L’INDEPENDANCE DE LA GRECE

 

Afin de prendre Constantinople en tenaille, les Ottomans avaient mis le pied au nord de la Grèce dès la fin des années 1380, et ils s’étaient emparés de Thessalonique (dont ils avaient massacré la population) en 1430.

Après la chute de Constantinople le 29 mai 1453, ils s’emparèrent d’Athènes en 1456 et du reste de la Grèce ensuite; réalisant ainsi le vieux rêve de Darius et de Xerxès au début du Ve siècle avant notre ère. Un opéra de Rossini de 1826 (Le siège de Corinthe) a pour toile de fond la conquête de la Grèce par le sultan Mehmet II dans les années 1450.

Sous la férule ottomane, les Grecs furent écrasés d’impôts, les jeunes garçons grecs périodiquement enlevés pour en faire des janissaires... Chateaubriand, par exemple, qui visita la Grèce en 1806 à l’occasion d’un voyage de Paris à Jérusalem, fait de nombreuses observations sur les abominations commises par les Turcs en Grèce et le triste sort réservé, en conséquence, à la population grecque.

Afin de conserver la langue grecque et la religion, le clergé orthodoxe organisa des écoles secrètes appelées “KRIFA SHOLEIA”. Un timbre grec de 1971 représente cette école secrète.

En 1821, les Grecs se soulevèrent pour retrouver leur indépendance qui fut proclamée au congrès d’Epidaure le 12 janvier 1822 (un timbre grec de 1971 commémore ce congrès, tandis qu’un autre de 1975 concerne l’assemblée secrète de janvier 1821 à Vostitsa qui décida de l’insurrection). Ils choisirent Missolonghi (sur la rive nord du golfe de Patras) comme capitale provisoire. Les Turcs se livrèrent alors à une répression féroce. Rien que dans l’île de Chio (Khios en grec et Scio en italien) qui comptait 75.000 habitants, en avril 1822, les Turcs en massacrèrent 30.000 et déportèrent les femmes et enfants (45.000) qui furent réduits en esclavage.

Cela révolta la conscience citoyenne européenne. Des volontaires partirent combattre aux côtés des Grecs. Parmi eux le comte italien de Santarosa, tué en combattant, l’amiral anglais Thomas Cochrane, l'Ecossais Thomas Gordon major général dans l'armée britannique, l'Irlandais Richard Church qui fut commandant en chef des forces terrestres grecques en 1827, qui resta en Grèce après l'indépendance et fut nommé général de l'armée grecque en 1854, Lord Byron, célèbre poète anglais, le baron français Fabvier (Charles Nicolas) ex-général d’empire ou Olivier Voutier, officier de marine français qui rejoignit la résistance grecque dès septembre 1821 et reçut le titre de colonel de l'armée grecque en mai 1822. . Byron mourut d’une fièvre à Missolonghi le 19 avril 1824. En 1924, pour le centenaire de sa mort, deux timbres grecs furent émis dont l’un représente Byron à Missolonghi, deux autres timbres lui furent consacrés en 1974. Joseph Denis Odevaere peignit en 1826 “La mort de Byron” (au Rijksmuseum d’Amsterdam), Ludovico Lipparini “Le serment de Byron à Missolonghi” en 1824 (Musée Benaki à Athènes), et Wiliam Purser “Vue de la maison de Byron à Missolonghi” en 1824 (au Musée Benaki d’Athènes).

Les Turcs prirent la ville de Missolonghi en 1826 après un long siège et le massacre des survivants. Certains avec leur chef Capsalis s’étaient fait sauter avec la poudrière pour échapper aux Turcs. (timbre grec commémoratif en 1971, d’autres timbres consacrés à Missolonghi furent émis en 1930, 1976 et 1982).
Eugène Delacroix peignit en 1824 un tableau intitulé : “La Grèce sur les ruines de Missolonghi” (exposé au Musée des Beaux-Arts de Bordeaux; ce tableau fut reproduit sur un timbre grec en 1968). J. D. Odevaere réalisa “les derniers combattants de Missolonghi” en 1826 (Amsterdam). Un autre artiste (Ary Scheffer) réalisa sept dessins intitulés : “Les débris de la garnison de Missolonghi” et “les femmes souliotes” -de Souli, ville de l’Epire reprise par les Turcs en 1822, où 160 femmes s’étaient précipitées dans la mer (du haut d’une falaise) avec leurs enfants pour échapper à la soldatesque turque- (au Musée d’Orsay à Paris; un timbre grec de 1971 fut consacré aux femmes souliotes et un autre en 1979 “aux combattants de Souli”). Ary Scheffer peignit également un tableau intitulé “ Jeune Grec défendant son père blessé” en 1827 (au Musée Benaki d’Athènes).

Ne parvenant pas à réduire la résistance de Souli, Ali Pacha dut promettre 500 piastres pour chaque tête de Souliotes qui lui serait rapportée.

Henri Serrur peignit la “prise de Tripolitza par les Grecs” (exposé au Musée de Douai. Tripolitza appelée aujourd’hui Tripoli fut reprise par les Ottomans en 1824. Ils la détruisirent, les Grecs l’ont reconstruite depuis). Claude Bonnefond réalisa un tableau intitulé “officier grec blessé” (au Musée de Lyon). Horace Vernet réalisa “La défaite” en 1827 (au Musée Benaki d’Athènes) et “Scène de la guerre d’indépendance” en 1826 (au Palais de l’Archevêque à Nicosie), citons encore : Eugène Delacroix : “Scène de guerre actuelle entre les Grecs et les Turcs” (au salon de 1827), Giovanni Boggi : “Portrait de Theodoros Kolokotronis” -un des chefs de la résistance grecque- en 1825 (au Musée de la ville d’Athènes), Ludowig Vogel : “Portraits des réfugiés grecs de Zurich” de 1823 (au Schweizerisches Landesmuseum de Zurich, un comité philhellène suisse assura la formation militaire de volontaires grecs), Charles Lock Eastlake : “Réfugiés grecs” en 1833 (Musée Benaki Athènes), Karl Krazeizen : “Grecs luttant parmi les ruines antiques” de 1829 (collection Mike Krassakis à Cologne)...

Le baron Fabvier, pour sa part rejoignit les combattants grecs en 1823 et organisa la défense d’Athènes. Il fit partie des derniers combattants réfugiés sur l’Acropole qui fut prise par les Turcs en juin 1827. (en 1927, 3 timbres grecs eurent pour thème “la défense de l’Acropole par le général français Fabvier”). A Nauplie, au fort Palamède, un bastion a été baptisé “Robert” en souvenir d’un volontaire français tué durant l’assaut du bastion en novembre 1822.

Malgré l’aide des volontaires, et après 6 ans 1/2 d’une guerre sanglante, les Turcs à force de massacres avaient maté toute rebellion et récupéré tout le territoire perdu. Les Grecs s’étaient battus avec l’énergie du désespoir contre des forces très supérieures, espérant et attendant en vain l’intervention des “Puissances”. Celles-ci ne se décidèrent qu’après l’écrasement complet de la résistance grecque!. Le 20 octobre 1827, une action conjointe de la Russie, de l’Angleterre et de la France, permit de vaincre les Turcs à la bataille navale de Navarin. Au chapitre IV de “L’archipel en feu”, Jules Verne écrit :”C’était l’indépendance que les canons de Navarin venaient d’assurer aux enfants de la Grèce”. (On peut se demander au passage si cette phrase de Jules Verne n’a pas inspiré le titre d’un film de 1961 :”Les canons de Navarone” ?).

Une campagne de l’armée française fut conduite dans le Péloponnèse par le général Maison en 1828 et deux armées russes marchèrent sur Istanbul en 1829. A la suite, divers traités internationaux (dont le traité d’Andrinople en 1829) accordèrent l’indépendance à la Grèce qui s’est achevée (dans les limites actuelles de la Grèce), en 1947 (plusieurs timbres grecs en 1928 et 1977 rappelèrent la bataille de Navarin. L’un des timbres de 1928 est consacré à l’amiral français de Rigny qui avait engagé la bataille contre la flotte ottomane).

Edgar Quinet qui visita la Grèce début 1829, décrivit le pays comme un vaste ossuaire en plein air (dans “la Grèce moderne et ses rapports avec l’antiquité”); rien qu’à Athènes, après le départ des Turcs, la ville est presqu’entièrement détruite, il ne reste que 4.000 survivants. Les Turcs ont même incendié les 150.000 oliviers de l’oliveraie qui se trouvait à l’ouest d’Athènes. Presque partout, avant de se retirer, les Turcs détruisent les oliviers de la Grèce. Dans son “dictionnaire de la Grèce”, Jacques Lacarrière commentant l’ouvrage d’Edgar Quinet écrit : “on se demande vraiment comment laGrèce put survivre à de telles destructions” et parlant de la Crète : “ La domination turque, qui dura jusqu’à 1898, avait provoqué dans l’île un tel état de misère et de détresseque seules les horreurs de l’enfer imaginées par Dante auraient pu l’égaler”.

 

Victor Hugo, pour sa part se déchaîna contre les Turcs dans différents poèmes publiés en 1829 sous le titre : “Les Orientales”. Parmi ceux-ci :

Enthousiasme”de 1827 : appel à la mobilisation de l’Europe pour la Grèce . Ce poème commence ainsi :

En Grèce! en Grèce! adieu, vous tous! il faut partir!

Qu’enfin, après le sang de ce peuple martyr,

Le sang vil des bourreaux ruisselle!

En Grèce, ô mes amis! vengeance! liberté!

Ce turban sur mon front, ce sabre à mon côté!

Allons! ce cheval, qu’on le selle!

Quand partons-nous? Ce soir! demain serait trop long

Des armes! des chevaux! un navire à Toulon!

Un navire, ou plutôt des ailes!...”

Navarin”de novembre 1827, du nom de la bataille navale, illustrée par un tableau de Ambroise Louis Garneray (dans les galeries historiques de Versailles), par 2 tableaux de Jean Charles Langlois (l’un intitulé “combat de Navarin” est exposé à Compiègne au Musée du Palais, l’autre “entrevue du général Maison et d’Ibrahim Pacha à Navarin” est exposé à Versailles), et par un tableau de George Philip Reinagle “La bataille de Navarin” de 1827 (à la “Fine Art Society” à Londres). Voici un extrait du poème de Victor Hugo:

Ibrahim, que rien ne modère...

Il court où le butin le tente,

Et lorsqu’il retourne à sa tente,

Chaque fois sa main dégoûtante

Jette des têtes au Sérail...”

La douleur du Pacha” de décembre 1827, à la suite de la défaite des Turcs.

Ci après un extrait de ce poème :

Ce ne sont pas non plus les villes écroulées,

Les ossements humains noircissant les vallées,

La Grèce incendiée, en proie aux fils d’Omar,

L’orphelin, ni la veuve, et ses plaintes amères,

Ni l’enfance égorgée aux yeux des pauvres mères,

Ni la virginité marchandée au bazar,...”

Les têtes du sérail” de juin 1826, qui conte la mort de 3 héros grecs : Joseph évêque orthodoxe de Rogous, mort en combattant les Turcs, Constantin Canaris, dont la mort avait été annoncée (à tort) au moment où Victor Hugo rédigea son poème, et Markos Botzaris, un des premiers chefs de l’insurrection, mort au combat en 1823, que les Grecs inhumèrent et que les Turcs exhumèrent pour lui trancher la tête et l’envoyer au Sultan. Plusieurs timbres grecs furent consacrés à Botzaris en 1926, 1930 et 1971. A Paris, une station de métro (sur la ligne 7bis) s’appelle “Botzaris”. Dans le chapitre VIII de la deuxième partie de “Vingt milles lieues sous les mers”, Jules Verne fait figurer le portrait de Botzaris dans la cabine du capitaine Nemo. Dans le même roman, le capitaine Nemo livre aux insurgés grecs, du côté de la Crète, un coffre rempli de lingots d’or pour les aider dans leur lutte contre les Turcs. Le Museo Civico à Trevise conserve toute une série de tableaux de Lodovico Lipparini sur la guerre d’indépendance dont l’un sur “La mort de Markos Botsaris”.

Plusieurs timbres grecs de 1930 et toute une série en 1971 sont relatifs à l’action du clergé orthodoxe dans cette guerre d’indépendance; l’un de ces timbres est consacré au patriarche orthodoxe Grégoire V que les Turcs avaient pendu à Istanbul en 1821. L’hymne national grec rend hommage à ce patriarche avec cette phrase : “Pleurez tous : l’Eglise a perdu son chef vénéré; pleurez, pleurez : il a subi l’infâme supplice réservé aux assassins.”

Ci-après un extrait des propos que Victor Hugo prête à Botzaris dans son poème :

Les Musulmans vainqueurs dans ma tombe fouillèrent,

Ils mélèrent ma tête aux vôtres qu’ils souillèrent.
Dans le sac du Tartare on les jeta sans choix.
Mon corps décapité trésaillit d’allégresse;

Il me semblait, ami, pour la Croix et la Grèce

Mourir une seconde fois.”

L’’enfant”de juin 1828, relatif aux massacres de Chio. Eugène Delacroix peignit, lui, “Les massacres de Scio”, tableau exposé au Musée du Louvre, tandis que le sculpteur Pierre Jean David dit “David d’Angers” réalisait une sculpture en marbre : “L’enfant grec” (au Musée des Beaux-Arts d’Angers) et “la jeune grecque sur le tombeau de Markos Botzaris” (au Musée historique d’Athènes. Cette sculpture fut reproduite sur un timbre grec de 1926). Un encrier de bronze avec une statuette de “Markos Botsaris expirant” inspiré de David d’Angers est conservé au Musée Benaki d’Athènes. Sur le thème de la guerre d’indépendance, de nombreux artistes décorèrent des vases, des assiettes, des pendules... (voir “La Grèce retrouvée de Fani-Maria Tsigakou Seghers 1984). En Angleterre le “Morning Chronicle” publia un poème “Les larmes de Scio”.

Cri de guerre du Mufti” d’octobre 1828, rédigé après la défaite des Ottomans, mais si les Turcs avaient perdu Athènes, ils occupèrent l’Acropole jusqu’en 1834. La mosquée qu’ils avaient construite à l’intérieur du Parthénon ne fut démolie qu’en 1842.

Canaris”en novembre 1828, du nom de l’amiral de la flotte grecque. Un timbre grec lui fut consacré en 1930 dans le cadre d’une série sur les “héros de l’indépendance”. Parmi ces timbres, l’un est dédié à Laskarina Bouboulis dite “La Bouboulina”. Cette veuve d’un armateur grec consacra sa fortune à la guerre d’indépendance. Elle arma 4 navires à ses frais pour combattre les Turcs et participa elle-même aux combats. Elle appela son navire amiral “l’Agamemnon”.(nom du chef des Grecs contre Troie). Elle fut assassinée le 22 mai 1825. Deux timbres grecs de 1971 et 1983 représentent des navires de la Bouboulina. Le danois Adam Friedel von Friedelsburg réalisa 24 portraits des principaux chefs de l’insurrection grecque dont une lithographie de Lascarina Bouboulina en 1827. En 1993, Michel de Grèce lui consacra un livre : “La Bouboulina”. Signalons également que la pièce grecque de 2 centimes d’Euro représente une corvette de 1821 ayant participé à la guerre d’indépendance. Au chapitre XIII de “l’Archipel en feu”, Jules Verne cite Modena et Zacharias parmi les femmes grecques qui comme la Bouboulina consacrèrent leur fortune à faire construire des navires pour combattre les Turcs.

Canaris inspira à Victor Hugo deux autres poèmes intitulés “A Canaris”, datés d’octobre 1832 et de septembre 1835 et publiés dans “Les Chants du crépuscule” fin 1835. Voici un extrait du poème de 1832 :

Nous avons un instant crié : La Grèce! Athènes!

Sparte! Léonidas! Botzaris! Démosthènes!

Canaris, demi-dieu de gloire rayonnant!...”

et du poème de 1835 :

Toi qui brises tes fers rien qu’en les secouant,

Toi dont le bras, la nuit, envoie en se jouant,

Avec leurs icoglans, leurs noirs, leurs femmes nues,

Les capitans-pachas s’éveiller dans les nues!...”

 

 

Bien d’autres personnalités ont, à l’époque, pris la défense de la Grèce. Signalons Claude Fauriel qui publia en 1824/1825 “Chants populaires de la Grèce moderne” (chants patriotiques), Jules Verne dans son roman “l’archipel en feu” en 1884, Lamartine dans son poème “Invocations pour les Grecs” en 1826, et surtout Chateaubriand qui, en 1825, dans une “note sur la Grèce”, appela toutes les nations européennes à s’unir pour imposer à l’Empire Ottoman l’indépendance de la Grèce. Cette “note sur la Grèce” fut largement diffusée et figura entre autres en avant-première, dès 1827, de plusieurs éditions de “l’Itinéraire de Paris à Jérusalem”.

Ci-après quelques extraits de cette “note sur la Grèce” copiés dans une édition de 1859 de l’Itinéraire chez Firmin-Didot :

Malheur au siècle, témoin passif d’une lutte héroïque, qui croirait qu’on peut, sans périls comme sans pénétration de l’avenir, laisser immoler une nation! Cette faute, ou plutôt ce crime, serait tôt ou tard suivi du plus rude châtiment”...

Et l’on soutiendrait aujourd’hui qu’il n’y a ni massacre, ni exil, ni expropriation en Grèce! On prétendrait qu’il est permis d’assister paisiblement à l’égorgement de quelques millions de chrétiens!”...

Vous ne voulez pas serrer la main suppliante de la Grèce? eh bien! sa main mourante vous marquera d’une tache de sang, afin que l’avenir vous reconnaisse et vous punisse.”...

N’est-il pas étrange que l’on voie l’Afrique, l’Asie et l’Europe mahométane verser incessamment leurs hordes dans la Grèce, sans que l’on craigne les effets plus ou moins éloignés d’un pareil mouvement? Une poignée de chrétiens qui s’efforcent de briser le joug odieux sont accusés par des chrétiens d’attenter au repos du monde; et l’on voit sans effroi s’agiter, s’agglomérer, se discipliner ces milliers de barbares qui pénétrèrent jadis jusqu’au milieu de la France, jusqu’aux portes de Vienne.”...

Non seulement on fait l’éducation des soldats de la secte la plus fanatique et la plus brutale qui ait jamais pesé sur la race humaine, mais on les approche de nous. C’est nous,chrétiens, c’est nous qui prêtons des barques aux Arabes et aux nègres de l’Abyssinie pour envahir la chrétienté.”...

Etablie sur les ruines de la Grèce antique et sur les cadavres de la Grèce chrétienne, la barbarie enrégimentée menacera la civilisation”...

Recommander l’humanité à des Turcs, les prendre par les beaux sentiments, leur expliquer le droit des gens, leur parler de hospodorats, de trêves, de négociations, sans rien leur intimer et sans rien conclure, c’est peine perdue, temps mal employé”...

l’Europe doit préférer un peuple qui se conduit d’après les lois régénératrices des lumières, à un peuple qui détruit partout la civilisation. Voyez ce que sont devenues, sous la domination des Turcs, l’Europe, l’Asie et l’Afrique mahométanes...”

Sait-on bien ce que c’est pour les Osmanlis (ancien nom des Ottomans) que le droit de conquête, et de conquête sur un peuple qu’ils regardent comme des chiens révoltés? Ce droit c’est le massacre des vieillards et des hommes en état de porter les armes (en note, Chateaubriand signale le cas de 500 hommes de Modon qui furent sciés par le milieu du corps), l’esclavage des femmes, la prostitution des enfants suivie de la circoncision forcée et de la prise du turban. C’est ainsi que Candie, l’Albanie et la Bosnie, de chrétiennes qu’elles étaient, sont devenues mahométanes”....

Il faut considérer l’invasion d’Ibrahim comme une nouvelle invasion de la chrétienté par les musulmans. Mais cette seconde invasion est bien plus formidable que la première : celle-ci ne fit qu’enchaîner les corps; celle-là tend à ruiner les âmes : ce n’est plus la guerre au chrétien, c’est la guerre à la Croix”...

On assure qu’Ibrahim, arrivé à Patras, va faire transporter une partie de son armée à Missolonghi. Cette place, assiégée depuis près d’un an, et qui a résisté aux bandes tumultueuses de Reschid-Pacha, pourra-t-elle, avec des remparts à moitié détruits, des moyens de défense épuisés, une garnison affaiblie, résister aux brigands disciplinés d’Ibrahim?”...

Notre siècle verra-t-il des hordes de Sauvages étouffer la civilisation renaissante dans le tombeau d’un peuple qui a civilisé la terre? La chrétienté laissera-t-elle tranquillement les Turcs égorger des chrétiens?...”

Mais lorsqu’enfin on a pendu ses prêtres et souillé ses temples, lorsqu’on a égorgé, brûlé, noyé des milliers de Grecs, lorsqu’on a livré leurs femmes à la prostitution, emmené et vendu leurs enfants dans les marchés de l’Asie, ce qui restait de sang dans le coeur de tant d’infortunés s’est soulevé. Ces esclaves par force ont commencé à se défendre avec leurs fers”...

 

Dans une intervention à la Chambre des Pairs en date du 15 mars 1826, Chateaubriand demanda que les dispositions de la loi du 15 avril 1818 contre la traite des noirs soient étendues à l’esclavage des chrétiens organisé par certains pays musulmans appelés

par Chateaubriand “puissances barbaresques” dans une autre intervention à la Chambre des Pairs en date du 9 avril 1816.

 

 

 

Interrogation : En Occident on parle souvent du “génocide arménien”, jamais du “génocide grec”. Pourquoi ?

Les Turcs du XXIe siècle ne peuvent naturellement être responsables des crimes des Ottomans. Les crimes des Nazis n’empêchent pas l’alliance avec les Allemands; mais de même que l’amitié d’aujourd’hui avec les Allemands n’exclut pas le devoir de mémoire pour les exterminés des camps, ceux d’Oradour, Jean Moulin, les résistants des Glières, ceux du Vercors etc etc etc, l’alliance avec les Turcs ne doit pas exclure le devoir de mémoire envers les Grecs du XIXe siècle et ce d’autant que dans cette tragédie, les “Puissances” semblent avoir été surtout préoccupées de se surveiller les unes les autres (et d’empêcher les dites autres d’étendre leur zone d’influence), plutôt que d’aider les Grecs. Dans ce sens ces “Puissances” ont aussi leurs responsabilités dans le génocide.

Outre le devoir de mémoire, le rappel des événements permet de mieux comprendre certaines réactions actuelles. L’importance des émissions de timbres grecs sur la guerre d’indépendance (celles citées ci dessus ne sont que partielles, et il faudrait également signaler une émission de timbres chypriotes en 1971 pour commémorer le 150° anniversaire de l’indépendance de la Grèce) suffirait à penser que le souvenir des atrocités du XIXe siècle n’est pas complètement effacé de la mémoire des Grecs. L’hymne national grec composé par Solomos en 1823 et toujours en vigueur en serait un témoignage s’il était nécessaire. En voici quelques extraits :

La terre vomissait à flots pressés les mânes de tous ceux qui avaient été les victimes innocentes de la fureur des Turcs...

Les Grecs braves comme des lions, se battaient en criant toujours feu, et la race impie des Turcs se dispersait en hurlant toujours allah!...

Ô trois cents Spartiates! levez-vous, revenez parmi vos enfants: vous verrez combien ils ressemblent à leurs glorieux pères...

Puissé-je entendre gronder ainsi le vaste Océan, et le voir engloutir sous ses ondes toute la race musulmane...”

 

 

 

Exemples de paroles de chansons grecques des années 1820, rapportées par Claude Fauriel en 1824 dans “chants populaires de la Grèce moderne” :

 

GUERRES DE SOULI (III)

Un oiseau s’est posé sur le haut du pont. Il se lamente et dit; il dit à Ali Pacha : ce n’est point ici Iannina; pour y faire des jets d’eau; ce n’est point ici Prévéza pour y bâtir des forteresses. C’est ici Souli le fameux, Souli le renommé, où vont en guerre les petits enfants, les femmes et les filles; où la femme de Tsavellas combat, le sabre à la main, son nourisson à un bras, le fusil à l’autre, et le tablier plein de cartouches.

 

GUERRES DES SOULIOTES (X)

Un grand bruit se fait entendre : les coups de fusil pleuvent : est-ce une noce que l’on tire? est-ce une réjouissance? Ce n’est ni à une noce que l’on tire, ni dans une réjouissance.
C’est Despo qui combat avec ses brus et ses filles. Les Albanais l’ont assaillie dans la tour de Dimoulas :” Femme de George, rends les armes : ce n’est point ici Souli; ici tu es l’esclave du pacha, la captive des Albanais” - “Souli a beau s’être rendu, Kiapha a beau être devenue turke, Despo n’eut, Despo n’aura jamais des Liapes pour maîtres”. Elle saisit un tison dans sa main, appelle ses filles et ses belles-filles : “Ne soyons par les esclaves des Turks, mes enfants; suivez-moi”. Elle met le feu aux cartouches, et toutes disparaissent dans le feu.

 

 

 

 

extraits de lettres d’Edgar Quinet à sa mère

(publiées par la librairie Honoré Champion à Paris 2003)

 

lettre d’Egine du 17.4.1829 : “J’ai vu de mes yeux et distinctement la pauvre Athènes, qui ressemble de ce point à une grande métaierie, ou à un monastère abandonné”

lettre d’Egine du 26.4.1829 : “Voici deux jours que je suis de retour d’Athènes... La ville est détruite de fond en comble, il ne reste que les monuments antiques avec quelques palmiers çà et là. J’ai tout vu, tout reconnu à mon gré dans cette pauvre Athènes qui est encore la plus belle et la plus touchante des ruines.”

lettre de Syra du 12.5.1829 :”Je viens d’entendre dire que mes compagnons ou ceux qui les dirigent ont été tellement effrayés de ce pays, qu’ils étaient encore à Modon, il y a quinze jours, sans oser en sortir.”

lettre de Marseille du 5.6.1829 :”Je reviens de tous points satisfait de mon voyage. Vous savez que je l’ai fait seul, et que j’ai pénétré jusque dans Athènes où j’ai vécu deux jours. J’ai été obligé de me séparer de mes compagnons qui sont restés deux mois inactifs à Modon, par épouvante à ce qu’on dit.”

 

EXTRAITS DE “LA GRECE MODERNE ET SES RAPPORTS AVEC L’ANTIQUITE”

d’EDGAR QUINET 1830

 

... je pris la chaussée vénitienne de Modon, à travers les couches de cendre et les troncs brûlés des oliviers dont la vallée était autrefois ombragée...à la place des villages, des kiosques et des tours...on ne voit plus que de longues murailles calcinées... Une fois, je me dirigeai vers les restes d’une église byzantine, où je croyais voir des marbres écroulés; il se trouva que le porche et le circuit étaient jonchés de blancs squelettes...je descendis vers la mer pour y chercher le port; là encore je ne vis sous une nuée de corbeaux, que des ossements d’hommes et de chevaux...
Entre plusieurs récits qu’ils nous firent, je fus frappé de l’atrocité d’un supplice que le bim-baschi avait fait subir quelque temps auparavant sous leurs yeux à l’un de ses prisonniers : cet homme, qui était un ancien scribe des environs, avait été écorché vif, des pieds jusqu’à la tête, et suspendu ainsi, par des crochets de fer enfoncés dans la poitrine, à un olivier, où il vécut tout un jour. Je tiens d’une autre source non moins certaine qu’un médecin, philhellène français, ayant été pris au Pirée par une bande d’Albanais, sa taille un peu replète les mit en joie; ils le pendirent à un arbre, où ils le tirèrent à la cible toute la matinée.”

 

 

EXTRAITS D’UN AVERTISSEMENT D’EDGAR QUINET DATE DU 11 JUILLET 1857

POUR UNE REEDITION DE “LA GRECE MODERNE ET SES RAPPORTS AVEC L’ANTIQUITE”

 

Y avait-il encore une nation, un avenir sous cette blanche poussière d’ossements humains qui couvrait littéralement les rivages et la place des villes? On pouvait en douter. Il n’a pas été inutile de tracer à la fois le tableau de l’extermination et celui du réveil de la Grèce en 1829...
La Grèce si elle est quelque chose est un Etat maritime; et c’est ce que l’Angleterre ne veut pas. La Grande-Bretagne, la reine des mers jalouse Hydra et Poros. La puissante Angleterre, la chrétienne Angleterre a fait tout ce qu’il fallait pour étouffer au berceau le peuple qui venait au monde. A peine né, elle le rançonnait déjà, elle l’emprisonnait pour dettes...

L’Europe n’est intervenue qu’après sept ans et rassasiée du spectacle du carnage. Une si lente extermination donne un droit à celui qui a survécu. Une plante arrosée de tant de sang ne peut plus être extirpée par personne...

Au milieu de la plus grande destruction d’hommes et de choses que l’on verra jamais, je me suis trouvé dans mon voyage, en face de la nature seule...L’anéantissement de tous les vestiges humains...La détresse était telle qu’il m’eût été impossible de m’attacher au souvenir des époques brillantes de la société grecque. Partout la barbarie présente me ramenait à la barbarie antique. Dans un monde redevenu primitif par l’effet du carnage et de la déprédation je n’aurais pu parler de Périclès, de Sophocle, de Socrate. Je revenais comme naturellemnt aux Pelasges mangeurs de glands et aux dieux d’Arcadie à têtes de loups.”

 

 

 

 

EXTRAITS DE “L’ARCHIPEL EN FEU”

ROMAN DE JULES VERNE DE 1884

chapitreII :

...après la mort de son père, qui fut l’une de ces milliers de victimes de la cruauté des Turcs, sa mère, affamée de haine, n’attendit plus que l’heure de se jeter dans le premier soulèvementcontre la tyrannie ottomane”

chapitre III :

Pendant près de deux cents ans, on peut dire que la vie politique de la Grèce fut complètement éteinte. Le despotisme des fonctionnaires ottomans, qui y représentaient l’autorité, passait toutes limites. Les Grecs n’étaient ni des annexés, ni des conquis, pas même des vaincus : c’étaient des esclaves, tenus sous le bâton du pacha, avec l’imam ou prêtre à sa droite, le djellah ou bourreau à sa gauche...
En 1821, les Souliotes et le Magne se soulevèrent. A Patras, l’évêque Germanos, la croix en main, pousse le premier cri. La Morée, la Moldavie, l’Archipel se rangent sous l’étendard de l’indépendance. Les Hellènes, victorieux sur mer, parviennent à s’emparer de Tripolitza. A ces premiers succès des Grecs, les Turcs répondent par le massacre de leurs compatriotes qui se trouvaient à Constantinople...
Les Philhellènes accoururent à leur secours de tous les points de l’Europe. Ce furent des Italiens, des Polonais, des Allemands mais surtout des Français qui se rangèrent contre les oppresseurs. Les noms de Guys de Sainte-Hélène, de Gaillard, de Chauvassaigne, des capitaines Baleste et Jourdain, du colonel Fabvier, du chef d’escadron Regnaud de Saint-Jean d’Angely, du général Maison, auxquels il convient d’ajouter ceux de trois Anglais : lord Cochrane, lord Byron, le colonel Hasting...

En 1822, Ali de Tébelen, assiégé dans sa forteresse de Janina, est lâchement assassiné au milieu d’une conférence que lui avait proposée le général turc Kourschid...

Ce fut dans les luttes de cette année là (1823)que succomba Marco Botsaris, ce patriote dont on a pu dire : il vécut comme Aristide et mourut comme Léonidas...

Ibrahim Pacha voulut aller prendre part au second siège de Missolonghi, dont le général Kiotagi ne parvenait pas à s’emparer, bien que le sultan lui eût dit : Ou Missolonghi ou ta tête! En 1826, le 5 janvier, après avoir brûlé Pyrgos, Ibrahim arrivait devant Missolonghi. Pendant trois jours, du 25 au 28, il jeta sur la ville huit mille bombes et boulets, sans pouvoir y entrer, même après un triple assaut, et bien qu’il n’eût à faire qu’à deux mille cinq cents combattants, déjà affaiblis par la famine.... Le 23 avril, après un siège qui avait coûté la vie à mille neuf cents de ses défenseurs, Missolonghi tombait au pouvoir d’Ibrahim, et ses soldats massacrèrent hommes, femmes, enfants, presque tout ce qui survivait des neuf mille habitants de la ville...

Ainsi voit-on apparaître le nom de Bobolina, née dans une petite île, à l’entrée du golfe de Nauplie. En 1812, son mari est fait prisonnier, emmené à Constantinople, empalé sur ordre du sultan.... Une autre grande figure doit être placée au même rang que cette vaillante Hydriote. Toujours mêmes faits amenant mêmes conséquences. Un ordre du sultan fait étrangler à Constantinople le père de Modena Mavroeinis, femme dont la beauté égalait la naissance. Modena se jette aussitôt dans l’insurrection...” (Jules Verne passe alors en revue les principales héroïnes de la guerre d’indépendance dont Andronika, Despo ... pour conclure) :”on peut voir de quoi étaient capables les descendantes des Héllènes...

dans la ville de Scio... où périrent vingt trois mille chrétiens, sans compter quarante sept mille qui furent vendus comme esclaves sur les marchés de Smyrne...”

chapitre IX :

A cette époque, le sultan avait lancé, contre Scio cet arrêt terrible : feu, fer, esclavage. Le capitan-pacha, Kara-Ali fut chargé de l’exécuter. Il l’accomplit. Ses hordes sanguinaires prirent pied dans l’île. Hommes au dessus de douze ans, femmes au-dessus de quarante ans furent impitoyablement massacrés. Le reste réduit en esclavage...”

chapitreXIII :

A cette époque, les soldats d’ibrahim faisaient encore une guerre féroce aux populations du centre de la Morée (ancien nom du Péloponnèse), tant éprouvées déjà et depuis si longtemps. Les malheureux qu’on ne massacrait pas étaient envoyés dans les principaux ports de la Messénie, à Patras, ou à Navarin,. de là, des navires, les uns frétés par le gouvernement turc, les autres fournis par les pirates de l’Archipel, les transportaient par milliers soit à Scarpanto, soit à Smyrne, où les marchés d’esclaves se tenaient en permanence”....

Alger était encore à la discrétion d’une milice, composée de musulmans et de renégats, rebut des trois continents qui forment le littoral de la Méditerranée, ne vivant que de la vente des prisonniers faits par les pirates et de leur rachat par les chrétiens. Au dix-septième siècle, la terre africaine comptait déjà près de quarante mille esclaves des deux sexes, enlevés à la France, à l’Italie, à l’Angleterre, à l’Allemagne, à la Flandre, à la Hollande, à la Grèce, à la Hongrie, à la Russie, à la Pologne, à l’Espagne dans toutes les mers de l’Europe. A Alger, au fond des bagnes du pacha d’Ali-Mami, des Kouloughis et de Sidi-Hassan, à Tunis, dans ceux de Youssif-Dey, de Galere-Patrone et de Cicala, dans celui de Tripoli....”

 

INVOCATION POUR LES GRECS

poème de Lamartine de 1826

 

 

N’es-tu plus le Dieu des armées?
N’es-tu plus le Dieu des combats?

Ils périssent, Seigneur, si tu ne réponds pas!

L’ombre du cimeterre est déjà sur leurs pas!

Aux livides lueurs des cités enflammées

Vois-tu ces bandes désarmées,

Ces enfants, ces vieillards, ces vierges alarmées?

Ils flottent au hasard de l’outrage au trépas,

Ils regardent la mer, ils te tendent les bras;

N’es-tu plus le Dieu des armées?
N’es-tu plus le Dieu des combats?

 

Jadis tu te levais! tes tribus palpitantes

Criaient : Seigneur! Seigneur! ou jamais ou demain!

Tu sortais tout armé, tu combattais! soudain

L’Assyrien frappé tombait sans voir la main,

D’un souffle de ta peur tu balayais ses tentes,

Ses ossements blanchis nous traçaient le chemin!

Où sont-ils? où sont-ils ces sublimes spectacles

Qu’ont vus les flots de Gad et les monts de Séirs?

Eh quoi! la terre a des martyrs,

Et le ciel n’a plus de miracles?

Cependant tout un peuple a crié : Sauve-moi;

Nous tombons en ton nom, nous périssons pour toi!

 

Les monts l’ont entendu! les échos de l’Attique

De caverne en caverne ont répété ses cris,

Athènes a tressailli sous sa poussière antique

Sparte les a roulés de débris en débris!

Les mers l’ont entendu! les vagues sur leurs plages,

Les vaisseaux qui passaient, les mâts l’ont entendu!

Le lion sur l’Oeta, l’aigle au sein des nuages;

Et toi seul, ô mon Dieu! tu n’as pas répondu!

 

Ils t’ont prié, Seigneur, de la nuit à l’aurore,

Sous tous les noms divins où l’univers t’adore;

Ils ont brisé pour toi leurs dieux, ces dieux mortels,

Ils ont pétri, Seigneur, avec l’eau des collines,

La poudre des tombeaux, les cendres des ruines,

Pour te fabriquer des autels!

 

Des autels à Délos! des autels sur Egine!

Des autels à Platée, à Leuctre, à Marathon!

Des autels sur la grève où pleure Salamine!

Des autels sur le cap où méditait Platon!

 

Les prêtres ont conduit le long de leurs rivages

Des femmes, des vieillards qui t’invoquaient en choeurs,

Des enfants jetant des fleurs

Devant les saintes images,

Et des veuves en deuil qui cachaient leurs visages

Dans leurs mains pleines de pleurs!

 

Le bois de leurs vaisseaux, leurs rochers, leurs murailles,

Les ont livrés vivants à leurs persécuteurs,

Leurs têtes ont roulé sous les pieds des vainqueurs

Comme des boulets morts sur les champs de batailles;

Les bourreaux ont plongé la main dans leurs entrailles;

Mais ni le fer brûlant, Seigneur, ni les tenailles

N’ont pu t’arracher de leurs coeurs!

 

Et que disent, Seigneur, ces nations armées

Contre ce nom sacré que tu ne venges pas!

Tu n’es plus le Dieu des armées!

Tu n’es plus le Dieu des combats!

 

(De Lamartine voir également le “Voyage en Orient” publié en 1835 où il décrit l’état de ruines dans lequel les Turcs ont laissé la Grèce et les destructions des oliviers)

 

 

 

extraits du chant II de “Childe Harold’s Pilgrimage” de Lord Byron

(publié à Londres en 1812; traduction française utilisée : Florence Guilhot et J.L. Paul, éditions Ressouvenances septembre 2001)

 

 

LXI : “On n’entend jamais la voix de la femme :

Sans se mouvoir, gardée, voilée, bannie,

Elle livre à un seul son être et sa flamme

Soumise, en cage, sans acrimonie,

A ce maître à qui elle s’est unie...”

 

LXXIII : “ Belle Grèce! Amer vestige, éclat passé!

Grande déchue, caduque impérissable!

Qui mènera tes enfants dispersés?

Qui rompra le servage interminable?

Jadis tes fils n’étaient point comparables,

Attendant les guerriers voués au caveau.

Des Termopyles, sépulcre lamentable

Qui réveillant cet esprit brave et beau.
S’élançant d’Eurotas, te prendra du tombeau ?”

 

 

LXXV : “Ils sont changés en tout hormis de corps!

Qui voit la flamme briller en leurs yeux

Croirait bien que leurs coeurs brûlent encor,

liberté perdue, de ton feu radieux.

S’approche l’heure qui, de leurs aïeux

-Rêvent beaucoup-, leur rendra l’héritage :

D’arme et d’aide d’autrui sont-ils envieux,

N’osant seuls affronter l’hostile rage,

Rayé leur nom souillé du livre d’Esclavage.”

 

LXXVI : “Ignorez-vous, esclaves de l’histoire :

Qui se veut libre est son libérateur,

Ses droites armes forgent sa victoire ?

Celte ou Slave vous seraient protecteurs?

Non! Qu’ils terrassent vos fiers spoliateurs,

Et la flammme libre pour vous ne monte !

Ombres d’ilotes! Soyez triomphateurs!

Votre état dure quiconque vous dompte :

Le jour glorieux prit fin, non vos années de honte.

 

 

LXXVII :”La Cité pour Allah prise au Giaour,

Il pourra la reprendre à l’Ottoman;

Et du Sérail l’impénétrable tour

Reverra son hôte, le Franc ardent,

Les Rebelles de Wahab dépouillant

la tombe du Prophète, feront chemin

Sanglant qui serpente vers l’Occident...”

 

LXXIX :”Lequel défile avec plus de folie,

Istanbul, jadis reine de leur règne?

Si les turbans souillent Sainte-Sophie,

Si les vrais autels la Grèce dédaigne...”

 

LXXXIII : “C’est ce que sent le vrai fils de la Grèce,

Si elle peut en vanter dans ses rangs,

Lorsque tant, parlant guerre, en paix s’abaisse

Cette paix de l’esclave soupirant...”

 

LXXXIV :”Puisse Sparte réveiller son ardeur,

Un Epaminondas Thèbes connaître,

Les fils d’Athènes être doués d’un coeur,

Tes mères, Grèce! des hommes faire naître...”

 

 

 

 

CRI DE GUERRE DU MUFTI

(Poème de Victor Hugo d’octobre 1828, publié en 1829 dans la série “Les Orientales”)

 

En guerre les guerriers! Mahomet! Mahomet!

Les chiens mordent les pieds du lion qui dormait;

Ils relèvent leur tête infâme;

Ecrasez, ô croyants du prophète divin,

Ces chancelants soldats qui s’enivrent de vin,

Ces hommes qui n’ont qu’une femme!

 

Meure la race franque et ses rois détestés!

Spahis, timariots, allez, courez, jetez

A travers les sombres mélées

vos sabres, vos turbans, le bruit de votre cor,

Vos tranchants étriers, larges triangles d’or,

Vos cavales échevelées!

 

Qu’Othman, fils d’Ortogrul, vive en chacun de vous,

Que l’un ait son regard et l’autre son courroux.

Allez, allez, ô capitaines!

Et nous te reprendrons, ville aux dômes d’azur,

Molle Setiniah, qu’en leur langage impur

les barbares nomment Athènes!

 

 

 

 

LE VOILE

(Poème de Victor Hugo de septembre 1828, publié en 1829 dans la série “Les Orientales”)

 

LA SOEUR

Qu’avez-vous, qu’avez-vous, mes frères ?

Vous baissez des fronts soucieux;

Comme des lampes funéraires,

Vos regards brillent dans vos yeux.
Vos ceintures sont déchirées;

Déjà trois fois, hors de l’étui,

Sous vos doigts, à demi tirées,

Les lames des poignards ont lui.

 

LE FRERE AINE

N’avez-vous pas levé votre voile aujourd’hui ?

 

LA SOEUR

Je revenais du bain, mes frères,

Seigneurs, du bain, je revenais,

Cachée aux regards téméraires

Des Giaours et des Albanais.

En passant près de la mosquée

Dans mon palequin recouvert,

L’air du midi m’a suffoquée;

Mon voile un instant s’est ouvert.

LE SECOND FRERE

Un homme alors passait ? un homme en caltan vert.

 

LA SOEUR

Oui... peut-être...mais son audace

n’a point vu mes traits dévoilés...

Mais vous vous parlez à voix basse,

A voix basse vous vous parlez.

Vous faut-il du sang? sur mon âme,

Mes frères, il n’a pu me voir.
Grâce! tuerez-vous une femme,

Faible et nue en votre pouvoir !

 

LE TROSIEME FRERE

Le soleil était rouge à son coucher ce soir!

 

LA SOEUR

Grâce! qu’ai-je fait? grâce! grâce!

Dieu! quatre poignards dans mon flanc!

Ah! par vos genoux que j’embrasse...

O mon voile! ô mon voile blanc!

Ne fuyez pas mes mains qui saignent,

Mes frères, soutenez mes pas!

Car sur mes regards qui s’éteignent

S’étend un voile de trépas.

 

LE QUATRIEME FRERE

C’en est un que du moins tu ne lèveras pas!

 

L’ENFANT

(Poème de Victor Hugo de juin 1828, publié en 1829 dans le série “Les Orientales”)

 

Les Turcs ont passé là : tout est ruine et deuil.

Chio, l’île des vins, n’est plus qu’un sombre écueil,

Chio qu’ombrageaient les charmilles,

Chio, qui dans les flots reflétait ses grands bois,

Ses coteaux, ses palais, et le soir quelquefois

Un choeur dansant de jeunes filles.

Tout est désert : mais non, seul près des murs noircis,

Un enfant aux yeux bleus, un enfant grec, assis,

Courbait sa tête humiliée.

Il avait pour asile, il avait pour appui

une blanche aubépine, une fleur, comme lui

Dans le grand ravage oubliée.

 

Ah! pauvre enfant, pieds nus sur les rocs anguleux!

Hélas! pour essuyer les pleurs de tes yeux bleus

Comme le ciel et comme l’onde,

Pour que dans leur azur, de larmes orageux,

Passe le vif éclair de la joie et des jeux,

Pour relever ta tête blonde,

 

Que veux-tu? bel enfant, que faut-il donner

Pour rattacher gaiement et gaiement ramener

En boucles sur ta blanche épaule

Ces cheveux qui du fer n’ont pas subi l’affront,

Et qui pleurent épars autour de ton beau front,

Comme les feuilles sur le saule ?

 

Qui pourrait dissiper tes chagrins nébuleux ?

Est-ce d’avoir ce lis, bleu comme tes yeux bleus,

Qui d’Iran borde le puits sombre ?

Ou le fruit du tuba, de cet arbre si grand,

Qu’un cheval au galop met toujours en courant

Cent ans à sortir de son ombre?

 

Veux-tu pour me sourire, un bel oiseau des bois,

Qui chante avec un chant plus doux que le hautbois,

Plus éclatant que les cymbales?

Que veux-tu? fleur, beau fruit, ou l’oiseau merveilleux?

Ami, dit l’enfant grec, dit l’enfant aux yeux bleus,

Je veux de la poudre et des balles.

timbre grec de 1971 commémorant la victoire navale de Samos contre les Turcs

timbre grec de 1971 commémorant la victoire navale de Samos contre les Turcs

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