La cote de popularité de François Hollande descend au même rythme où celle d'Angela Merkel monte, y compris en France. C'est le principe du funiculaire : un wagon descend pendant que l'autre monte. Il faut espérer que le succès d'Angela Merkel lui donne assez d'autorité pour « cadrer » Hollande et l'empêcher de continuer à faire n'importe quoi et son contraire ! Ce n'est pas l'intérêt des Allemands de laisser sombrer la France et cela me rassure plus que les compétences du « capitaine de pédalo » ! Titre à la UNE du Canard enchaîné du mercredi 25 septembre 2013, Merkel à Hollande : « moi chancelière, toi chancelant ! » Réaliste !
Les Français qui n'ont pas encore compris vont comprendre à l'automne 2014 quand ils vont recevoir les feuilles d'impôts non seulement de l'Etat mais aussi des collectivités territoriales qui vont devoir compenser les baisses de dotations de l'Etat ainsi que les charges nouvelles. Il va en aller de même des cotisations pour les mutuelles qui vont, elles, devoir suppléer les baisses de remboursements de la Sécurité Sociale.
Les sorts de l'Allemagne et de la France sont liés depuis des siècles pour le meilleur et pour le pire et hélas sur le passé plus souvent pour le pire ! (voir sur mon blog la fiche N° 110, « comme en 14 » ainsi que la fiche N°55 « la fin des 4 empires ») .
L'an prochain va être célébré le centenaire du début de la première guerre mondiale. Je me demande combien de citoyens en connaissent les causes ?
Dans sa biographie d'Aristide Briand (tome II de 1938, chapitres IX à XII) Georges Suarez en donne une analyse intéressante.
Rappel de quelques faits :
*L'empire allemand proclamé après la guerre de 1870 et le royaume d'Italie (proclamé le 17 mars 1861) avaient beaucoup de retard sur d'autres pays (Portugal, Espagne, Grande-Bretagne, France...) dans la constitution d'empires coloniaux. Ce fut une importante cause de tensions en Europe au début du XXe siècle.
*Pour protéger sa frontière algérienne, la France avait des visées sur le Maroc que l'Allemagne, l'Espagne et la Grande-Bretagne convoitaient aussi.
*Les Anglais qui étaient inquiets de la montée en puissance de l'Empire allemand avaient signé des accords avec la France le 8 avril 1904 : La France laissait l'Angleterre libre en Egypte pendant que l'Angleterre soutenait les prétentions françaises au Maroc. C'était manifestement un court-circuit de l'empire allemand, mais aussi de l'Espagne.
*Le 31 mars 1905, l'empereur Guillaume II rencontra le sultan du Maroc Moulay al-Aziz à Tanger et fit un discours très offensif sur les droits allemands sur le Maroc, ce qui envenima les rapports franco-allemands.
*Devant la menace de guerre, une conférence internationale fut organisée à partir du 16 janvier 1906 à Algésiras (en Andalousie) pour régler le différent franco-allemand sur le Maroc. La conférence se termina par la signature d'un « acte général » le 7 avril 1906. Cet acte « au nom de Dieu tout puissant » était signé au nom de :
-l'empereur d'Allemagne, roi de Prusse,
-l'empereur d'Autriche roi de Bohême et de Hongrie
-le roi des Belges
-le roi d'Espagne
-le Président des Etats-Unis (ils avaient été appelés comme « médiateurs »)
-le Président de la République française
-le roi du Royaume-Uni empereur des Indes
-le roi d'Italie
-le Sultan du Maroc
-la reine des Pays-Bas
-le roi du Portugal
-l'empereur de toutes les Russies
-le roi de Suède
Cette liste en rappel a le mérite de montrer qu'il y a à peine plus d'un siècle, il n'y avait pas beaucoup de Républiques en Europe !
Cet accord donna quelques droits particuliers à la France et à l'Espagne au Maroc tout en accordant un droit de regard aux Allemands, et en plaçant le Maroc sous la protection de tous les pays signataires. Autrement dit, rien n'était réglé, mais la face était, provisoirement, sauvée !
*un accord signé à Berlin en février 1909, prévoyait une coopération économique entre la France et l'Allemagne pour le développement du Maroc et du Congo.
*en mars 1911, l'armée française occupa Rabat, Fès et Meknès.
*l'Allemagne y vit une violation des accords d'Algésiras de 1906 et envoya, à partir du 1er juillet 1911, des navires de guerres dans la baie d'Agadir, d'abord la canonnière « Panther » puis le croiseur « Berlin » et la canonnière « Eber ».
*En France, depuis le 27 juin 1911, Joseph Caillaux avait remplacé Monis dont le gouvernement avait duré moins de 4 mois en succédant à Aristide Briand comme Président du Conseil. Caillaux négocia directement et seul avec les Allemands, court-circuitant son ministre des Affaires étrangères, notre ambassadeur à Berlin, le parlement français et nos alliés, en l'occurrence la Grande-Bretagne et la Russie. Caillaux céda aux Allemands des territoires pris sur le Congo, le Gabon et l'Oubangui-Chari pour permettre aux Allemands d'agrandir le Cameroun allemand, moyennant quoi le 28 novembre 1911, les navires de guerre allemands levèrent l'ancre de la baie d'Agadir et l'Allemagne ne revendiqua plus le Maroc.
*Voilà les faits brièvement récapitulés ci-dessus. Caillaux, lui, s'attribua le mérite d'avoir sauvé la paix (d'autres en 1938 prétendront aussi sauver la paix!) , mais le jugement qu'en porte Suarez est terrible, il n'est pas conventionnel. Le voici, chacun se fera son opinion. En rappelant pour la petite histoire que le 16 mars 1914, Henriette Caillaux, épouse de Joseph, assassina Gaston Calmettes directeur du Figaro.
Extraits du texte de Suarez (publié en 1938) :
« Briand dans un discours prononcé le 21 décembre 1913 à Saint-Etienne, porta sur la politique de Caillaux ce jugement : J'ai connu la douloureuse surprise de voir se liguer contre moi, sur des questions qui touchaient à ce qu'il y avait de plus grave dans les intérêts extérieurs de ce pays, des hommes prêts à m'abattre et à tout faire pour y parvenir, au risque de voir avorter une politique de prudence et de paix. Ils combattaient aveuglément cette politique, avec l'espérance d'écraser sous elle l'homme qu'ils voulaient chasser du pouvoir. Je suis parti... Quand la faute est commise, elle entraîne vite toutes ses conséquences. L'une des conséquences fut Agadir, une autre fut la conquête militaire du Maroc. Pour soutenir cette conquête, il faut maintenir là-bas 60.000 soldats français, dont notre armée métropolitaine se trouve diminuée. D'autres conséquences suivirent celle-ci. La conquête militaire du Maroc entraînait l'Italie vers les Turcs, en Tripolitaine (dans l'actuelle Libye) . Elle s'y porta. Ce fut la Turquie affaiblie. Cet affaiblissement de la Turquie amena la guerre d'Orient : la Serbie et la Bulgarie s'arrachant des morceaux de la Turquie, ce furent les guerres successives des Balkans (1912/1913), d'où de nouvelles formations et des combats entre les peuples. Et le régime de la paix armée fut plus lourd que jamais et oppressa l'Europe.
Ce fut l'Allemagne augmentant sa force militaire et nous, dans le même moment, contraints de réduire la nôtre, contraints d'envoyer au Maroc, pour soutenir la conquête, de nouvelles troupes prises dans l'élite de notre armée. Aussi le danger s'accroît, l'horizon s'obscurcit de nuages. L'inquiétude à cette heure est partout.
Pour Caillaux, ce qu'avait fait le prédécesseur ne pouvait être bon à rien. Les accords qu'il avait préparés en vue d'une pénétration pacifique au Maroc, il fallait les piétiner, les détruire, ces accords qui favorisaient des rapprochements d'intérêts, en réduisant au minimum les dangers de conflits, on les détruisit.
En 1922, attaqué à la Chambre (des députés) par un caillautiste, il (il s'agit de Briand) répondit : Nous nous étions dit qu'en donnant satisfaction aux intérêts économiques allemands, étant donné leur puissance, nous parviendrions peut-être à écarter les dangers de guerre. Oui, oui car après la destruction de ces accords, ces dangers se sont déchaînés. Lorsque les hommes d'affaire allemands ont vu que tout espoir de tractation économique ou financière était perdu, ils se sont ralliés au parti militaire et l'Allemagne a couru où fatalement la poussaient ses secrètes aspirations : vers la guerre...
Le 6 juillet de la même année (1922) à la tribune de la Chambre, Léon Blum exprimera la même thèse : Répercussion immédiate et indéniable des faits les uns sur les autres, des ambitions et des convoitises les unes sur les autres, l'affaire marocaine déterminant l'affaire de Tripolitaine livrant la Turquie affaiblie aux convoitises des petits Etats balkaniques.
Agadir ne sera en effet qu'un commencement. Les accords de 1909/1910 une fois remis en question, l'Allemagne plus largement pourvue, chacun des Etats avec qui la France avait traité, demandera que ses avantages soient accrus en proportion des avantages que s'étaient réservés les contractants. L'Italie occupera la Tripolitaine et la Cyrénaïque. Elle se heurtera à des bandes d'indigènes commandés par des officiers turcs. La guerre italo-turque déchaînera une crise décisive dans les Balkans. Les Etats chrétiens, voisins de la Turquie, profiteront de ses embarras pour former sous la direction de la Russie une coalition. La France, liée par l'alliance russe, devra soutenir moralement et matériellement, les nations liguées contre l'empire ottoman. Celui-ci sera battu dans une première guerre par la Bulgarie, la Grèce et la Serbie. Mais le partage des dépouilles du vaincu tournera la Serbie et la Grèce contre la Bulgarie qui succombera à son tour.
En Allemagne, l'opinion verra avec une irritation croissante la défaite de la Turquie et de la Bulgarie ainsi que l'agrandissement de la Serbie qui barrait à l'Autriche la route de Salonique. La France qui avait soutenu la Grèce et la Serbie, deviendra la cible de la colère allemande. Quatre incidents de frontières se produiront coup sur coup et le gouvernement impérial fera voter au Reichstag un impôt d'un milliard de marks pour porter l'effectif de l'armée allemande à 850.000 hommes (1913). enfin l'attentat de Serajevo, qui sera la conséquence directe de la victoire serbe dans la guerre balkanique, mettra le feu aux poudres. Ce sera la guerre ; le point initial, ce fut Agadir qui ne fut possible que par la rupture imposée par Caillaux des accords de 1909.
dans ses notes intimes de guerre, Briand le relevait aussi à la date du 7 février 1918 : Conversation à l'Elysée avec le président de la République qui m'avait fait dire par Barthou son désir de me voir. Il me dit son horreur de Caillaux à propos des papiers trouvés à Florence.
A ce propos, je rappelle au président les accords faits par moi en 1910 avec l'Allemagne, déchirés ensuite à l'instigation de Caillaux. La conséquence : Agadir, véritable germe du conflit actuel (il s'agit de la guerre de 14 pas encore terminée à la date du 7 février 1918) Le vrai responsable de la guerre c'est Caillaux. C'est à ce moment là que, pour essayer de réparer sa faute, il s'est jeté dans les bras de l'Allemagne et s'est fait l'agent financier de l'Allemand Cassel. Poincaré approuve....
Pour faire une politique qui ne fut pas celle du prédécesseur , Caillaux se condamnait à en chercher d'impossibles et se privait délibérément des bénéfices de l'expérience. Il vivra dans un ouragan d'alertes incessantes, de menaces mortelles, duquel il ne s'échappera pour reprendre du souffle, que par l'arbitraire, l'intrigue, les tractations obliques, la violation constante des règles du pouvoir, les démentis mensongers et les engagements contradictoires.
Finalement, pressé de toutes parts par le danger extérieur, il sera entraîné à rattraper par des sacrifices supplémentaires et vains les chances de paix qu'il avait compromises...
Son impuissance devant les obstacles que son tempérament s'ingéniait à accumuler, le rendait irritable, nerveux, inconséquent. Il n'était plus de taille à débrouiller tout seul les fils qu'il avait su emmêler avec tant de virtuosité....
Sous la menace (il s'agit de l'envoi de navire de guerre allemands à Agadir) l'Allemagne engageait la France à négocier au plus vite des compensations. Selves (notre Ministre des Affaires étrangères), après avoir reçu l'ambassadeur allemand, eut aussitôt le réflexe logique qui convenait à la situation et à l'intérêt du pays. Il avertit notre ambassadeur à Londres qui prévint sir Edward Grey. (alors Ministre des Affaires étrangères en Grande-Bretagne). Celui-ci offrit si le gouvernement français répliquait à l'Allemagne par l'envoi d'un bateau de guerre, de le faire accompagner par un navire anglais. Caillaux refusa de recourir à la solidarité franco-britannique et déclara qu'il préférait négocier avec l'Allemagne. Qu'attendait-il donc d'une négociation engagée sous la contrainte des canons et de quelle liberté espérait-il pouvoir user pour sauver le renom français ? Mais Caillaux était débordé par les conséquences irrésistibles de ses erreurs et il se croyait seul qualifié pour les enrayer. Happé par l'engrenage combiné de sa présomption et de ses égarements, il rebondit de faute en faute sans retrouver jamais le sang-froid, l'équilibre, la mesure qu'il fallait pour faire face à la pression du péril. Il avouait au milieu de son affolement, des préoccupations puériles.
Il oubliait qu'en se plaçant délibérément sous l'imminence du danger, et en refusant le concours de l'Angleterre, il avait perdu l'initiative des moyens et le choix des solutions. Il persista cependant à inventer quelque chose de personnel, d'original, d'inédit. Par-dessus la tête de son ministre des affaires étrangères, il noua des pourparlers secrets avec l'Allemagne...
Il (il s'agit de Selves notre ministre des Affaires étrangères) comprit, dès lors, le sens de bien des choses et de bien des attitudes qui étaient restées pour lui des énigmes (Selves venait d'apprendre les tractations secrètes que Caillaux menait dans son dos). Tandis que Selves s'appuyait sur l'Angleterre pour tenir tête aux Allemands, Caillaux s'appuyait sur l'Allemagne pour faire échec au Quai d'Orsay et au Foreign Office.
Dans un numéro de l’œuvre en 1914, Robert de Jouvenel écrivait : c'est là le fait monstrueux. Il s'est trouvé à un moment donné, un président du Conseil français dont la politique personnelle était telle à ce moment qu'il en fut réduit à s'appuyer sur l'ambassade d'Allemagne pour la défendre. Il fut à ce moment là solidaire de Berlin contre Paris »
Si l'on suit Suarez, la responsabilité de Caillaux est importante dans les raisons qui ont amené la première guerre mondiale. La presse de l'époque, spécialement Le Figaro (d'où l'assassinat de Calmettes) fut très critique vis-à-vis de Caillaux. Mais après la guerre et eu égard à l'hécatombe il fut plus glorieux de rejeter la seule responsabilité sur les Allemands dont le bellicisme fut mis en avant plutôt que de rappeler qu'un responsable français eut pour principale ligne politique de faire le contraire de son prédécesseur qu'il détestait (Aristide Briand en excluant l'intermède de Monis) et que cela fit partie des causes de la guerre.
J.D. 28 septembre 2013
ajout du 22 janvier 2016 :
on trouvera des photos en illustration qui se passent de commentaires.
Pauvre France!