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10 mars 2016 4 10 /03 /mars /2016 17:13

En 1916, la fête de Pâques tombait le 23 avril. Ne pas confondre la fête chrétienne de Pâques qui rappelle la résurrection du Christ avec la Pâque Juive qui commémore la sortie des Hébreux d’Égypte au temps de Moïse.

-En France on était en pleine bataille de Verdun qui avait commencé le 21 février.

-En Arménie et Turquie, les Turcs massacraient les Arméniens (voir note N°230 http://jean.delisle.over-blog.com/2015/03/avril-1915-n-230.html).

-En Suisse s'ouvrait à Kienthal (s'écrit aussi Kiental) dans le canton de Berne une conférence socialiste internationale contre la guerre. Elle faisait suite à la conférence de Bâle en 1912 (voir note N°8 http://jean.delisle.over-blog.com/article-clara-zetkin-58616039.html) et à la conférence de Zimmerwald (canton de Berne) tenue du 5 au 8 septembre 1915.

-En Irlande ce furent « les Pâques sanglantes ».

L'Irlande :

*L'Irlande fut peuplée dès la plus haute antiquité. Le pays fut évangélisé par Saint Patrick né en l'an 390. Elle fut envahie par les Vikings qui finirent par s'assimiler à la population locale et il y eut une succession de rois locaux.

*A partir de 1534, les Anglais prétendirent annexer l'Irlande et en 1541 le roi Henri VIII se proclama roi d'Irlande. C'est cet Henri VIII qui sépara l'église d'Angleterre de Rome et s'autoproclama chef de la nouvelle église, parce que le Vatican lui avait refusé le droit de divorcer. Malgré cela, il fit décapiter 2 de ses épouses successives, ce qui permettait une séparation plus rapide qu'au moyen d'un divorce, même quand on est devenu chef de l’Église.

*En 1595, les Irlandais se soulevèrent contre l'Angleterre. Cela entraîna une guerre très sanglante qui dura 9 ans sous le règne d'Elisabeth 1ère, digne fille de son père (Henri VIII) puisqu'elle fit même décapiter sa cousine (Marie Stuart).

*Les Anglais encouragèrent alors l'implantation d'Anglais anglicans en Irlande. Des propriétaires irlandais catholiques furent expulsés et leurs terres attribuées à des Anglicans. En 1613 un parlement irlandais à la botte de l'Angleterre fut 100 % anglican alors que 85 % de la population en Irlande était encore catholique. Cela entraîna un nouveau soulèvement en 1641 et une nouvelle guerre qui dura aussi 9 années et fut de même très sanglante. Une immigration importante avait eu lieu dans les années 1630 en direction de la Barbade, île des Antilles.

*Le 23 mai 1798, les Irlandais se soulevèrent à nouveau contre les Anglais, massacrèrent des protestants et demandèrent l'aide de la France. Une première expédition française conduite par le général Hoche en 1796 avait été dispersée par la tempête avant d'atteindre l'Irlande. Une seconde expédition partie de France le 6 août 1798, conduite par le général Humbert et emportant 1.000 soldats arriva en Irlande le 22 août, permit une victoire sur l'armée anglaise le 27 août à Castlebar (au nord-ouest de la République d'Irlande) et entraîna la proclamation de la République irlandaise de Connaught. Mais les troupes françaises durent capituler le 15 septembre devant des troupes anglaises beaucoup plus importantes. Une troisième expédition commandée par le général Hardy et emportant 3.000 soldats, fut interceptée par la marine anglaise avant d'atteindre l'Irlande. La France révolutionnaire tenta vraiment d'aider l'Irlande, mais il faut se rappeler que durant le même temps les Anglais finançaient et armaient les Vendéens contre la France et que l'Angleterre fut l'âme de la plupart des coalitions contre la France. Une légion irlandaise fit partie de la Grande Armée de Napoléon.

*Le 1er août 1800, les Anglais prononçaient le rattachement de l'Irlande à la Grande-Bretagne.

*En 1801, le parlement irlandais pourtant croupion fut supprimé.

*En 1870, un Irlandais nommé Isaac Butt créa une association patriotique irlandaise (Home Government Association) et le 25 novembre 1913 était fondée une milice (Irish Volunteers). L'association se transforma en parti parlementaire irlandais et déclencha en 1913 une grève anti-anglaise.

*En septembre 1914, le roi George V signa une loi d'autonomie pour l'Irlande (Home Rule Act), mais toujours dans le cadre de la souveraineté britannique, dont l'application fut reportée compte tenu du contexte de la première guerre mondiale,.

*Parallèlement 2 mouvements indépendantistes s'étaient créés : le Sinn Fein (fondé en 1905) et l'IRB (Irish Republican Brotherhoad) fondé en 1858.

*Dans le contexte de la guerre mondiale, ces mouvements demandèrent des armes aux Allemands. Ceux-ci trop contents de voir s'ouvrir un front anti-anglais envoyèrent un cargo livrer 20.000 fusils aux indépendantistes irlandais, mais ce cargo fut arraisonné par la marine anglaise.

*Malgré le manque d'armes, les indépendantistes se soulevèrent le 24 avril, lundi de Pâques 1916, s'emparèrent de Dublin et proclamèrent la République d'Irlande le 25 avril 1916. Ils avaient été peu suivis par la population irlandaise

*Les Anglais envoyèrent d'importantes troupes, de l'artillerie et reprirent le contrôle de l'Irlande. Ils commirent l'erreur d'une répression : 3.500 arrestations eurent lieu en Irlande même et 2.000 Irlandais furent arrêtés en Angleterre et dans le pays de Galles ; tous les chefs indépendantistes furent exécutés ; cela révolta la population qui soutint alors massivement les indépendantistes.

*Le Sinn Fein proclama l'indépendance de l'Irlande en 1918, ce qui entraîna 3 années de nouvelles guerres contre les Anglais. Cela se termina par le traité de Londres du 6 décembre 1921, entériné par le roi George V le 6 décembre 1922 et qui partage l'Irlande en 2, la partie nord liée à la Grande-Bretagne et la partie sud indépendante, mais au départ membre du Commonweath.

*C'est en 1937 que cette partie indépendante prit le nom irlandais de « Eire ».

*L'Eire resta neutre durant la seconde guerre mondiale, quitta le Commonweath le 18 avril 1949, adhéra à la CEE le 1er janvier 1973 et fait partie de la zone Euro contrairement à la Grande-Bretagne.

*La séparation en 2 Etats ne règla pas tous les problèmes car dans la partie nord, les catholiques réclamèrent la réunification de l'Irlande, ce dont ne veulent pas les protestants qui seraient minoritaires dans l'ensemble réunifié. Les catholiques organisés au sein de l'IRA (dont le Sinn Fein est l'aile politique en Irlande du Nord) luttèrent pendant une trentaine d'années. Le « Bloody Sunday » (dimanche sanglant : 30 janvier 1972) où les troupes britanniques tirèrent dans la foule, constitue probablement le point extrême de l'opposition entre les 2 communautés. Des accords fin 1998, ont pacifié l'Ulster ou Irlande du Nord.

*L'hostilité entre Irlandais et Anglais ne s'est pas limitée à l'Irlande, ainsi à Boston capitale du Massachusetts, le 5 mars 1770, les soldats anglais tirèrent dans la foule, à King Street, tuant 5 civils et en blessant 6 autres. Un monument à l'emplacement de l'événement est dédié aux Irlandais massacrés.

*En 2016, en Irlande du sud, nombre de commémorations vont rappeler Pâques 1916.

J.D. 10 mars 2016

ajout du 15 mars 2016 par emprunt au journal en ligne de Breizh-info :

15/03/2016 – 05h30 Bretagne (Breizh-info.com) – Le jeudi 17 mars, les Irlandais du monde entier fêteront la Saint-Patrick. Le mois de mars est particulièrement chargé en festivités, puisque 10 jours plus tard auront lieu les commémorations du centenaire de l’insurrection de Pâques. Si à la base, la Saint Patrick est une fête religieuse chrétienne qui rend hommage à l’évangélisateur de l’Irlande. En Irlande, des messes sont d’ailleurs célébrées en son hommage, et les fidèles arborent parfois un trèfle à la boutonnière.

Saint Patrick était en réalité un Breton insulaire, car né en Ecosse. De son vrai nom de naissance Maewyn Succat, il aurait vécu entre 390 et 461 et aurait été enlevé par des pirates, vendu à un druide irlandais, avant de s’enfuir, de faire des études de théologie puis de devenir évêque. Il retournera par la suite en Irlande avec pour mission de l’évangéliser, chose qu’il fera en utilisant notamment le trèfle, symbolique de la Trinité. Ses exploits – et notamment la façon dont il aurait débarrassé l’île d’Irlande des serpents muni de son bâton magique, sont racontés de générations en générations. En moins de trente ans, il aura réussi à convertir une grosse partie du peuple irlandais au catholicisme.

ajout du 27 mars 2016 (jour de Pâques) : titre d'un article du journal en ligne du Point :

L'Irlande célèbre le centenaire de l'"insurrection de Pâques"Ce soulèvement armé contre la domination britannique avait mené à l'indépendance du pays en 1922. Il sera honoré par une parade de 4,4 km, ce dimanche.

Publié le 27/03/2016 à 10:01 - Modifié le 27/03/2016 à 14:56 | Le Point.fr

monument de Boston à la mémoire des Irlandais, photo J.D. 3 juillet 2007

monument de Boston à la mémoire des Irlandais, photo J.D. 3 juillet 2007

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27 juin 2014 5 27 /06 /juin /2014 16:45

Le 24 mars 1925, Chamberlain fit une déclaration devant la Chambre des Communes qui résume une constante de la politique étrangère britannique au fil des siècles. Cette déclaration est rapportée par Georges Suarez dans « Briand » tome VI (publié en 1952), chapitre I. La voici :

« La France a besoin de sécurité. L'Angleterre reconnaît ce besoin et a le devoir de prêter son aide à la France. D'ailleurs, l'intérêt de l'Angleterre est aussi en jeu. Toutes nos plus grandes guerres ont été menées pour empêcher toute grande puissance européenne de dominer l'Europe et en particulier d'occuper seule les côtes de la Manche et les ports des Pays-Bas. C'est pour cette raison que nos ancêtres ont combattu l'Espagne à l'apogée de sa puissance, que nos grands-pères ont combattu Napoléon et que nous-mêmes, nous avons été en guerre avec l'Allemagne. C'est la question de notre propre sécurité qui se pose en ce moment. D'ailleurs, nous sommes engagés par les articles 42 et 44 du Traité de Versailles qui concernent la rive gauche du Rhin... »

Commentaires :

*Le Chamberlain dont il est question est Austen Chamberlain qui fut ministre britannique des Affaires étrangères de 1925 à 1929 et qu'il ne faut pas confondre avec son demi-frère Arthur Nevillle Chamberlain qui fut premier ministre britannique du 28 mai 1937 au 10 mai 1940. C'est ce dernier qui baissa son froc ainsi que Daladier à Munich en 1938 et qui à leur retour furent accueillis en héros pour « avoir sauvé la paix ». On sait ce qu'il en fut !

*Après l'armistice du 11 novembre 1918, il y eut le désastreux traité de Versailles (œuvre de Clemenceau) et la non moins désastreuse occupation de la Ruhr (œuvre de Poincaré). Voir la fiche N°172 http://jean.delisle.over-blog.com/2014/04/le-desastreux-traite-de-versailles-n-172.html

*L'intervention d'Austen Chamberlain devant la Chambre des Communes se situe entre la conférence de Cannes (voir la fiche N° 177 http://jean.delisle.over-blog.com/2014/06/la-conference-de-cannes-n-177.html) et le retour d'Aristide Briand sur la scène politique. Il redevint Président du Conseil du 28 novembre 1925 au 17 juillet 1926 en se réservant en outre le porte-feuilles des Affaires étrangères dont il fut en plus ministre du 23 juillet 1926 au 12 janvier 1932. Durant les années où Briand eut en charge les affaires étrangères de la France, il eut 2 objectifs principaux :

-travailler à réintégrer l'Allemagne dans le concert des Nations et à s'entendre avec l'Allemagne, ce qui fut rendu difficile par l'élection le 26 avril 1925 du maréchal Hindenburg comme chancelier du Reich (c'est-à-dire de la République de Weimar). « Le choix comme président du Reich d'un coupable de guerre, produisit dans les chancelleries et l'opinion l'effet d'une provocation »

-maintenir une alliance défensive avec l'Angleterre pour le cas où le militarisme « prussien » reprendrait le dessus.

Il œuvra en tant que représentant du gouvernement français et aussi au sein de la Société des Nations. Sur le premier point son entente avec Gustav Streisemann, qui eut en charge la politique étrangère de la République de Weimar à partir de 1923, permit d'atteindre les objectifs recherchés et en 1926, cela valut à Briand et Streisemann de recevoir conjointement un prix Nobel de la paix. Mais Streisemann mourut le 3 octobre 1929 et Briand le 7 mars 1932. Et l'on connaît la suite dès 1933 !

*L'intervention de Chamberlain le 24 mars 1925 illustre parfaitement la continuité de la politique britannique au fil des siècles. Ceux-ci surent toujours intervenir dans les affaires des européens continentaux pour sauvegarder leurs intérêts. Mais peut-on reprocher aux Anglais de défendre les intérêts des Anglais ?

Au cours de l'Histoire, ils surent à de nombreuses reprises susciter des coalitions de l'Europe contre la France, mais si la diplomatie britannique fut plus intelligente que la nôtre, à qui la faute ?

*A toutes les époques, il y eut en Angleterre, comme dans tous les pays, de nombreux problèmes internes. N'oublions pas que les Anglais coupèrent la tête à leur roi (Charles 1er décapité le 30 janvier 1649) bien avant que le pauvre Louis XVI ne perde la sienne (le 21 janvier 1793) que Thomas Cromwell fut décapité (le 28 juillet 1540) qu'Henri VIII fit décapiter 2 de ses épouses, qu'Olivier Cromwell mort le 3 septembre 1658, fut déterré pour être décapité, qu'Elisabeth 1ère fit décapiter sa cousine Marie-Stuart (le 8 février 1587) qui avait été reine d'Ecosse et reine de France …sans oublier l'assassinat, le 29 décembre 1170, sur ordre du roi Henri II, de Thomas Becket archevêque de Canterbury etc etc etc

*Des années 1780 à nos jours, la France connut : la royauté, la première République, le premier Empire, le retour des Rois, la seconde République, le second Empire, la troisième République, l’État français, la quatrième puis la cinquième République. Durant le même temps les Anglais conservèrent leur monarchie et le fait que les monarques (depuis Henri VIII) soient aussi chef de l’Église anglicane contribue probablement à la stabilité du système. Bien sûr que les pouvoirs d'Elisabeth II (reine depuis 1952) ne sont plus ceux de son arrière-arrière grand-mère : Victoria (reine de 1837 à 1901) mais la continuité de la royauté explique probablement la continuité du système et la continuité de la politique.

J.D. 27 juin 2014

Réception de George V à Paris, photo publiée par "Le Miroir" du 8 décembre 1918

Réception de George V à Paris, photo publiée par "Le Miroir" du 8 décembre 1918

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3 juin 2014 2 03 /06 /juin /2014 17:41

Dans les années 1920, Anglais et Français n'eurent manifestement pas la même perception du danger que pouvait encore représenter l'Allemagne.

Il faut dire que tous les combats de la guerre avaient eu lieu sur le continent. La France avait eu 1.600.000 morts (civils et militaires), 4,2 millions de blessés et 600.000 maisons avaient été détruites dans les zones de combats.
En outre, on ne s'en rend plus compte aujourd'hui, mais il y a un siècle, les Français avaient en tête 4 invasions et 4 occupations du territoire par les Prussiens au cours des 120 années écoulées : Lors de la première abdication de Napoléon (avril 1814), après la bataille de Waterloo (juin 1815), à l'occasion de la guerre de 1870 et de 1914
à 1918.

Le danger prussien passé, l'ambiance de chaque côté de la Manche était devenu exécrable : l'anglophobie d'un côté répondant à la francophobie de l'autre. La presse anglaise alla jusqu'à qualifier la France de « nation satanique » (rapporté par Suarez dans « Briand » tome V chapitre VIII)

La conférence de Washington (voir la note N°176http://jean.delisle.over-blog.com/2014/05/la-conference-de-washington-ou-la-mesentente-cordiale-n-176.html), où la délégation anglaise avait passé son temps à œuvrer contre la France, n'avait rien arrangé.

De retour de Washington, Briand qui avait une claire conscience du danger allemand et qui souhaitait obtenir un engagement de défense réciproque entre l'Angleterre et la France, prit contact avec Lloyd George son homologue britannique.

De son côté, Lloyd George souhaitait organiser une coopération européenne pour relancer l'économie qui avait été mise à mal par les années de guerre. Les deux hommes se rencontrèrent à Londres les 18 et 21 décembre 1921, à Paris le 26 décembre et à Cannes le 4 janvier 1922, juste avant une conférence qui s'ouvrit le 6 janvier à 11 heures au cercle nautique de Cannes (qui fut démoli pour faire place au « Palais des Festivals » en 1947).

Avaient été invités et participèrent à cette conférence des représentants de la Belgique, de la France, de la Grande-Bretagne, de l'Italie et du Japon. En outre les Etats-Unis avaient envoyé un observateur.

Les rencontres entre Briand et Lloyd George firent l'objet de compte-rendus qui furent exploités par Suarez. Voici quelques extraits des propos tenus par Briand à Lloyd George :

« Son principal objet (à Aristide Briand) était d'édifier autour d'un accord franco-anglais une organisation générale tendant au maintien de la paix en Europe. Si d'autres nations avaient l'impression d'une ferme entente entre la France et la Grande-Bretagne pour le maintien de la paix et de l'ordre, la paix ne serait plus menacée de longtemps et l'Allemagne trouverait avantage à se joindre à elles. Ce seul fait barrerait la route aux forces réactionnaires en Allemagne, en rendant inébranlable l'ordre des choses qu'elles cherchent à détruire. Une pareille entente entre France et Angleterre empêcherait les Allemands de former des projets contre les peuples à leurs frontières. Une telle garantie obligerait probablement les Allemands à abandonner leurs desseins militaires par exemple, contre la Pologne et la Russie. Cela aiderait aussi la démocratie allemande à faciliter le retour de l'Allemagne dans la communauté des nations et cela tendrait d'une façon générale à la stabilisation de l'Europe pour une longue période. »

« La Russie a une armée de 800.000 hommes, avec du matériel suffisant, sinon abondant, et un réservoir de un million ou 1.200.000 hommes. Les bolcheviks se procurent du matériel un peu partout. Récemment, un chargement important a été expédié d'Allemagne. Si la Russie venait à s'allier avec l'Allemagne contre la Pologne et la Tchécoslovaquie, il pourrait en résulter un grave péril ».

« On ne peut oublier que l'Allemagne a 20 millions d'habitants de plus que la France, que la démocratie n'est encore, pour la plus grande partie des Allemands, qu'un mot vide de sens et que ce peuple discipliné, laborieux, doué d'un génie fécond d'organisation, mais chez lequel une active propagande politique et intellectuelle, notamment dans les universités et les écoles, entretient un esprit agressif et un désir ardent de revanche, peut rendre un jour inefficaces les mesures de désarmement prescrites par le traité de Versailles. »

Difficile de nier que Briand avait pressenti les événements. De son côté Lloyd George avait « annoncé son intention de demander à la Russie de s'engager à ne pas attaquer la Finlande, les Pays baltes, la Pologne, la Roumanie et la Tchécoslovaquie »

Briand demanda alors à Lloyd George de recommander à l'Allemagne de prendre les mêmes engagements !

A l'ouverture de la conférence de Cannes, Lloyd George annonça son intention de procurer à la France un pacte de garantie en cas d'agression allemande, mais demandait en même temps pour l'Allemagne un allègement des conditions de paiement des réparations de guerre.

Mais pendant que Briand alors président du Conseil négociait à Cannes, un clan anti-Briand s'activait à Paris. Clemenceau n'était plus là mais d'autres avaient pris le relais avec en tête Alexandre Millerand qui était devenu Président de la République, puis Raymond Poincaré qui n'avait pas sollicité un second mandat de président mais qui était devenu président de la Commission des Affaires étrangères du Sénat, et menait, au Sénat, la fronde contre Briand.

Millerand désavoua les négociations de Briand à Cannes et cela se retrouva (pas par hasard) dans la presse. Millerand avait convoqué à Paris 2 conseils des ministres en l'absence de Briand pour faire cautionner sa politique anti-Briand par les ministres du cabinet Briand ! Et l'un des ministres (Barthou) qui soutenait Briand à Cannes, le désavoua à Paris.

Devant cette situation, Briand quitta la conférence de Cannes le 12 janvier pour rentrer à Paris. Il eut une entrevue houleuse avec Millerand puis un nouveau conseil des ministres se réunit. Les mêmes qui critiquaient Briand en son absence l'approuvèrent à l'unanimité.

Le jour même Briand intervenait devant la Chambre (des députés). Après un long exposé sur les négociations en cours à Cannes, il fut acclamé par les députés, mais écœuré Briand déclarait :

« Un homme politique, à la place où je suis et dans les circonstances redoutables que traverse notre pays, n'a pas le droit d'aller au poste de combat s'il n'a pas la certitude qu'il ne lui viendra pas de balles d'ailleurs. Il consent à en recevoir des autres pays mais pas du sien.... »

Puis Briand annonça sa démission. Poincaré devint président du Conseil, Barthou vice-président.... le crime avait payé !

Le 14 janvier Philippe Berthelot qui avait été ministre dans un gouvernement Briand lui adressait une lettre :

« ...Aussi ne puis-je me souvenir sans indignation des attaques abominables et des pièges constants multipliés contre votre gouvernement. Je ne pourrai jamais m'habituer à la politique, à ses travers, à ses bassesses. Je suis heureux de me sentir libre et je ne voudrais à aucun prix recommencer à y être mêlé malgré moi. »

Depuis la plus haute antiquité, la politique a été le domaine par excellence des coups tordus, de l'hypocrisie, des trahisons... Briand dépassait de plusieurs coudées tous ses collègues, ils ne le lui pardonnaient pas !

Dès le 13 janvier 1922, la démission de Briand à Paris mettait fin à la conférence de Cannes qui se séparait sans avoir pris aucune résolution sauf celle de se réunir à nouveau à Gênes. Les magouilles politiciennes et ambitions personnelles en France avaient eu raison d'une conférence internationale qui aurait pu aboutir à un accord de coopération européenne. Les délégations étrangères prirent mal la démission de Briand. La presse internationale accusa la France d'être un pays ingouvernable (déjà!).

Une nouvelle conférence s'ouvrit à Gênes le 10 avril 1922 et se termina le 19 mai.

« Ce fut un fiasco dont la mésentente entre Anglais et Français fut la cause essentielle ». Briand avait cherché un rapprochement avec la Grande-Bretagne, politique que ne suivit pas Poincaré.

Le 16 avril 1922, l'Allemagne et l'URSS avaient conclu le traité de Rapallo et profitaient des dissidences entre France et Grande-Bretagne pour se rapprocher.

En Grande-Bretagne, le ministère de Lloyd George succomba le 19 octobre 1922. Avec son remplaçant (Bonar Law) « le différent franco-britannique s'accentua encore ».

Les événements des années 1930 en Allemagne obligeront France et Grande-Bretagne à s'allier de nouveau, mais avec des hommes qui n'eurent aucun courage et avec des années perdues qui auraient pu être utilisées pour préparer une coopération et une paix durable en Europe.

J.D. 3 juin 2014

Aristide Briand à Cannes entouré par Louis Loucheur et Paul Doumer, publié par Suarez

Aristide Briand à Cannes entouré par Louis Loucheur et Paul Doumer, publié par Suarez

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31 mai 2014 6 31 /05 /mai /2014 10:49

Le 4 mars 1921, un nouveau président (Warren Harding, mort le 2 août 1923, il n'eut pas le temps de finir son mandat) avait pris ses fonctions à Washington. Le 13 juillet 1921 il avait envoyé une invitation aux alliés de la guerre de 14 à venir à Washington pour examiner certains problèmes et principalement :

*la course effrénée aux armements qui avait repris de plus belle surtout dans le domaine de l'armement naval

*les accords passés entre l'Angleterre et le Japon

*la délimitation des zones d'influence entre les puissances dans le Pacifique.

Cette conférence commença le 12 novembre 1921 et se termina le 6 février 1922. Elle entraîna la signature de 2 traités :

*un traité naval le 6 février 1922 pour limiter les droits des puissances dans la construction d'une marine de guerre. Ce traité fut signé par les Etats-Unis, la Grande Bretagne, le Japon, la France et l'Italie. La Grande-Bretagne conservait sa première place comme puissance militaire maritime.

L'Italie de Mussolini fut la première dans les années 30 à dénoncer ce traité. Quant à l'Allemagne, elle ne l'avait pas signé ! Mais les traités furent mal...traités par Hitler de toutes façons! Le Japon et les autres suivirent. La conférence de Washington est aussi souvent appelée « conférence navale ».

*un traité du 13 décembre 1921 réglait les zones d'influence des puissances dans le Pacifique, donnait des droits à la Chine et supprimait de fait les traités antérieurs entre la Grande-Bretagne et le Japon. Outre les 5 signataires du traité du 6 février , la Chine, la Belgique, les Pays-Bas et le Portugal étaient signataires de ce traité

les traités anglo-nippons : le 16 juillet 1894 avait été signé à Londres un « traité de commerce et de navigation » entre la Grande-Bretagne et le Japon. Puis le 30 janvier 1902 un nouvel accord par lequel l'Angleterre s'engageait à ne pas intervenir en cas de guerre entre le Japon et la Russie et à intervenir aux côtés du Japon au cas où une autre puissance soutiendrait la Russie.

Les Japonais voyaient leur population augmenter régulièrement avec un territoire étroit. Ils avaient l'ambition de s'étendre sur le continent proche. Mais la Russie tsariste avait des ambitions sur les mêmes territoires. Il y avait eu un premier conflit entre Russes et Japonais en 1894 qui s'était terminé par un armistice signé à Tokyo le 30 mars 1895. Puis les Russes avaient pris de l'avance, en négociant avec les Chinois qui leur avaient donné à bail, en 1898, Port-Arthur (port chinois de Mandchourie). Les Russes avaient installé une importante base maritime (militaire) à Port-Arthur.

Forts de leur traité de 1902 avec les Anglais, les Japonais attaquèrent sans déclaration de guerre la flotte russe de Port-Arthur le 8 février 1904 puis firent le siège de la garnison russe qui capitula le 22 janvier 1905. Les Russes furent encore vaincus à la bataille terrestre de Monkden en mars 1905 et à la bataille navale de Tsuhima du 17 au 29 mai 1905. Sous les auspices du Président américain Theodore Roosevelt (président de 1901 à 1909, à ne pas confondre avec Franklin Roosevelt qui, lui, fut président de 1933 à 1945 ; c'est après lui que les mandats de président furent limités à 2), le traité de Portsmouth, signé le 5 septembre 1905, accordait au Japon : la Corée, la moitié de l'île de Sakhaline et la région de Port-Arthur.

Les Japonais étaient entrés dans la guerre de 14 aux côtés des Alliés pour contrer la percée allemande dans le Pacifique. Les Japonais s'emparèrent sans beaucoup d'efforts des colonies allemandes du Pacifique et les conservèrent dans les traités d'après guerre. Voir la fiche N° 172 http://jean.delisle.over-blog.com/2014/04/le-desastreux-traite-de-versailles-n-172.html.

C'est le 23 août 1914 que le Japon avait déclaré la guerre à l'empire allemand. Pour récupérer les colonies allemandes du Pacifique, il n'en coûta que 415 vies aux Japonais. De tous les belligérants de la première guerre mondiale, les Japonais eurent manifestement le meilleur rapport en termes de coûts/avantages.

Le contexte de la conférence pour les Anglais : Durant 6 siècles (bataille de Bouvines 1214, bataille de Waterloo 1815) les Anglais luttèrent contre l'hégémonie française en Europe. La diplomatie anglaise parvint souvent à réunir des coalitions européennes contre la France. La victoire de l'Europe sur Napoléon 1er mit provisoirement fin à l'hostilité anglaise. Puis les Anglais s'inquiétèrent de la percée russe vers la mer Noire pour avoir un accès à la Méditerranée. Les Anglais se rapprochèrent une première fois des Français et ce fut la guerre de Crimée (1854/1856) contre la Russie.

Secrètement les Anglais durent se réjouir de la cuisante défaite de la France contre la Prusse en 1870. Mais quand ils virent le royaume de Prusse se transformer en Empire allemand et réussir dans tous les domaines, ils se rapprochèrent une nouvelle fois de la France et ce fut « l'Entente cordiale » (le 8 avril 1904).

Les Anglais payèrent leur tribu à la guerre de 14 : 1 million de tués et 1.700.000 blessés. Mais après la guerre les dirigeants britanniques comme la population pensaient que l'Allemagne à genoux n'était plus un danger pour longtemps. Alors les vieux démons francophobes resurgirent. La presse britannique du début des années 1920 accusait la France de vouloir remplacer la Prusse comme puissance militariste et impérialiste. Rien de moins ! Et bien sûr, la population anglaise suivait. De cette situation il existe de nombreux témoignages dans le tome V de la biographie consacrée à Briand par Georges Suarez. Je ne peux pas en recopier des pages pour ne pas alourdir ce texte, voici néanmoins 2 extraits du texte de Suarez pour décrire l'ambiance de l'époque (chapitre VII du tome V) :

« L'extraordinaire violence de la campagne des journaux anglais contre notre puissance militaire était en quelque sorte une préface aux intrigues auxquelles la délégation britannique s'apprêtait à se livrer contre notre pays à Washington ».

« L'armée française était représentée (dans la presse anglaise) comme un obstacle à la paix, un élément de troubles en Europe, une menace pour l'avenir. La France était représentée, par la caricature ou les récits, sous les traits d'un soudard écrasant de sa botte un univers épuisé et sanglant ».

Le 22 novembre 1921, le New-York World publiait un article intitulé « La France préparant une nouvelle guerre... » sous la signature de l'écrivain anglais Wells (l'auteur de la Guerre des Mondes). Article dans lequel on pouvait lire :

« Le fait brutal de la question est que la France maintient une vaste armée en face d'un univers désarmé et qu'elle se prépare énergiquement à de nouvelles opérations belliqueuses en Europe et à une guerre sous-marine contre l'Angleterre »

Et Suarez de commenter : « Cette brutale et invraisemblable accusation sous la plume de Wells, montrait bien que la campagne était depuis longtemps préparée ».

La délégation anglaise à Washington était conduite par lord Balfour qui prenait régulièrement ses ordres auprès de Lloyd George qui était resté à Londres. On apprend au passage que les Américains espionnaient les conversations des différentes délégations avec leur capitale respective !

L'invitation américaine pour la conférence ne portait que sur l'armement naval. Les Anglais parvinrent à obtenir la discussion sur les armements terrestres parce qu'ils souhaitaient une réduction importante des forces terrestres françaises. Ils avaient aussi pour objectif dans cette conférence d'interdire à la France la constitution d'une force sous-marine ! Aristide Briand qui conduisait la délégation parvint à déjouer toutes les manœuvres des Britanniques. Il faudra attendre l'arrivée au pouvoir des nazis pour que l'Angleterre se rapproche une nouvelle fois de la France.

Les Italiens : Les Italiens avaient de la rancœur contre la France (voir sur mon blog les notes N° 161http://jean.delisle.over-blog.com/2014/02/l-italie-et-la-guerre-de-14-n-161.html et 172). Pour isoler la France à la conférence de Washington, la presse anglaise utilisa la mauvaise humeur italienne pour prêter à Briand de faux propos désobligeants contre l'armée italienne. Ces articles furent repris par la Stampa et voici le résultat :

« A Turin, à Rome, à Naples, des cortèges se formèrent aux cris de A bas la France ! A Turin, le Consulat français fut saccagé, vitres brisées, meubles renversés, personnel molesté. Le même soir, les incidents de Washington et de Turin furent évoqués à la Chambre italienne. Le ministre des Affaires étrangères della Toretta lut une dépêche de Schanzer (délégué italien à Washington) qui démentait formellement les propos attribués à Briand sur l'armée italienne. Hughes (secrétaire d'Etat américain aux Affaires étrangères), à son tour, démentit officiellement la nouvelle publiée par le Daily Telegraph et l'Echo de Paris »

Les Italiens avaient été très déçus de la place qui leur avait été faite dans le traité de Versailles et les autres traités d'après guerre. Ils furent autant déçus de la conférence de Washington.

Les Américains: Les Etats-Unis s'inquiétaient de la montée en puissance du Japon dans la zone pacifique. Leur intervention dans la guerre avait coûtait cher, même si elle avait placé les Etat-Unis au premier rang de la diplomatie mondiale. La course au réarmement naval coûtait cher et l'opinion publique américaine n'en voulait pas. Les Américains parvinrent à leurs buts à la conférence de Washington : fin de l'alliance anglo-nippone et limitation des forces navales, au moins provisoirement car l'on sait ce qu'il advint dans les années 1930.

La France : La délégation française à Washington était conduite par Aristide Briand qui était redevenu président du Conseil. Il s'attacha à démontrer aux autres délégations :

*comment les 7 millions de soldats allemands démobilisés étaient repris en main par des associations, théoriquement d'anciens combattants mais qui étaient de fait des organisations para-militaires et comment ils continuaient de s'entraîner .

*que la République de Weimar était trop faible pour constituer une garantie pour les autres nations

*que l'industrie allemande compte-tenu de son importance et de son efficacité pouvait en peu de temps réarmer l'Allemagne.

Quelle clairvoyance, quelle lucidité ! Les Américains qui soutenaient d'abord le point de vue anglais se rallièrent à Briand et la France put conserver tout son potentiel militaire, mais Briand décéda en mars 1932 et l'on sait ce que firent ceux qui suivirent !

Les manœuvres de Clemenceau avaient écarté Briand des responsabilités politiques au moment de la déclaration de la guerre de 14 puis au moment des négociations des traités d'après guerre. La mort l'empêcha d'être présent lorsque les nazis arrivèrent au pouvoir. Quel drame pour la France et les Français !

J.D. 31 mai 2014

La récapitulation thématique des notes de ce blog se trouve sur la fiche N°76 http://jean.delisle.over-blog.com/article-blog-liste-des-articles-111165313.html

les délégués français à Washington (Briand est le troisième en partant de la gauche)

les délégués français à Washington (Briand est le troisième en partant de la gauche)

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27 mai 2014 2 27 /05 /mai /2014 15:49

Les batailles navales eurent une grande importance durant la première guerre mondiale, même si cela n'est pas toujours souligné. Sur ce sujet voici ce qu'écrit Philippe Pétain dans « la guerre mondiale 1914/1918 », selon un manuscrit retrouvé en juin 2006 et édité chez Privat en mai 2014 :

« Bien que le principal effort de la guerre ait incombé aux armées de terre, ce serait néanmoins une erreur que de méconnaître l'importance de la guerre navale qui nous a assuré la maîtrise de la mer, condition nécessaire de la Victoire.

C'est en effet parce que les alliés ont eu cette maîtrise de la mer que leurs flottes ont pu transporter des troupes de l'Afrique du Nord et les contingents de nos colonies, l'armée britannique (les premiers débarquements britanniques en août 14 comprenaient 165.000 soldats) et les troupes des dominions, les détachements russes et portugais, l'armée des travailleurs coloniaux, etc. Plus tard, c'est encore grâce à cette maîtrise qu'elles purent transporter aux Dardanelles, en Macédoine, en Egypte, les détachements qui constituèrent les diverses armées d'Orient et procéder à leur ravitaillement. Enfin, en dernier lieu, c'est elle qui permit l'apparition foudroyante des armées américaines dont l'effectif dépassa 2 millions d'hommes.
Et c'est aussi précisément parce que les flottes des empires centr
aux (empire allemand, empire d'Autriche-Hongrie et empire ottoman) ont toujours étaient dominées par les nôtres, que nos ennemis se sont trouvés isolés du reste du monde et que leurs colonies sont tombées entre nos main
s ».

Les combats navals durant la première guerre mondiale se déroulèrent dans la Baltique, la mer du Nord, la Manche, l'Atlantique, la Méditerranée, l'Adriatique, la mer Noire, l'Océan Indien, le Pacifique, soit presque toutes les mers du monde. Il faut rappeler :

*Que l'Allemagne avait des colonies en Afrique et dans le Pacifique

*Que l'empire ottoman, allié de l'Allemagne et de l'Autriche, contrôlait encore tout le Proche-Orient

*Que participèrent à la guerre les Dominions britanniques (Canada, Australie, Indes, Nouvelle-Zélande...), le Japon, les Etats-Unis outre la plupart des pays d'Europe.

L'empereur Guillaume II avait l'ambition de surpasser l'Angleterre en puissance maritime, mais lorsque la guerre éclata, le compte n'y était pas encore pour les Allemands. Ils eurent au début quelques succès. Ainsi dès le 1er novembre 1914, 2 cuirassiers anglais étaient coulés au large du Chili, mais ils subirent plus de pertes. Ainsi le 28 août 1914, les Allemands perdaient 2 cuirassiers et un croiseur au large de l'île d'Héligoland (au sud-est de la mer du Nord), en décembre de la même année 3 croiseurs au large des Malouines...

La plus grande bataille navale de la guerre de 14 fut celle du Jutland (Danemark) Elle eut lieu les 31 mai et 1er juin 1916. Elle mit aux prises 64 cuirassés, 50 croiseurs et 170 destroyers. 14 bâtiments anglais furent coulés et 11 avariés tandis que les Allemands perdaient 19 bâtiments et en avaient 17 d'avariés.

La guerre sous-marine : Après la bataille du Jutland, les Allemands renoncèrent aux batailles navales et intensifièrent la guerre sous-marine. Dès le début de la guerre ils alignèrent 28 U-boote et 375 sur le temps de la guerre. Dès le 5 septembre 1914, ils avaient torpillé un premier croiseur britannique et 3 autres avant la fin du mois de septembre. Pour isoler l'Angleterre, ils attaquèrent les navires marchands et c'est lorsque les Allemands étendirent à toutes les mers l'attaque des navires marchands que les Etats-Unis entrèrent en guerre à nos côtés. Contre les U-boote les Alliés améliorèrent les moyens de détection et de destruction si bien que les Allemands en perdirent de plus en plus et que de plus en plus de routes maritimes furent sécurisées.

Sur le temps de la guerre les U-boote coulèrent 6394 navires marchands et une centaine de navires de guerre mais 229 de ces sous-marins furent coulés entraînant la mort de 515 officiers de marines allemands et de 4849 marins ! Les chasseurs d'épaves ont encore de beaux jours devant eux !

Durant la seconde guerre mondiale c'est 1154 U-boote que les Allemands mirent en service ; 743 furent détruits, mais c'est une autre histoire.

J.D. 27 mai 2014

femmes dans la marine américaine, photo ^publiée dans "Le Miroir" du 28 octobre 1917

femmes dans la marine américaine, photo ^publiée dans "Le Miroir" du 28 octobre 1917

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16 mars 2014 7 16 /03 /mars /2014 19:02

Du 5 au 7 janvier 1917, une conférence entre les Alliés se tint à Rome.

Voici les principaux participants à cette réunion :

*Pour la Russie : le général Palizine

*Pour l'Italie : Sidney Sonnino ministre des Affaires étrangères, le général Luigi Cadorna chef d'Etat-Major italien

*Pour la Grande-Bretagne : Lloyd George premier ministre, William Robertson chef d'Etat-Major britannique, le général Milne, Sir Francis Eliott ministre de Grande-Bretagne à Athènes et Maurice Hankey secrétaire du Cabinet de guerre ;

*Pour la France : Aristide Briand président du Conseil, le général Lyautey alors ministre de la guerre, le général Sarrail alors commandant du front d'Orient, Albert Thomas ministre de l'armement, Philippe Berthelot représentant le ministère des Affaires étrangères et Camille Barrère ambassadeur de France à Rome.

L'objet premier de cette conférence était d'harmoniser les positions des Alliés sur le comportement à adopter vis-à-vis de la Grèce, puis se greffa une réponse commune à apporter à Woodrow Wilson président des Etats-Unis

La Grèce :

La situation en Grèce était à ce moment là particulièrement confuse. Voir la fiche N°162 intitulée « Les Roumaines », http://jean.delisle.over-blog.com/2014/02/les-roumaines-n-162.html

A Athènes, le roi régnait encore et avait Spyridon Lambros comme premier ministre tandis qu'à Thessalonique, Eleuthère Venizelos l'ex premier ministre du roi, avait formé un nouveau gouvernement contre celui du roi et ce sous la protection des forces alliées, d'abord Français et Anglais renforcés de Russes et d'Italiens.

Fin novembre 1916, les partisans du roi (Constantin 1er, appelé aussi quelquefois Constantin XII par ceux qui le voient comme continuateur de l'Empire romain d'Orient ou Empire byzantin) menaçèrent les délégations de l'entente à Athènes. Des unités de marins Français et Anglais débarquèrent. Ils furent attaqués par la population grecque le 1er décembre 1916 ce qui est souvent connu sous le nom de « vêpres grecques » par analogie avec les « vêpres siciliennes » (massacre de Français en Sicile les 30 et 31 mars 1282 aux cris de : « Morta Alla Francia, Italia Aviva » d'où serait dérivé le mot MAFIA) . Il y eut à Athènes, 69 morts et 160 blessés parmi les marins français, tandis que les Anglais perdaient une quarantaine de marins. L'amiral français Dartige demanda à la marine de tirer sur Athènes. Quatorze obus furent tirés ce qui mit fin au combat mais des partisans de Venizelos à Athènes furent massacrés par les partisans du roi.

Voilà ce que décida sur ce sujet la conférence de Rome comme le rapporte Georges Suarez dans « Briand » tome IV édité en avril 1940, chapitre III :

« Restaient à régler, en ce qui concerne la Grèce, les garanties politiques et militaires à imposer au roi pour assurer la sécurité de l'armée d'Orient. En outre, devait être fixé un programme de réparations et de cérémonies expiatoires pour l'offense faite aux alliés le 1er décembre 1916. Au point de vue militaire, on décida l'envoi de deux divisions françaises de renfort qui traverseraient l'Italie et s'embarqueraient à Tarente pour gagner au plus tôt la Grèce. Au point de vue politique, toutes les mesures formulées dans l'ultimatum du 31 décembre devaient être exécutées dans le plus bref délai. Les troupes constantiniennes devaient être désarmées et maintenues dans le Péloponèse. Les vénizelistes arrêtés devaient être relâchés et dédommagés. Les excuses officielles du gouvernement grec pour les événements du Zappeion devaient être formulées au cours d'une prise d'armes : les troupes de la garnison d'Athènes conduites par leur chef, défileraient devant les détachements alliés et inclineraient leurs drapeaux devant ceux de l'Entente. Quarante-huit heures étaient accordées au roi pour accepter ces conditions. »

Le roi accepta l'ultimatum (livraison de batteries de canons aux forces alliées) le 9 janvier, la cérémonie expiatoire eut lieu le 29 janvier. Les soldats grecs conduits par le prince André défilèrent sur la place du Zappeion et inclinèrent leurs drapeaux devant les drapeaux alliés.

Finalement suite à un nouvel ultimatum des Alliés le 11 juin 1917, le roi Constantin abdiqua, Venizelos redevint premier ministre de tous les Grecs et la Grèce entra en guerre aux côtés des Alliés le 2 juillet 1917.

Woodrow Wilson :

Il fut réélu président des Etats-Unis le 7 novembre 1916. Les nécessités de la campagne électorale américaine lui avaient fait mettre de côté ses démarches diplomatiques pour une médiation en Europe.

Les Allemands l'avaient finalement devancé. Le 12 décembre 1916 le chancelier allemand Bethmann-Hollweg avait, du haut de la tribune du Reichstag, lancé un appel à la paix.

L'empereur d'Autriche François-Joseph 1er était décédé le 21 novembre 1916 après quasiment 68 ans de règne et son successeur (Charles) manifestait, dès le 22 novembre, des sentiments plus pacifistes qui firent craindre aux Allemands que les Autrichiens négocient une paix séparée.

Le 5 novembre 1916, l'empire allemand et l'empire d'Autriche avaient reconstitué un Etat polonais avec monarchie héréditaire et constitutionnelle. Guillaume II avait espéré que cela inciterait de nombreux Polonais à s'engager dans l'armée allemande, mais ce ne fut pas le cas.

Les Allemands avaient peut-être aussi commencé à comprendre qu'avec leurs immenses empires coloniaux, Français et Anglais tiendraient plus longtemps qu'eux.

L'appel du chancelier allemand avait été transmis aux Alliés. Lors d'une réunion tenue à Londres le 26 décembre 1916, ceux-ci répondirent négativement à la proposition allemande. Au point où en étaient les choses, ils ne concevaient plus la fin de la guerre autrement que par une victoire. Le nouvel empereur d'Autriche fit lui aussi des avancées vers la France et l'Angleterre mais reçut la même réponse que les Allemands.

Une autre attitude des Alliés, en cette fin d'année 1916, aurait-elle modifié les événements des années 1930/1940 ? Qui peut répondre ? Mais il n'est pas interdit de se poser la question.

C'est le 20 décembre 1916 que le Président Wilson lança à tous les belligérants son appel à la paix. Les Allemands répondirent les premiers et voici la réponse élaborée à Rome par les Alliés et qui fut transmise le 10 janvier 1917 aux Etats-Unis et telle qu'elle est rapportée par Suarez (livre cité, même tome, même chapitre) ; cette réponse détaille les conditions exigées par les Alliés pour aboutir à la paix :

«1°) Restauration de la Belgique, de la Serbie et du Monténégro avec les dédommagements qui leur sont dus ; évacuation des territoires français, russes et roumains occupés par les puissances centrales avec de justes réparations.

2°) Respect du droit des nationalités, comportant la restitution des provinces ou des territoires autrefois arrachés aux Alliés par la force ou contre le vœu des populations ; Alsace-Lorraine, etc... ; libération des Italiens, des Slaves, des Roumains, des Tchécoslovaques de la domination étrangère, affranchissement des populations soumises à la sanglante tyrannie des Turcs ; rejet de l'empire ottoman en Asie ;

3°) Réorganisation de l'Europe, c'est-à-dire établissement d'un régime qui assurerait aux petits Etats comme aux grands la peine sécurité et la liberté de développement économique et qui permettrait, par des conventions appropriées de garantir les frontières terrestres et maritimes contre les attaques injustifiées ».

Une telle réponse n'était pas faite pour ouvrir des négociations. Elle est cependant intéressante à méditer sur bien des points. Elle est le reflet du sentiment des participants à la conférence de Rome en janvier 1917 et compte-tenu qu'il leur fallut concilier leurs différents points de vue.

Le 30 janvier 1917, le gouvernement allemand notifiait officiellement aux Etats-Unis la reprise de la guerre sous-marine à outrance. On connaît la suite.

J.D. 16 mars 2014

La récapitulation thématique des notes de ce blog se trouve sur la fiche N°76 intitulée : « blog, liste des articles » références : http://jean.delisle.over-blog.com/article-blog-liste-des-articles-111165313.html

Les Peaux-Rouges dans la première guerre mondiale, photos "Le Miroir" du 26 août 1917;

Les Peaux-Rouges dans la première guerre mondiale, photos "Le Miroir" du 26 août 1917;

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28 janvier 2014 2 28 /01 /janvier /2014 15:37

Le 21 novembre 1914, au cours d'un dîner le général français Joseph Gallieni, alors gouverneur militaire de Paris, « exprimait son admiration pour l'Allemagne qui, disait-il, nous apprenait la guerre ». Rapporté par Suarez dans « Briand » livre 3 publié en mars 1939, chapitre II.

Il est vrai que lors du début de la guerre de 14, seul l'Empire allemand était prêt pour la guerre. Le plan de guerre allemand était parfait.... sur le papier, mais rien ne se déroula comme les Allemands l'avaient prévu.

Au XIXe siècle les Prussiens avaient vaincu le Danemark au terme d'une guerre-éclair en 1864, puis l'Autriche en 1866 et enfin la France en 1870. Les armées françaises de Napoléon III avaient été vaincues en 3 semaines. Le 2 septembre 1870, à Sedan, Napoléon III avait dû se constituer prisonnier et avait été emmené en Allemagne. Forts de ces souvenirs, le plan allemand prévoyait une guerre-éclair contre la France puis la mobilisation de toutes leurs forces ensuite contre la Russie.
A ce moment là, il faut reconnaître que l'armée allemande était beaucoup plus forte, beaucoup mieux armée et mieux commandée que l'armée fr
ançaise.

*Les Allemands passèrent par la Belgique pour envahir la France. Les Belges firent une résistance héroïque que l'état-major allemand n'avait pas prévu : première erreur ! Entrés en Belgique le 3 août 1914, les Allemands grâce à la résistance belge ne purent pénétrer en France que le 18 août. Ces 2 semaines de répit furent mises à profit pour mobiliser malgré la mésentente qu'il y avait en France entre les généraux autant qu'entre les responsables politiques. En France on n'insiste pas assez sur l'importance du sacrifice des Belges et sur l'influence qu'il eut sur la suite des événements.

*Une conférence internationale s'était tenue à Londres en novembre 1830. Le 4 novembre, cette conférence avait reconnu l'indépendance de la Belgique et garanti sa neutralité. La Grande-Bretagne faisait partie des puissances garantes de la neutralité belge. Les Allemands envahirent la Belgique le 3 août 1914 pour atteindre la France. Dès le 4, et eu égard à la violation de la neutralité belge, la Grande Bretagne déclarait la guerre à l'empire allemand et débarquait des troupes si bien que lors de leur entrée en France le 18 août les Allemands eurent à faire à 2 armées qui se renforcèrent au fur et à mesure des recrutements dans leurs empires coloniaux. Les Allemands n'avaient pas prévu une intervention si rapide des Anglais : seconde erreur, ajoutée au temps perdu en Belgique, leur guerre-éclair eut du plomb dans l'aile dès le départ.

*Les Allemands auraient dû méditer les leçons de l'Histoire. Le 13 janvier 1793, devant la Convention, Danton avait affirmé la nécessité pour la France d'avoir ses frontières naturelles, à savoir, le Rhin au nord et les Alpes à l'est. En conséquence de quoi, les armées révolutionnaires avaient envahi la Belgique. Les Autrichiens l'avaient reprise mais après la bataille de Fleurus (le 26 juin 1794), la France avait annexé ces territoires par décret de la Convention du 1er octobre 1795 et avait créé 9 départements rattachés à la République puis à l'Empire. Voici à titre documentaire ces départements avec entre parenthèses le nom de leur chef-lieu :

département de la Lys (Bruges), de l'Escaut (Gand), des Deux-Nèthes (Anvers), de la Dyle (Bruxelles), de la Meuse inférieure (Maestricht), de l'Ourte (Liège), de Jemmapes (Mons), de Sambre-et-Meuse (Namur) et des Forêts (Luxembourg).
Finalement l'Autriche avait officiellement cédé ces territoires à la France par le traité de Campo-Formio le 18 octobre 1797 et ils furent français un peu plus de 18 années. *Mais pour l'Angleterre c'était inacceptable, surtout la possession du port d'Anvers qu'elle considérait comme contraire à ses intérêts vitaux. Et l'Angleterre fut l'âme des 7 coalitions qui de liguèrent contre la France de 1792 à 1815. De même, un siècle plus tard, l'Angleterre ne pouvait admettre l'annexion de la Belgique par les Al
lemands.

L'Allemagne avait constitué une triple entente avec l'Empire d'Autriche-Hongrie et l'Empire Ottoman, appelés les « Empires centraux » (voir sur mon blog la fiche N°55 « La fin des 4 empires »http://jean.delisle.over-blog.com/article-la-fin-des-4-empires-97643758.html). L'Italie avait rejoint cette alliance en 1882. Mais contrairement à l'attente allemande n'entra pas en guerre en 1914 : troisième erreur. L'Italie négocia secrètement avec la France et la Grande-Bretagne des promesses d'extensions territoriales (principalement Trente, Trieste, l'Istrie et une partie de la Dalmatie) et signa un accord le 26 avril 1915 appelé « pacte de Londres ». A la suite, l'Italie déclara la guerre à l'Autriche et à l'Empire Ottoman. Les empires centraux durent ainsi combattre sur tous les fronts : la Russie sur le front oriental, l'Italie, la Serbie et la Roumanie au sud, la France, l'Angleterre et leurs alliés (Canada, Australie, Portugal...) sur le front occidental, sans compter le Japon dans le Pacifique. L'entrée en guerre des Etats-Unis en avril 1917 acheva de renverser le rapport de force. L'Allemagne fut vaincue mais quel gâchis !

J.D. 28 janvier 2014

P.S. La récapitulation thématique des notes de ce blog se trouve sur la fiche N°76 intitulée : « blog, liste des articles » http://jean.delisle.over-blog.com/article-blog-liste-des-articles-111165313.html

les Allemands vaincus évacuent Bruxelles et retour des souverains dans leur capitale, photos "Le Miroir" du 8 décembre 1918les Allemands vaincus évacuent Bruxelles et retour des souverains dans leur capitale, photos "Le Miroir" du 8 décembre 1918

les Allemands vaincus évacuent Bruxelles et retour des souverains dans leur capitale, photos "Le Miroir" du 8 décembre 1918

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28 septembre 2013 6 28 /09 /septembre /2013 15:05

La cote de popularité de François Hollande descend au même rythme où celle d'Angela Merkel monte, y compris en France. C'est le principe du funiculaire : un wagon descend pendant que l'autre monte. Il faut espérer que le succès d'Angela Merkel lui donne assez d'autorité pour « cadrer » Hollande et l'empêcher de continuer à faire n'importe quoi et son contraire ! Ce n'est pas l'intérêt des Allemands de laisser sombrer la France et cela me rassure plus que les compétences du « capitaine de pédalo » ! Titre à la UNE du Canard enchaîné du mercredi 25 septembre 2013, Merkel à Hollande : « moi chancelière, toi chancelant ! » Réaliste !

Les Français qui n'ont pas encore compris vont comprendre à l'automne 2014 quand ils vont recevoir les feuilles d'impôts non seulement de l'Etat mais aussi des collectivités territoriales qui vont devoir compenser les baisses de dotations de l'Etat ainsi que les charges nouvelles. Il va en aller de même des cotisations pour les mutuelles qui vont, elles, devoir suppléer les baisses de remboursements de la Sécurité Sociale.

Les sorts de l'Allemagne et de la France sont liés depuis des siècles pour le meilleur et pour le pire et hélas sur le passé plus souvent pour le pire ! (voir sur mon blog la fiche N° 110, « comme en 14 » http://jean.delisle.over-blog.com/comme-en-14-n-110 ainsi que la fiche N°55 « la fin des 4 empires ») jean.delisle.over-blog.com/article-la-fin-des-4-empires-97643758.html.

L'an prochain va être célébré le centenaire du début de la première guerre mondiale. Je me demande combien de citoyens en connaissent les causes ?

Dans sa biographie d'Aristide Briand (tome II de 1938, chapitres IX à XII) Georges Suarez en donne une analyse intéressante.

Rappel de quelques faits :

*L'empire allemand proclamé après la guerre de 1870 et le royaume d'Italie (proclamé le 17 mars 1861) avaient beaucoup de retard sur d'autres pays (Portugal, Espagne, Grande-Bretagne, France...) dans la constitution d'empires coloniaux. Ce fut une importante cause de tensions en Europe au début du XXe siècle.

*Pour protéger sa frontière algérienne, la France avait des visées sur le Maroc que l'Allemagne, l'Espagne et la Grande-Bretagne convoitaient aussi.

*Les Anglais qui étaient inquiets de la montée en puissance de l'Empire allemand avaient signé des accords avec la France le 8 avril 1904 : La France laissait l'Angleterre libre en Egypte pendant que l'Angleterre soutenait les prétentions françaises au Maroc. C'était manifestement un court-circuit de l'empire allemand, mais aussi de l'Espagne.

*Le 31 mars 1905, l'empereur Guillaume II rencontra le sultan du Maroc Moulay al-Aziz à Tanger et fit un discours très offensif sur les droits allemands sur le Maroc, ce qui envenima les rapports franco-allemands.

*Devant la menace de guerre, une conférence internationale fut organisée à partir du 16 janvier 1906 à Algésiras (en Andalousie) pour régler le différent franco-allemand sur le Maroc. La conférence se termina par la signature d'un « acte général » le 7 avril 1906. Cet acte « au nom de Dieu tout puissant » était signé au nom de :

-l'empereur d'Allemagne, roi de Prusse,

-l'empereur d'Autriche roi de Bohême et de Hongrie

-le roi des Belges

-le roi d'Espagne

-le Président des Etats-Unis (ils avaient été appelés comme « médiateurs »)

-le Président de la République française

-le roi du Royaume-Uni empereur des Indes

-le roi d'Italie

-le Sultan du Maroc

-la reine des Pays-Bas

-le roi du Portugal

-l'empereur de toutes les Russies

-le roi de Suède

Cette liste en rappel a le mérite de montrer qu'il y a à peine plus d'un siècle, il n'y avait pas beaucoup de Républiques en Europe !

Cet accord donna quelques droits particuliers à la France et à l'Espagne au Maroc tout en accordant un droit de regard aux Allemands, et en plaçant le Maroc sous la protection de tous les pays signataires. Autrement dit, rien n'était réglé, mais la face était, provisoirement, sauvée !

*un accord signé à Berlin en février 1909, prévoyait une coopération économique entre la France et l'Allemagne pour le développement du Maroc et du Congo.

*en mars 1911, l'armée française occupa Rabat, Fès et Meknès.

*l'Allemagne y vit une violation des accords d'Algésiras de 1906 et envoya, à partir du 1er juillet 1911, des navires de guerres dans la baie d'Agadir, d'abord la canonnière « Panther » puis le croiseur « Berlin » et la canonnière « Eber ».

*En France, depuis le 27 juin 1911, Joseph Caillaux avait remplacé Monis dont le gouvernement avait duré moins de 4 mois en succédant à Aristide Briand comme Président du Conseil. Caillaux négocia directement et seul avec les Allemands, court-circuitant son ministre des Affaires étrangères, notre ambassadeur à Berlin, le parlement français et nos alliés, en l'occurrence la Grande-Bretagne et la Russie. Caillaux céda aux Allemands des territoires pris sur le Congo, le Gabon et l'Oubangui-Chari pour permettre aux Allemands d'agrandir le Cameroun allemand, moyennant quoi le 28 novembre 1911, les navires de guerre allemands levèrent l'ancre de la baie d'Agadir et l'Allemagne ne revendiqua plus le Maroc.

*Voilà les faits brièvement récapitulés ci-dessus. Caillaux, lui, s'attribua le mérite d'avoir sauvé la paix (d'autres en 1938 prétendront aussi sauver la paix!) , mais le jugement qu'en porte Suarez est terrible, il n'est pas conventionnel. Le voici, chacun se fera son opinion. En rappelant pour la petite histoire que le 16 mars 1914, Henriette Caillaux, épouse de Joseph, assassina Gaston Calmettes directeur du Figaro.

Extraits du texte de Suarez (publié en 1938) :

« Briand dans un discours prononcé le 21 décembre 1913 à Saint-Etienne, porta sur la politique de Caillaux ce jugement : J'ai connu la douloureuse surprise de voir se liguer contre moi, sur des questions qui touchaient à ce qu'il y avait de plus grave dans les intérêts extérieurs de ce pays, des hommes prêts à m'abattre et à tout faire pour y parvenir, au risque de voir avorter une politique de prudence et de paix. Ils combattaient aveuglément cette politique, avec l'espérance d'écraser sous elle l'homme qu'ils voulaient chasser du pouvoir. Je suis parti... Quand la faute est commise, elle entraîne vite toutes ses conséquences. L'une des conséquences fut Agadir, une autre fut la conquête militaire du Maroc. Pour soutenir cette conquête, il faut maintenir là-bas 60.000 soldats français, dont notre armée métropolitaine se trouve diminuée. D'autres conséquences suivirent celle-ci. La conquête militaire du Maroc entraînait l'Italie vers les Turcs, en Tripolitaine (dans l'actuelle Libye) . Elle s'y porta. Ce fut la Turquie affaiblie. Cet affaiblissement de la Turquie amena la guerre d'Orient : la Serbie et la Bulgarie s'arrachant des morceaux de la Turquie, ce furent les guerres successives des Balkans (1912/1913), d'où de nouvelles formations et des combats entre les peuples. Et le régime de la paix armée fut plus lourd que jamais et oppressa l'Europe.

Ce fut l'Allemagne augmentant sa force militaire et nous, dans le même moment, contraints de réduire la nôtre, contraints d'envoyer au Maroc, pour soutenir la conquête, de nouvelles troupes prises dans l'élite de notre armée. Aussi le danger s'accroît, l'horizon s'obscurcit de nuages. L'inquiétude à cette heure est partout.

Pour Caillaux, ce qu'avait fait le prédécesseur ne pouvait être bon à rien. Les accords qu'il avait préparés en vue d'une pénétration pacifique au Maroc, il fallait les piétiner, les détruire, ces accords qui favorisaient des rapprochements d'intérêts, en réduisant au minimum les dangers de conflits, on les détruisit.

En 1922, attaqué à la Chambre (des députés) par un caillautiste, il (il s'agit de Briand) répondit : Nous nous étions dit qu'en donnant satisfaction aux intérêts économiques allemands, étant donné leur puissance, nous parviendrions peut-être à écarter les dangers de guerre. Oui, oui car après la destruction de ces accords, ces dangers se sont déchaînés. Lorsque les hommes d'affaire allemands ont vu que tout espoir de tractation économique ou financière était perdu, ils se sont ralliés au parti militaire et l'Allemagne a couru où fatalement la poussaient ses secrètes aspirations : vers la guerre...

Le 6 juillet de la même année (1922) à la tribune de la Chambre, Léon Blum exprimera la même thèse : Répercussion immédiate et indéniable des faits les uns sur les autres, des ambitions et des convoitises les unes sur les autres, l'affaire marocaine déterminant l'affaire de Tripolitaine livrant la Turquie affaiblie aux convoitises des petits Etats balkaniques.

Agadir ne sera en effet qu'un commencement. Les accords de 1909/1910 une fois remis en question, l'Allemagne plus largement pourvue, chacun des Etats avec qui la France avait traité, demandera que ses avantages soient accrus en proportion des avantages que s'étaient réservés les contractants. L'Italie occupera la Tripolitaine et la Cyrénaïque. Elle se heurtera à des bandes d'indigènes commandés par des officiers turcs. La guerre italo-turque déchaînera une crise décisive dans les Balkans. Les Etats chrétiens, voisins de la Turquie, profiteront de ses embarras pour former sous la direction de la Russie une coalition. La France, liée par l'alliance russe, devra soutenir moralement et matériellement, les nations liguées contre l'empire ottoman. Celui-ci sera battu dans une première guerre par la Bulgarie, la Grèce et la Serbie. Mais le partage des dépouilles du vaincu tournera la Serbie et la Grèce contre la Bulgarie qui succombera à son tour.

En Allemagne, l'opinion verra avec une irritation croissante la défaite de la Turquie et de la Bulgarie ainsi que l'agrandissement de la Serbie qui barrait à l'Autriche la route de Salonique. La France qui avait soutenu la Grèce et la Serbie, deviendra la cible de la colère allemande. Quatre incidents de frontières se produiront coup sur coup et le gouvernement impérial fera voter au Reichstag un impôt d'un milliard de marks pour porter l'effectif de l'armée allemande à 850.000 hommes (1913). enfin l'attentat de Serajevo, qui sera la conséquence directe de la victoire serbe dans la guerre balkanique, mettra le feu aux poudres. Ce sera la guerre ; le point initial, ce fut Agadir qui ne fut possible que par la rupture imposée par Caillaux des accords de 1909.

dans ses notes intimes de guerre, Briand le relevait aussi à la date du 7 février 1918 : Conversation à l'Elysée avec le président de la République qui m'avait fait dire par Barthou son désir de me voir. Il me dit son horreur de Caillaux à propos des papiers trouvés à Florence.

A ce propos, je rappelle au président les accords faits par moi en 1910 avec l'Allemagne, déchirés ensuite à l'instigation de Caillaux. La conséquence : Agadir, véritable germe du conflit actuel (il s'agit de la guerre de 14 pas encore terminée à la date du 7 février 1918) Le vrai responsable de la guerre c'est Caillaux. C'est à ce moment là que, pour essayer de réparer sa faute, il s'est jeté dans les bras de l'Allemagne et s'est fait l'agent financier de l'Allemand Cassel. Poincaré approuve....

Pour faire une politique qui ne fut pas celle du prédécesseur , Caillaux se condamnait à en chercher d'impossibles et se privait délibérément des bénéfices de l'expérience. Il vivra dans un ouragan d'alertes incessantes, de menaces mortelles, duquel il ne s'échappera pour reprendre du souffle, que par l'arbitraire, l'intrigue, les tractations obliques, la violation constante des règles du pouvoir, les démentis mensongers et les engagements contradictoires.

Finalement, pressé de toutes parts par le danger extérieur, il sera entraîné à rattraper par des sacrifices supplémentaires et vains les chances de paix qu'il avait compromises...
Son impuissance devant les obstacles que son tempérament s'ingéniait à accumuler, le rendait irritable, nerveux, inconséquent. Il n'était plus de taille à débrouiller tout seul les fils qu'il avait su emmêler avec tant de virt
uosité....

Sous la menace (il s'agit de l'envoi de navire de guerre allemands à Agadir) l'Allemagne engageait la France à négocier au plus vite des compensations. Selves (notre Ministre des Affaires étrangères), après avoir reçu l'ambassadeur allemand, eut aussitôt le réflexe logique qui convenait à la situation et à l'intérêt du pays. Il avertit notre ambassadeur à Londres qui prévint sir Edward Grey. (alors Ministre des Affaires étrangères en Grande-Bretagne). Celui-ci offrit si le gouvernement français répliquait à l'Allemagne par l'envoi d'un bateau de guerre, de le faire accompagner par un navire anglais. Caillaux refusa de recourir à la solidarité franco-britannique et déclara qu'il préférait négocier avec l'Allemagne. Qu'attendait-il donc d'une négociation engagée sous la contrainte des canons et de quelle liberté espérait-il pouvoir user pour sauver le renom français ? Mais Caillaux était débordé par les conséquences irrésistibles de ses erreurs et il se croyait seul qualifié pour les enrayer. Happé par l'engrenage combiné de sa présomption et de ses égarements, il rebondit de faute en faute sans retrouver jamais le sang-froid, l'équilibre, la mesure qu'il fallait pour faire face à la pression du péril. Il avouait au milieu de son affolement, des préoccupations puériles.

Il oubliait qu'en se plaçant délibérément sous l'imminence du danger, et en refusant le concours de l'Angleterre, il avait perdu l'initiative des moyens et le choix des solutions. Il persista cependant à inventer quelque chose de personnel, d'original, d'inédit. Par-dessus la tête de son ministre des affaires étrangères, il noua des pourparlers secrets avec l'Allemagne...

Il (il s'agit de Selves notre ministre des Affaires étrangères) comprit, dès lors, le sens de bien des choses et de bien des attitudes qui étaient restées pour lui des énigmes (Selves venait d'apprendre les tractations secrètes que Caillaux menait dans son dos). Tandis que Selves s'appuyait sur l'Angleterre pour tenir tête aux Allemands, Caillaux s'appuyait sur l'Allemagne pour faire échec au Quai d'Orsay et au Foreign Office.

Dans un numéro de l’œuvre en 1914, Robert de Jouvenel écrivait : c'est là le fait monstrueux. Il s'est trouvé à un moment donné, un président du Conseil français dont la politique personnelle était telle à ce moment qu'il en fut réduit à s'appuyer sur l'ambassade d'Allemagne pour la défendre. Il fut à ce moment là solidaire de Berlin contre Paris »

Si l'on suit Suarez, la responsabilité de Caillaux est importante dans les raisons qui ont amené la première guerre mondiale. La presse de l'époque, spécialement Le Figaro (d'où l'assassinat de Calmettes) fut très critique vis-à-vis de Caillaux. Mais après la guerre et eu égard à l'hécatombe il fut plus glorieux de rejeter la seule responsabilité sur les Allemands dont le bellicisme fut mis en avant plutôt que de rappeler qu'un responsable français eut pour principale ligne politique de faire le contraire de son prédécesseur qu'il détestait (Aristide Briand en excluant l'intermède de Monis) et que cela fit partie des causes de la guerre.

J.D. 28 septembre 2013

ajout du 22 janvier 2016 :

on trouvera des photos en illustration qui se passent de commentaires.

Pauvre France!

à Paris en juin 2014

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à Paris en juin 2014

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