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28 novembre 2014 5 28 /11 /novembre /2014 09:03

Dans une boutique, j'ai trouvé une carte postale publiée par les éditions « Editor » et représentant « la journée de l'élégance à bicyclette » à Paris en juin 1942. Voir la photo en illustration qui montre 3 « élégantes » (on suppose les lauréates du concours).

Chacun est libre des pensées que cela peut lui inspirer. Mais ce qui peut poser problème c'est bien sûr le double contexte :

*celui de juin 1942

*celui de 2014 avec la sortie du livre d'Eric Zemmour : « le suicide français » chez Albin Michel en octobre 2014. Livre qui rappelle (page 70) une contrepèterie datant de l'occupation : « La Française conservera toujours son cœur au vaincu ». (cruel retour sur le passé !)

Voici un petit rappel du contexte de juin 1942 :

En France :

Les Allemands occupent, dans un premier temps, la moitié de la France depuis 2 années c'est-à-dire depuis la débâcle. C'est la seconde fois dans notre histoire que la Loire sert de ligne de démarcation (voir fiche N° 109 http://jean.delisle.over-blog.com/la-guerre-de-cent-ans-n-109), entre une France occupée au nord et une France libre au sud. A Vichy, Pétain est chef de l'Etat français (voir fiche N° 174 http://jean.delisle.over-blog.com/2014/05/petain-de-gaulle-mitterrand-n-174.html), en 1942 il avait 86 ans, Pierre Laval est le chef du gouvernement et François Mitterrand est encore un collaborateur zélé du régime de Vichy. Le 16 juin 1942, Pierre Laval avait déclaré : « je souhaite la victoire de l'Allemagne ». Pendant les années d'occupation, des Français firent de la Résistance, d'autres de la collaboration, certains passèrent de la collaboration à la résistance quand le vent tourna pour les Allemands, enfin la majorité, probablement, chercha surtout à résoudre ses problèmes quotidiens (rationnement etc) et à survivre en attendant des jours meilleurs. Cette carte postale, néanmoins, nous rappelle que tous les Français ne vécurent pas l'occupation de la même façon.

En Europe :

Au Kremlin, c'est dans la nuit du 23 au 24 août 1939 qu'avaient été signés les deux « pactes germano-soviétiques » (le pacte des assassins selon Max Gallo) qui furent les premiers responsables du déclenchement de la seconde guerre mondiale.

A l'occasion de cérémonies commémoratives de la seconde guerre mondiale (armistice, débarquement...) j'entends souvent des commentateurs aux infos présenter Staline comme le principal acteur de la défaite de l'Allemagne nazie. Pour mon goût ils oublient trop vite :

*l'alliance Hitler/Staline d'août 1939

*que Staline profita de son alliance avec Hitler pour envahir la moitié de la Pologne, les 3 pays baltes, la Finlande. Pendant le même temps son allié Hitler avait envahi l'autre moitié de la Pologne (à compter du 1er septembre 39), le Danemark et la Norvège (à compter du 10 avril 1940), la Hollande, la Belgique, le Luxembourg et la France (à compter du 10 mai 1940), la Grèce et la Yougoslavie (en avril 1941). Rien que cela !

*que ce n'est pas Staline qui décida de changer de camp mais Hitler qui ordonna l'invasion de l'Union Soviétique le 22 juin 1941 et jeta ainsi Staline dans les bras des Alliés alors que très probablement Staline ne demandait qu'à poursuivre le partage de l'Europe avec son allié Hitler !

En juin 1942, au moment du concours d'élégance, les Allemands ont enfoncé l'armée Rouge. La bataille de Stalingrad et le début des revers allemands ne commenceront qu'en septembre 1942. La rafle du Vel' d'Hiv n'eut lieu que les 16 et 17 juillet 1942, le débarquement américain en Afrique du Nord que le 8 novembre 1942.

Qui pouvait en juin 1942 prévoir la défaite allemande ?

Dans le reste du monde :

Au début de la seconde guerre mondiale l'opinion publique américaine est majoritairement hostile à l'entrée en guerre des Etats-Unis. Ni les invasions successives des complices Hitler/Staline de 1939, 1940 et 1941 ne changèrent l'opinion américaine.

Il fallut que le Japon attaque la base américaine de Pearl Harbor le 7 décembre 1941 et que cela soit suffisamment médiatisé aux U.S.A. pour que l'opinion se renverse, que les Etats-Unis entrent en guerre et que cela change le cours des événements.

A Pearl Harbor, les Etats-Unis eurent 2.403 tués, 1.178 blessés et perdirent 4 navires de ligne, 3 croiseurs, 3 destroyers et 188 avions. En décembre 1941 Japon et Etats-Unis n'étaient pas en guerre, cette attaque surprise fut un événement suffisamment massif et horrible pour que l'opinion américaine accepte la guerre. On peut comprendre l'intérêt des politiques, des militaires et des industriels américains de l'armement. Mais pourquoi les Japonais allèrent-ils attaquer les Américains dans une base située à 5.500 kms du Japon ?

Les Japonais étaient alors en guerre contre la Chine. Cette guerre avait commencé le 18 septembre 1931, s'était interrompue et avait repris le 7 juillet 1937. Elle ne s'arrêta qu'avec la reddition du Japon signée le 2 septembre 1945 sur le pont de l'USS Missouri dans la baie de Tokyo. La Chine prit part à la signature.

Dans sa guerre contre la Chine, l'armée japonaise eut 1.100.000 tués tandis que les Chinois eurent 12 millions de morts (civils et militaires) en estimation basse.

En dehors de tout jugement moral, on peut comprendre une guerre du Japon contre la Chine, il y en eut aussi contre la Russie. C'étaient des pays proches qui pouvaient permettre une extension territoriale pour le Japon.

On peut toujours trouver des arguments à tout, mais rationnellement j'avoue que je ne trouve pas de raisons plausibles pour expliquer cette attaque des Etats-Unis par le Japon.

J.D. 28 novembre 2014

journée de l'élégance à bicyclette en juin 1942 à Paris, carte publiée par les éditions Editor

journée de l'élégance à bicyclette en juin 1942 à Paris, carte publiée par les éditions Editor

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2 novembre 2014 7 02 /11 /novembre /2014 09:17

Le 31 octobre 2014, sur le journal Facebook d'une correspondante italienne était publiée cette pensée :

« In questo momento

di sacrifici, tutti

devono fare delle rinunce.

Il Governo, per esempio

rinuncia ai sacrifici »

traduction : En ce moment de sacrifices, tout le monde doit accepter des renoncements. Le Gouvernement par exemple renonce aux sacrifices

La veille, exactement la veille, c'est-à-dire le 30 octobre 2014, le journal en ligne du Point publiait un article intitulé : « Les rémunérations des conseillers ministériels explosent ».

Mais c'est en France que cela a été révélé, par René Dosière député de l'Aisne depuis 1988, d'abord socialiste puis apparenté socialiste depuis 2007. Spécialiste des questions budgétaires, René Dosière révélait en effet qu'entre 2013 et 2014, les rémunérations des conseillers ministériels (français, pas italiens) avaient augmenté de7,1% et leurs primes de 4,3% soit en moyenne + 6,5% !

En lisant la pensée ci-dessus, en italien, difficile de ne pas faire le rapprochement avec la situation française surtout après la publication, la veille, d'un article sur le même sujet. Quelle coïncidence !

Au lendemain de la première guerre mondiale, les médias avaient qualifié la France et l'Italie de « sœurs latines ».

Je ne vais pas refaire, dans cette note, l'histoire des relations entre la France et l'Italie depuis l'arrivée des Romains. Sur mon blog, l'histoire romaine ainsi que l'histoire de l'Italie sont concernées par une quarantaine de notes ; voir la récapitulation thématique, fiche N°76 http://jean.delisle.over-blog.com/article-blog-liste-des-articles-111165313.html

En complément, ceux qui veulent aller plus loin dans les rapprochements France/Italie peuvent consulter sur Internet les paroles de l'hymne national italien (Fratelli d'Italia). Des esprits chagrins accusent régulièrement notre Marseillaise d'être belliqueuse … mais voir l'hymne de notre sœur latine ! (on peut aussi consulter l'hymne grec!).

J'ai le souvenir qu'au moment des affaires de c.. de Berlusconi, les médias français s'en donnaient à cœur joie. J'ai retrouvé un texte de la presse italienne de 2003 :

« L'opinion qui prévaut ici (en Italie) c'est que quant aux leçons, plus généralement, la France est maintenant très mal placée pour en donner » !

Que dire après les affaires DSK (pas Dodo Sexe Klub de « Dodo la Saumure », mais Dominique Strauss-Kahn), et la rue du Cirque où Hollande se rendait sur un scooter....italien !

Décidément France et Italie sont vraiment des sœurs latines

J.D. 2 novembre 2014

Fratelli D'Italia (Hymne National Italien) (Frères D'Italie)

Fratelli d'Italia
Frères d'Italie,
L'Italia s'è desta,
L'Italie s'est réveillée,
Dell'elmo di Scipio
Dans le casque de Scipion (1)
S'è cinta la testa.
Elle s'est fermé la tête.
Dov'è la Vittoria ?
Où est la victoire ?
Le porga la chioma,
Elle porte une crinière,
Ché schiava di Roma
Esclave de Rome
Iddio la creò.
Les dieux la créèrent.
Stringiamci a coorte
Rassemblons-nous en cohorte (2)
Siam pronti alla morte
Nous sommes prêts à mourir
L'Italia chiamò.
L'Italie nous appelle.

Noi siamo da secoli
Nous sommes depuis des siècles
Calpesti, derisi,
Piétinés, méprisés,
Perché non siam popolo,
Parce que nous ne sommes pas un peuple,
Perché siam divisi.
Parce que nous sommes divisés. (3)
Raccolgaci un'unica
Rallions-nous en un seul
Bandiera, una speme :
Drapeau, une espérance :
Di fonderci insieme
De fusionner tous ensemble
Già l'ora suonò.
Déjà l'heure sonne.
Stringiamci a coorte
Rassemblons-nous en cohorte
Siam pronti alla morte
Nous sommes prêts à mourir
L'Italia chiamò.
L'Italie nous appelle.

Uniamoci, amiamoci,
Unissons-nous, aimons-nous,
L'unione e l'amore
L'union et l'amour
Rivelano ai Popoli
Révèlent aux peuples
Le vie del Signore ;
Les voies du Seigneur ;
Giuriamo far libero
Nous jurons de rendre libre
Il suolo natìo :
Notre sol natal :
Uniti per Dio
Unis par Dieu
Chi vincer ci può ?
Qui pourrait nous vaincre ?
Stringiamci a coorte
Rassemblons-nous en cohorte
Siam pronti alla morte
Nous sommes prêts à mourir
L'Italia chiamò.
L'Italie nous appelle.

Dall'Alpi a Sicilia
Des Alpes à la Sicile
Dovunque è Legnano,
Où que soit Legnano, (4)
Ogn'uom di Ferruccio
Chaque homme de Ferrucci (5)
Ha il core, ha la mano,
A le coeur, a la main,
I bimbi d'Italia
Les enfants d'Italie
Si chiaman Balilla,
S'appellent Balilla (6)
Il suon d'ogni squilla
Le son de toutes les cloches
I Vespri suonò.
Les vêpres sonnent (7)
Stringiamci a coorte
Rassemblons-nous en cohorte
Siam pronti alla morte
Nous sommes prêts à mourir
L'Italia chiamò.
L'Italie nous appelle.

Son giunchi che piegano
Se sont des jonques qui plient
Le spade vendute :
Les épées vendues : (8)
Già l'Aquila d'Austria
Déjà l'Aigle d'Autriche
Le penne ha perdute.
A perdu ses plumes.
Il sangue d'Italia,
Le sang d'Italie,
Il sangue Polacco,
Le sang polonais, (9)
Bevé, col cosacco,
Il a bu, avec le cosaque, (10)
Ma il cor le bruciò.
Mais son coeur lui brûle. (11)
Stringiamci a coorte
Rassemblons-nous en cohorte
Siam pronti alla morte
Nous sommes prêts à mourir
L'Italia chiamò.
L'Italie nous appelle.

(1) Scipion l'Africain : général romain, vainqueur de Zama sur les Carthaginois en 202

(2) cohorte : unité formant le dixième d'une base romaine

(3) en 1848 l'Italie était encore divisée en sept états

(4) Legnano : ville de Lombardie où les Milanais vaincurent Barberousse en 1176

(5) Francesco Ferrucci : capitaine, symbole de Florence en 1530 assiégé par Charles V

(6) Giovanni Battista Perasso dit Balilla : jeune gênois, symbole de la révolte populaire contre la cohalition austro-piémontaise, Gênes, occupé depuis plusieurs mois, fût finalement liberé le 10 Décembre 1746 après cinq jours de lutte

(7) Vêpres siciliennes : massacre des Français de Charles Ier d'Anjou, qui débuta le lundi de Pâques 30 Mars 1282, à l'heure où l'on sonnait les vêpres, la révolte qui fit des milliers de victimes aboutit au couronnement du roi d'Aragon comme roi de Sicile

(8) Epées vendues : troupes mercenaires

(9) la Pologne fût rayée de la carte suite à diverses attaques par les Autrichiens et les Russes au cours du XIXème siècle

(10) cosaque : russe

(11) Il est à noter que ce couplet fût censuré par le gouvernement piémontais alors dominé par l'Autriche

Il est à noter, par ailleurs, que ce texte écrit par Goffredo Mameli et mis en musique par Michele Novaro, est, depuis le 12 Octobre 1946, l'hymne national de la République italienne

le roi Victor-Emmanuel III récompense des soldats français qui le 31 décembre 1917 ont repris aux Autrichiens le Mont Tomba (situé sur la rive droite du Piave à une trentaine de kms au nord-ouest de Trevise

le roi Victor-Emmanuel III récompense des soldats français qui le 31 décembre 1917 ont repris aux Autrichiens le Mont Tomba (situé sur la rive droite du Piave à une trentaine de kms au nord-ouest de Trevise

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3 juin 2014 2 03 /06 /juin /2014 17:41

Dans les années 1920, Anglais et Français n'eurent manifestement pas la même perception du danger que pouvait encore représenter l'Allemagne.

Il faut dire que tous les combats de la guerre avaient eu lieu sur le continent. La France avait eu 1.600.000 morts (civils et militaires), 4,2 millions de blessés et 600.000 maisons avaient été détruites dans les zones de combats.
En outre, on ne s'en rend plus compte aujourd'hui, mais il y a un siècle, les Français avaient en tête 4 invasions et 4 occupations du territoire par les Prussiens au cours des 120 années écoulées : Lors de la première abdication de Napoléon (avril 1814), après la bataille de Waterloo (juin 1815), à l'occasion de la guerre de 1870 et de 1914
à 1918.

Le danger prussien passé, l'ambiance de chaque côté de la Manche était devenu exécrable : l'anglophobie d'un côté répondant à la francophobie de l'autre. La presse anglaise alla jusqu'à qualifier la France de « nation satanique » (rapporté par Suarez dans « Briand » tome V chapitre VIII)

La conférence de Washington (voir la note N°176http://jean.delisle.over-blog.com/2014/05/la-conference-de-washington-ou-la-mesentente-cordiale-n-176.html), où la délégation anglaise avait passé son temps à œuvrer contre la France, n'avait rien arrangé.

De retour de Washington, Briand qui avait une claire conscience du danger allemand et qui souhaitait obtenir un engagement de défense réciproque entre l'Angleterre et la France, prit contact avec Lloyd George son homologue britannique.

De son côté, Lloyd George souhaitait organiser une coopération européenne pour relancer l'économie qui avait été mise à mal par les années de guerre. Les deux hommes se rencontrèrent à Londres les 18 et 21 décembre 1921, à Paris le 26 décembre et à Cannes le 4 janvier 1922, juste avant une conférence qui s'ouvrit le 6 janvier à 11 heures au cercle nautique de Cannes (qui fut démoli pour faire place au « Palais des Festivals » en 1947).

Avaient été invités et participèrent à cette conférence des représentants de la Belgique, de la France, de la Grande-Bretagne, de l'Italie et du Japon. En outre les Etats-Unis avaient envoyé un observateur.

Les rencontres entre Briand et Lloyd George firent l'objet de compte-rendus qui furent exploités par Suarez. Voici quelques extraits des propos tenus par Briand à Lloyd George :

« Son principal objet (à Aristide Briand) était d'édifier autour d'un accord franco-anglais une organisation générale tendant au maintien de la paix en Europe. Si d'autres nations avaient l'impression d'une ferme entente entre la France et la Grande-Bretagne pour le maintien de la paix et de l'ordre, la paix ne serait plus menacée de longtemps et l'Allemagne trouverait avantage à se joindre à elles. Ce seul fait barrerait la route aux forces réactionnaires en Allemagne, en rendant inébranlable l'ordre des choses qu'elles cherchent à détruire. Une pareille entente entre France et Angleterre empêcherait les Allemands de former des projets contre les peuples à leurs frontières. Une telle garantie obligerait probablement les Allemands à abandonner leurs desseins militaires par exemple, contre la Pologne et la Russie. Cela aiderait aussi la démocratie allemande à faciliter le retour de l'Allemagne dans la communauté des nations et cela tendrait d'une façon générale à la stabilisation de l'Europe pour une longue période. »

« La Russie a une armée de 800.000 hommes, avec du matériel suffisant, sinon abondant, et un réservoir de un million ou 1.200.000 hommes. Les bolcheviks se procurent du matériel un peu partout. Récemment, un chargement important a été expédié d'Allemagne. Si la Russie venait à s'allier avec l'Allemagne contre la Pologne et la Tchécoslovaquie, il pourrait en résulter un grave péril ».

« On ne peut oublier que l'Allemagne a 20 millions d'habitants de plus que la France, que la démocratie n'est encore, pour la plus grande partie des Allemands, qu'un mot vide de sens et que ce peuple discipliné, laborieux, doué d'un génie fécond d'organisation, mais chez lequel une active propagande politique et intellectuelle, notamment dans les universités et les écoles, entretient un esprit agressif et un désir ardent de revanche, peut rendre un jour inefficaces les mesures de désarmement prescrites par le traité de Versailles. »

Difficile de nier que Briand avait pressenti les événements. De son côté Lloyd George avait « annoncé son intention de demander à la Russie de s'engager à ne pas attaquer la Finlande, les Pays baltes, la Pologne, la Roumanie et la Tchécoslovaquie »

Briand demanda alors à Lloyd George de recommander à l'Allemagne de prendre les mêmes engagements !

A l'ouverture de la conférence de Cannes, Lloyd George annonça son intention de procurer à la France un pacte de garantie en cas d'agression allemande, mais demandait en même temps pour l'Allemagne un allègement des conditions de paiement des réparations de guerre.

Mais pendant que Briand alors président du Conseil négociait à Cannes, un clan anti-Briand s'activait à Paris. Clemenceau n'était plus là mais d'autres avaient pris le relais avec en tête Alexandre Millerand qui était devenu Président de la République, puis Raymond Poincaré qui n'avait pas sollicité un second mandat de président mais qui était devenu président de la Commission des Affaires étrangères du Sénat, et menait, au Sénat, la fronde contre Briand.

Millerand désavoua les négociations de Briand à Cannes et cela se retrouva (pas par hasard) dans la presse. Millerand avait convoqué à Paris 2 conseils des ministres en l'absence de Briand pour faire cautionner sa politique anti-Briand par les ministres du cabinet Briand ! Et l'un des ministres (Barthou) qui soutenait Briand à Cannes, le désavoua à Paris.

Devant cette situation, Briand quitta la conférence de Cannes le 12 janvier pour rentrer à Paris. Il eut une entrevue houleuse avec Millerand puis un nouveau conseil des ministres se réunit. Les mêmes qui critiquaient Briand en son absence l'approuvèrent à l'unanimité.

Le jour même Briand intervenait devant la Chambre (des députés). Après un long exposé sur les négociations en cours à Cannes, il fut acclamé par les députés, mais écœuré Briand déclarait :

« Un homme politique, à la place où je suis et dans les circonstances redoutables que traverse notre pays, n'a pas le droit d'aller au poste de combat s'il n'a pas la certitude qu'il ne lui viendra pas de balles d'ailleurs. Il consent à en recevoir des autres pays mais pas du sien.... »

Puis Briand annonça sa démission. Poincaré devint président du Conseil, Barthou vice-président.... le crime avait payé !

Le 14 janvier Philippe Berthelot qui avait été ministre dans un gouvernement Briand lui adressait une lettre :

« ...Aussi ne puis-je me souvenir sans indignation des attaques abominables et des pièges constants multipliés contre votre gouvernement. Je ne pourrai jamais m'habituer à la politique, à ses travers, à ses bassesses. Je suis heureux de me sentir libre et je ne voudrais à aucun prix recommencer à y être mêlé malgré moi. »

Depuis la plus haute antiquité, la politique a été le domaine par excellence des coups tordus, de l'hypocrisie, des trahisons... Briand dépassait de plusieurs coudées tous ses collègues, ils ne le lui pardonnaient pas !

Dès le 13 janvier 1922, la démission de Briand à Paris mettait fin à la conférence de Cannes qui se séparait sans avoir pris aucune résolution sauf celle de se réunir à nouveau à Gênes. Les magouilles politiciennes et ambitions personnelles en France avaient eu raison d'une conférence internationale qui aurait pu aboutir à un accord de coopération européenne. Les délégations étrangères prirent mal la démission de Briand. La presse internationale accusa la France d'être un pays ingouvernable (déjà!).

Une nouvelle conférence s'ouvrit à Gênes le 10 avril 1922 et se termina le 19 mai.

« Ce fut un fiasco dont la mésentente entre Anglais et Français fut la cause essentielle ». Briand avait cherché un rapprochement avec la Grande-Bretagne, politique que ne suivit pas Poincaré.

Le 16 avril 1922, l'Allemagne et l'URSS avaient conclu le traité de Rapallo et profitaient des dissidences entre France et Grande-Bretagne pour se rapprocher.

En Grande-Bretagne, le ministère de Lloyd George succomba le 19 octobre 1922. Avec son remplaçant (Bonar Law) « le différent franco-britannique s'accentua encore ».

Les événements des années 1930 en Allemagne obligeront France et Grande-Bretagne à s'allier de nouveau, mais avec des hommes qui n'eurent aucun courage et avec des années perdues qui auraient pu être utilisées pour préparer une coopération et une paix durable en Europe.

J.D. 3 juin 2014

Aristide Briand à Cannes entouré par Louis Loucheur et Paul Doumer, publié par Suarez

Aristide Briand à Cannes entouré par Louis Loucheur et Paul Doumer, publié par Suarez

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31 mai 2014 6 31 /05 /mai /2014 10:49

Le 4 mars 1921, un nouveau président (Warren Harding, mort le 2 août 1923, il n'eut pas le temps de finir son mandat) avait pris ses fonctions à Washington. Le 13 juillet 1921 il avait envoyé une invitation aux alliés de la guerre de 14 à venir à Washington pour examiner certains problèmes et principalement :

*la course effrénée aux armements qui avait repris de plus belle surtout dans le domaine de l'armement naval

*les accords passés entre l'Angleterre et le Japon

*la délimitation des zones d'influence entre les puissances dans le Pacifique.

Cette conférence commença le 12 novembre 1921 et se termina le 6 février 1922. Elle entraîna la signature de 2 traités :

*un traité naval le 6 février 1922 pour limiter les droits des puissances dans la construction d'une marine de guerre. Ce traité fut signé par les Etats-Unis, la Grande Bretagne, le Japon, la France et l'Italie. La Grande-Bretagne conservait sa première place comme puissance militaire maritime.

L'Italie de Mussolini fut la première dans les années 30 à dénoncer ce traité. Quant à l'Allemagne, elle ne l'avait pas signé ! Mais les traités furent mal...traités par Hitler de toutes façons! Le Japon et les autres suivirent. La conférence de Washington est aussi souvent appelée « conférence navale ».

*un traité du 13 décembre 1921 réglait les zones d'influence des puissances dans le Pacifique, donnait des droits à la Chine et supprimait de fait les traités antérieurs entre la Grande-Bretagne et le Japon. Outre les 5 signataires du traité du 6 février , la Chine, la Belgique, les Pays-Bas et le Portugal étaient signataires de ce traité

les traités anglo-nippons : le 16 juillet 1894 avait été signé à Londres un « traité de commerce et de navigation » entre la Grande-Bretagne et le Japon. Puis le 30 janvier 1902 un nouvel accord par lequel l'Angleterre s'engageait à ne pas intervenir en cas de guerre entre le Japon et la Russie et à intervenir aux côtés du Japon au cas où une autre puissance soutiendrait la Russie.

Les Japonais voyaient leur population augmenter régulièrement avec un territoire étroit. Ils avaient l'ambition de s'étendre sur le continent proche. Mais la Russie tsariste avait des ambitions sur les mêmes territoires. Il y avait eu un premier conflit entre Russes et Japonais en 1894 qui s'était terminé par un armistice signé à Tokyo le 30 mars 1895. Puis les Russes avaient pris de l'avance, en négociant avec les Chinois qui leur avaient donné à bail, en 1898, Port-Arthur (port chinois de Mandchourie). Les Russes avaient installé une importante base maritime (militaire) à Port-Arthur.

Forts de leur traité de 1902 avec les Anglais, les Japonais attaquèrent sans déclaration de guerre la flotte russe de Port-Arthur le 8 février 1904 puis firent le siège de la garnison russe qui capitula le 22 janvier 1905. Les Russes furent encore vaincus à la bataille terrestre de Monkden en mars 1905 et à la bataille navale de Tsuhima du 17 au 29 mai 1905. Sous les auspices du Président américain Theodore Roosevelt (président de 1901 à 1909, à ne pas confondre avec Franklin Roosevelt qui, lui, fut président de 1933 à 1945 ; c'est après lui que les mandats de président furent limités à 2), le traité de Portsmouth, signé le 5 septembre 1905, accordait au Japon : la Corée, la moitié de l'île de Sakhaline et la région de Port-Arthur.

Les Japonais étaient entrés dans la guerre de 14 aux côtés des Alliés pour contrer la percée allemande dans le Pacifique. Les Japonais s'emparèrent sans beaucoup d'efforts des colonies allemandes du Pacifique et les conservèrent dans les traités d'après guerre. Voir la fiche N° 172 http://jean.delisle.over-blog.com/2014/04/le-desastreux-traite-de-versailles-n-172.html.

C'est le 23 août 1914 que le Japon avait déclaré la guerre à l'empire allemand. Pour récupérer les colonies allemandes du Pacifique, il n'en coûta que 415 vies aux Japonais. De tous les belligérants de la première guerre mondiale, les Japonais eurent manifestement le meilleur rapport en termes de coûts/avantages.

Le contexte de la conférence pour les Anglais : Durant 6 siècles (bataille de Bouvines 1214, bataille de Waterloo 1815) les Anglais luttèrent contre l'hégémonie française en Europe. La diplomatie anglaise parvint souvent à réunir des coalitions européennes contre la France. La victoire de l'Europe sur Napoléon 1er mit provisoirement fin à l'hostilité anglaise. Puis les Anglais s'inquiétèrent de la percée russe vers la mer Noire pour avoir un accès à la Méditerranée. Les Anglais se rapprochèrent une première fois des Français et ce fut la guerre de Crimée (1854/1856) contre la Russie.

Secrètement les Anglais durent se réjouir de la cuisante défaite de la France contre la Prusse en 1870. Mais quand ils virent le royaume de Prusse se transformer en Empire allemand et réussir dans tous les domaines, ils se rapprochèrent une nouvelle fois de la France et ce fut « l'Entente cordiale » (le 8 avril 1904).

Les Anglais payèrent leur tribu à la guerre de 14 : 1 million de tués et 1.700.000 blessés. Mais après la guerre les dirigeants britanniques comme la population pensaient que l'Allemagne à genoux n'était plus un danger pour longtemps. Alors les vieux démons francophobes resurgirent. La presse britannique du début des années 1920 accusait la France de vouloir remplacer la Prusse comme puissance militariste et impérialiste. Rien de moins ! Et bien sûr, la population anglaise suivait. De cette situation il existe de nombreux témoignages dans le tome V de la biographie consacrée à Briand par Georges Suarez. Je ne peux pas en recopier des pages pour ne pas alourdir ce texte, voici néanmoins 2 extraits du texte de Suarez pour décrire l'ambiance de l'époque (chapitre VII du tome V) :

« L'extraordinaire violence de la campagne des journaux anglais contre notre puissance militaire était en quelque sorte une préface aux intrigues auxquelles la délégation britannique s'apprêtait à se livrer contre notre pays à Washington ».

« L'armée française était représentée (dans la presse anglaise) comme un obstacle à la paix, un élément de troubles en Europe, une menace pour l'avenir. La France était représentée, par la caricature ou les récits, sous les traits d'un soudard écrasant de sa botte un univers épuisé et sanglant ».

Le 22 novembre 1921, le New-York World publiait un article intitulé « La France préparant une nouvelle guerre... » sous la signature de l'écrivain anglais Wells (l'auteur de la Guerre des Mondes). Article dans lequel on pouvait lire :

« Le fait brutal de la question est que la France maintient une vaste armée en face d'un univers désarmé et qu'elle se prépare énergiquement à de nouvelles opérations belliqueuses en Europe et à une guerre sous-marine contre l'Angleterre »

Et Suarez de commenter : « Cette brutale et invraisemblable accusation sous la plume de Wells, montrait bien que la campagne était depuis longtemps préparée ».

La délégation anglaise à Washington était conduite par lord Balfour qui prenait régulièrement ses ordres auprès de Lloyd George qui était resté à Londres. On apprend au passage que les Américains espionnaient les conversations des différentes délégations avec leur capitale respective !

L'invitation américaine pour la conférence ne portait que sur l'armement naval. Les Anglais parvinrent à obtenir la discussion sur les armements terrestres parce qu'ils souhaitaient une réduction importante des forces terrestres françaises. Ils avaient aussi pour objectif dans cette conférence d'interdire à la France la constitution d'une force sous-marine ! Aristide Briand qui conduisait la délégation parvint à déjouer toutes les manœuvres des Britanniques. Il faudra attendre l'arrivée au pouvoir des nazis pour que l'Angleterre se rapproche une nouvelle fois de la France.

Les Italiens : Les Italiens avaient de la rancœur contre la France (voir sur mon blog les notes N° 161http://jean.delisle.over-blog.com/2014/02/l-italie-et-la-guerre-de-14-n-161.html et 172). Pour isoler la France à la conférence de Washington, la presse anglaise utilisa la mauvaise humeur italienne pour prêter à Briand de faux propos désobligeants contre l'armée italienne. Ces articles furent repris par la Stampa et voici le résultat :

« A Turin, à Rome, à Naples, des cortèges se formèrent aux cris de A bas la France ! A Turin, le Consulat français fut saccagé, vitres brisées, meubles renversés, personnel molesté. Le même soir, les incidents de Washington et de Turin furent évoqués à la Chambre italienne. Le ministre des Affaires étrangères della Toretta lut une dépêche de Schanzer (délégué italien à Washington) qui démentait formellement les propos attribués à Briand sur l'armée italienne. Hughes (secrétaire d'Etat américain aux Affaires étrangères), à son tour, démentit officiellement la nouvelle publiée par le Daily Telegraph et l'Echo de Paris »

Les Italiens avaient été très déçus de la place qui leur avait été faite dans le traité de Versailles et les autres traités d'après guerre. Ils furent autant déçus de la conférence de Washington.

Les Américains: Les Etats-Unis s'inquiétaient de la montée en puissance du Japon dans la zone pacifique. Leur intervention dans la guerre avait coûtait cher, même si elle avait placé les Etat-Unis au premier rang de la diplomatie mondiale. La course au réarmement naval coûtait cher et l'opinion publique américaine n'en voulait pas. Les Américains parvinrent à leurs buts à la conférence de Washington : fin de l'alliance anglo-nippone et limitation des forces navales, au moins provisoirement car l'on sait ce qu'il advint dans les années 1930.

La France : La délégation française à Washington était conduite par Aristide Briand qui était redevenu président du Conseil. Il s'attacha à démontrer aux autres délégations :

*comment les 7 millions de soldats allemands démobilisés étaient repris en main par des associations, théoriquement d'anciens combattants mais qui étaient de fait des organisations para-militaires et comment ils continuaient de s'entraîner .

*que la République de Weimar était trop faible pour constituer une garantie pour les autres nations

*que l'industrie allemande compte-tenu de son importance et de son efficacité pouvait en peu de temps réarmer l'Allemagne.

Quelle clairvoyance, quelle lucidité ! Les Américains qui soutenaient d'abord le point de vue anglais se rallièrent à Briand et la France put conserver tout son potentiel militaire, mais Briand décéda en mars 1932 et l'on sait ce que firent ceux qui suivirent !

Les manœuvres de Clemenceau avaient écarté Briand des responsabilités politiques au moment de la déclaration de la guerre de 14 puis au moment des négociations des traités d'après guerre. La mort l'empêcha d'être présent lorsque les nazis arrivèrent au pouvoir. Quel drame pour la France et les Français !

J.D. 31 mai 2014

La récapitulation thématique des notes de ce blog se trouve sur la fiche N°76 http://jean.delisle.over-blog.com/article-blog-liste-des-articles-111165313.html

les délégués français à Washington (Briand est le troisième en partant de la gauche)

les délégués français à Washington (Briand est le troisième en partant de la gauche)

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16 mars 2014 7 16 /03 /mars /2014 19:02

Du 5 au 7 janvier 1917, une conférence entre les Alliés se tint à Rome.

Voici les principaux participants à cette réunion :

*Pour la Russie : le général Palizine

*Pour l'Italie : Sidney Sonnino ministre des Affaires étrangères, le général Luigi Cadorna chef d'Etat-Major italien

*Pour la Grande-Bretagne : Lloyd George premier ministre, William Robertson chef d'Etat-Major britannique, le général Milne, Sir Francis Eliott ministre de Grande-Bretagne à Athènes et Maurice Hankey secrétaire du Cabinet de guerre ;

*Pour la France : Aristide Briand président du Conseil, le général Lyautey alors ministre de la guerre, le général Sarrail alors commandant du front d'Orient, Albert Thomas ministre de l'armement, Philippe Berthelot représentant le ministère des Affaires étrangères et Camille Barrère ambassadeur de France à Rome.

L'objet premier de cette conférence était d'harmoniser les positions des Alliés sur le comportement à adopter vis-à-vis de la Grèce, puis se greffa une réponse commune à apporter à Woodrow Wilson président des Etats-Unis

La Grèce :

La situation en Grèce était à ce moment là particulièrement confuse. Voir la fiche N°162 intitulée « Les Roumaines », http://jean.delisle.over-blog.com/2014/02/les-roumaines-n-162.html

A Athènes, le roi régnait encore et avait Spyridon Lambros comme premier ministre tandis qu'à Thessalonique, Eleuthère Venizelos l'ex premier ministre du roi, avait formé un nouveau gouvernement contre celui du roi et ce sous la protection des forces alliées, d'abord Français et Anglais renforcés de Russes et d'Italiens.

Fin novembre 1916, les partisans du roi (Constantin 1er, appelé aussi quelquefois Constantin XII par ceux qui le voient comme continuateur de l'Empire romain d'Orient ou Empire byzantin) menaçèrent les délégations de l'entente à Athènes. Des unités de marins Français et Anglais débarquèrent. Ils furent attaqués par la population grecque le 1er décembre 1916 ce qui est souvent connu sous le nom de « vêpres grecques » par analogie avec les « vêpres siciliennes » (massacre de Français en Sicile les 30 et 31 mars 1282 aux cris de : « Morta Alla Francia, Italia Aviva » d'où serait dérivé le mot MAFIA) . Il y eut à Athènes, 69 morts et 160 blessés parmi les marins français, tandis que les Anglais perdaient une quarantaine de marins. L'amiral français Dartige demanda à la marine de tirer sur Athènes. Quatorze obus furent tirés ce qui mit fin au combat mais des partisans de Venizelos à Athènes furent massacrés par les partisans du roi.

Voilà ce que décida sur ce sujet la conférence de Rome comme le rapporte Georges Suarez dans « Briand » tome IV édité en avril 1940, chapitre III :

« Restaient à régler, en ce qui concerne la Grèce, les garanties politiques et militaires à imposer au roi pour assurer la sécurité de l'armée d'Orient. En outre, devait être fixé un programme de réparations et de cérémonies expiatoires pour l'offense faite aux alliés le 1er décembre 1916. Au point de vue militaire, on décida l'envoi de deux divisions françaises de renfort qui traverseraient l'Italie et s'embarqueraient à Tarente pour gagner au plus tôt la Grèce. Au point de vue politique, toutes les mesures formulées dans l'ultimatum du 31 décembre devaient être exécutées dans le plus bref délai. Les troupes constantiniennes devaient être désarmées et maintenues dans le Péloponèse. Les vénizelistes arrêtés devaient être relâchés et dédommagés. Les excuses officielles du gouvernement grec pour les événements du Zappeion devaient être formulées au cours d'une prise d'armes : les troupes de la garnison d'Athènes conduites par leur chef, défileraient devant les détachements alliés et inclineraient leurs drapeaux devant ceux de l'Entente. Quarante-huit heures étaient accordées au roi pour accepter ces conditions. »

Le roi accepta l'ultimatum (livraison de batteries de canons aux forces alliées) le 9 janvier, la cérémonie expiatoire eut lieu le 29 janvier. Les soldats grecs conduits par le prince André défilèrent sur la place du Zappeion et inclinèrent leurs drapeaux devant les drapeaux alliés.

Finalement suite à un nouvel ultimatum des Alliés le 11 juin 1917, le roi Constantin abdiqua, Venizelos redevint premier ministre de tous les Grecs et la Grèce entra en guerre aux côtés des Alliés le 2 juillet 1917.

Woodrow Wilson :

Il fut réélu président des Etats-Unis le 7 novembre 1916. Les nécessités de la campagne électorale américaine lui avaient fait mettre de côté ses démarches diplomatiques pour une médiation en Europe.

Les Allemands l'avaient finalement devancé. Le 12 décembre 1916 le chancelier allemand Bethmann-Hollweg avait, du haut de la tribune du Reichstag, lancé un appel à la paix.

L'empereur d'Autriche François-Joseph 1er était décédé le 21 novembre 1916 après quasiment 68 ans de règne et son successeur (Charles) manifestait, dès le 22 novembre, des sentiments plus pacifistes qui firent craindre aux Allemands que les Autrichiens négocient une paix séparée.

Le 5 novembre 1916, l'empire allemand et l'empire d'Autriche avaient reconstitué un Etat polonais avec monarchie héréditaire et constitutionnelle. Guillaume II avait espéré que cela inciterait de nombreux Polonais à s'engager dans l'armée allemande, mais ce ne fut pas le cas.

Les Allemands avaient peut-être aussi commencé à comprendre qu'avec leurs immenses empires coloniaux, Français et Anglais tiendraient plus longtemps qu'eux.

L'appel du chancelier allemand avait été transmis aux Alliés. Lors d'une réunion tenue à Londres le 26 décembre 1916, ceux-ci répondirent négativement à la proposition allemande. Au point où en étaient les choses, ils ne concevaient plus la fin de la guerre autrement que par une victoire. Le nouvel empereur d'Autriche fit lui aussi des avancées vers la France et l'Angleterre mais reçut la même réponse que les Allemands.

Une autre attitude des Alliés, en cette fin d'année 1916, aurait-elle modifié les événements des années 1930/1940 ? Qui peut répondre ? Mais il n'est pas interdit de se poser la question.

C'est le 20 décembre 1916 que le Président Wilson lança à tous les belligérants son appel à la paix. Les Allemands répondirent les premiers et voici la réponse élaborée à Rome par les Alliés et qui fut transmise le 10 janvier 1917 aux Etats-Unis et telle qu'elle est rapportée par Suarez (livre cité, même tome, même chapitre) ; cette réponse détaille les conditions exigées par les Alliés pour aboutir à la paix :

«1°) Restauration de la Belgique, de la Serbie et du Monténégro avec les dédommagements qui leur sont dus ; évacuation des territoires français, russes et roumains occupés par les puissances centrales avec de justes réparations.

2°) Respect du droit des nationalités, comportant la restitution des provinces ou des territoires autrefois arrachés aux Alliés par la force ou contre le vœu des populations ; Alsace-Lorraine, etc... ; libération des Italiens, des Slaves, des Roumains, des Tchécoslovaques de la domination étrangère, affranchissement des populations soumises à la sanglante tyrannie des Turcs ; rejet de l'empire ottoman en Asie ;

3°) Réorganisation de l'Europe, c'est-à-dire établissement d'un régime qui assurerait aux petits Etats comme aux grands la peine sécurité et la liberté de développement économique et qui permettrait, par des conventions appropriées de garantir les frontières terrestres et maritimes contre les attaques injustifiées ».

Une telle réponse n'était pas faite pour ouvrir des négociations. Elle est cependant intéressante à méditer sur bien des points. Elle est le reflet du sentiment des participants à la conférence de Rome en janvier 1917 et compte-tenu qu'il leur fallut concilier leurs différents points de vue.

Le 30 janvier 1917, le gouvernement allemand notifiait officiellement aux Etats-Unis la reprise de la guerre sous-marine à outrance. On connaît la suite.

J.D. 16 mars 2014

La récapitulation thématique des notes de ce blog se trouve sur la fiche N°76 intitulée : « blog, liste des articles » références : http://jean.delisle.over-blog.com/article-blog-liste-des-articles-111165313.html

Les Peaux-Rouges dans la première guerre mondiale, photos "Le Miroir" du 26 août 1917;

Les Peaux-Rouges dans la première guerre mondiale, photos "Le Miroir" du 26 août 1917;

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28 janvier 2014 2 28 /01 /janvier /2014 15:37

Le 21 novembre 1914, au cours d'un dîner le général français Joseph Gallieni, alors gouverneur militaire de Paris, « exprimait son admiration pour l'Allemagne qui, disait-il, nous apprenait la guerre ». Rapporté par Suarez dans « Briand » livre 3 publié en mars 1939, chapitre II.

Il est vrai que lors du début de la guerre de 14, seul l'Empire allemand était prêt pour la guerre. Le plan de guerre allemand était parfait.... sur le papier, mais rien ne se déroula comme les Allemands l'avaient prévu.

Au XIXe siècle les Prussiens avaient vaincu le Danemark au terme d'une guerre-éclair en 1864, puis l'Autriche en 1866 et enfin la France en 1870. Les armées françaises de Napoléon III avaient été vaincues en 3 semaines. Le 2 septembre 1870, à Sedan, Napoléon III avait dû se constituer prisonnier et avait été emmené en Allemagne. Forts de ces souvenirs, le plan allemand prévoyait une guerre-éclair contre la France puis la mobilisation de toutes leurs forces ensuite contre la Russie.
A ce moment là, il faut reconnaître que l'armée allemande était beaucoup plus forte, beaucoup mieux armée et mieux commandée que l'armée fr
ançaise.

*Les Allemands passèrent par la Belgique pour envahir la France. Les Belges firent une résistance héroïque que l'état-major allemand n'avait pas prévu : première erreur ! Entrés en Belgique le 3 août 1914, les Allemands grâce à la résistance belge ne purent pénétrer en France que le 18 août. Ces 2 semaines de répit furent mises à profit pour mobiliser malgré la mésentente qu'il y avait en France entre les généraux autant qu'entre les responsables politiques. En France on n'insiste pas assez sur l'importance du sacrifice des Belges et sur l'influence qu'il eut sur la suite des événements.

*Une conférence internationale s'était tenue à Londres en novembre 1830. Le 4 novembre, cette conférence avait reconnu l'indépendance de la Belgique et garanti sa neutralité. La Grande-Bretagne faisait partie des puissances garantes de la neutralité belge. Les Allemands envahirent la Belgique le 3 août 1914 pour atteindre la France. Dès le 4, et eu égard à la violation de la neutralité belge, la Grande Bretagne déclarait la guerre à l'empire allemand et débarquait des troupes si bien que lors de leur entrée en France le 18 août les Allemands eurent à faire à 2 armées qui se renforcèrent au fur et à mesure des recrutements dans leurs empires coloniaux. Les Allemands n'avaient pas prévu une intervention si rapide des Anglais : seconde erreur, ajoutée au temps perdu en Belgique, leur guerre-éclair eut du plomb dans l'aile dès le départ.

*Les Allemands auraient dû méditer les leçons de l'Histoire. Le 13 janvier 1793, devant la Convention, Danton avait affirmé la nécessité pour la France d'avoir ses frontières naturelles, à savoir, le Rhin au nord et les Alpes à l'est. En conséquence de quoi, les armées révolutionnaires avaient envahi la Belgique. Les Autrichiens l'avaient reprise mais après la bataille de Fleurus (le 26 juin 1794), la France avait annexé ces territoires par décret de la Convention du 1er octobre 1795 et avait créé 9 départements rattachés à la République puis à l'Empire. Voici à titre documentaire ces départements avec entre parenthèses le nom de leur chef-lieu :

département de la Lys (Bruges), de l'Escaut (Gand), des Deux-Nèthes (Anvers), de la Dyle (Bruxelles), de la Meuse inférieure (Maestricht), de l'Ourte (Liège), de Jemmapes (Mons), de Sambre-et-Meuse (Namur) et des Forêts (Luxembourg).
Finalement l'Autriche avait officiellement cédé ces territoires à la France par le traité de Campo-Formio le 18 octobre 1797 et ils furent français un peu plus de 18 années. *Mais pour l'Angleterre c'était inacceptable, surtout la possession du port d'Anvers qu'elle considérait comme contraire à ses intérêts vitaux. Et l'Angleterre fut l'âme des 7 coalitions qui de liguèrent contre la France de 1792 à 1815. De même, un siècle plus tard, l'Angleterre ne pouvait admettre l'annexion de la Belgique par les Al
lemands.

L'Allemagne avait constitué une triple entente avec l'Empire d'Autriche-Hongrie et l'Empire Ottoman, appelés les « Empires centraux » (voir sur mon blog la fiche N°55 « La fin des 4 empires »http://jean.delisle.over-blog.com/article-la-fin-des-4-empires-97643758.html). L'Italie avait rejoint cette alliance en 1882. Mais contrairement à l'attente allemande n'entra pas en guerre en 1914 : troisième erreur. L'Italie négocia secrètement avec la France et la Grande-Bretagne des promesses d'extensions territoriales (principalement Trente, Trieste, l'Istrie et une partie de la Dalmatie) et signa un accord le 26 avril 1915 appelé « pacte de Londres ». A la suite, l'Italie déclara la guerre à l'Autriche et à l'Empire Ottoman. Les empires centraux durent ainsi combattre sur tous les fronts : la Russie sur le front oriental, l'Italie, la Serbie et la Roumanie au sud, la France, l'Angleterre et leurs alliés (Canada, Australie, Portugal...) sur le front occidental, sans compter le Japon dans le Pacifique. L'entrée en guerre des Etats-Unis en avril 1917 acheva de renverser le rapport de force. L'Allemagne fut vaincue mais quel gâchis !

J.D. 28 janvier 2014

P.S. La récapitulation thématique des notes de ce blog se trouve sur la fiche N°76 intitulée : « blog, liste des articles » http://jean.delisle.over-blog.com/article-blog-liste-des-articles-111165313.html

les Allemands vaincus évacuent Bruxelles et retour des souverains dans leur capitale, photos "Le Miroir" du 8 décembre 1918les Allemands vaincus évacuent Bruxelles et retour des souverains dans leur capitale, photos "Le Miroir" du 8 décembre 1918

les Allemands vaincus évacuent Bruxelles et retour des souverains dans leur capitale, photos "Le Miroir" du 8 décembre 1918

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27 janvier 2014 1 27 /01 /janvier /2014 14:22

Rue du Cirque, quel beau nom comme symbole de la situation actuelle de la France !

Ce n'est pas de la faute à Voltaire, ce n'est pas de la faute à Rousseau.....

C'est de la faute à.... Nafissatou Diallo !

D'après les images qui ont circulé dans les infos télé, elle est moche comme un pou ! Ce n'est bien sûr pas de sa faute, mais c'est un constat. Si DSK avait « sauté » sur une Brigitte Bardot, une Marilyn Monroe ou une Sophia Loren quand elles étaient jeunes, on aurait pu lui trouver des excuses , mais compromettre ses chances élyséennes et une bonne gestion de la France pour une mocheté, quelle connerie !

Pendant ce temps là, la France s'enfonce. Voici 2 chiffres qui résument beaucoup de choses : Déficit commercial de la balance des paiements pour la France en 2011 (derniers chiffres disponibles pour cette statistique) : 69,6 milliards d'euros ; excédent commercial allemand sur la même période : 158,1 milliards d'euros !

A propos du « pacte de compétitivité » j'ai entendu Montebourg dire qu'il fallait que les entreprises s'engagent à créer 2 millions d'emplois en échange de la baisse des charges. Pauvre Montebourg, il est vraiment à côté de ses pompes. Les entreprises ne peuvent embaucher que si leur carnet de commandes se remplit et pour cela il faut qu'elles redeviennent compétitives ce qui est le cas dans de rares secteurs , mais ne l'est pas dans beaucoup d'autres. Et on n'en prend pas le chemin. Le matraquage fiscal de 2014, que beaucoup de contribuables ne vont comprendre qu'à l'automne, va forcément avoir un impact sur la consommation et par conséquent sur l'économie.

Il y avait hier (26 janvier 2014) une manif à Paris intitulée « jour de colère » qui a réuni selon la police 17.000 manifestants très hétéroclites, mais avec comme thème principal : « Hollande dégage ». Il y avait même une grande banderole : « La Savoie contre l'équitaxe » (entre parenthèses, pour eux qui ne le savent pas, la TVA sur les activités équestres est passée à 20% en France métropolitaine mais est à 2,1% en Corse et dans les départements d'outre-mer soit presque 10 fois moins).

Cette manif n'avait été lancée par aucun parti ni aucun syndicat. Cela me paraît un phénomène important. Depuis 2 ans, toutes les grandes manifs : la manif pour tous (contre le mariage homo), les bonnets rouges bretons, les cavaliers contre l'équitaxe, les pigeons etc se forment spontanément sans la caution des partis et syndicats. Cela veut dire que les rouages traditionnels ne jouent plus leur rôle, n'animent plus, n'encadrent plus, ne représentent plus ni l'opinion ni ses mécontentements. Au XIXe siècle le journal la Lanterne titrait : « La France compte x millions de sujets sans compter les sujets de mécontentements » !

Voilà un slogan qui est encore d'actualité. Les « jours de colère » ont de l'avenir !

En ce moment sur internet circulent toutes les caricatures publiées par la presse étrangère représentant Hollande, son casque son scooter (italien) et sa Julie, des séries de photos de la Julie complètement à poil, l'article 68 de la Constitution sur les conditions de destitution d'un Président de la République, des pétitions demandant cette destitution etc.

Avant les élections (municipales et européennes), Hollande s'est rendu au Vatican, espérant peut-être amadouer l'électorat catholique. Voici un extrait du compte-rendu de ce voyage paru dans le journal en ligne du Point de ce jour (27 janvier 2014) sous la plume de Gabriel Matzneff :

« Le saint-père est une figure vénérable devant laquelle un homme sensible, croyant ou athée, éprouve une émotion, un respect déférent. Aussi, la façon mesquine, nulle, dont notre pingouin l'a abordé, le visage fermé, sans la moindre inclination de la tête, lui a serré la main comme il serre celle du sous-préfet quand il se rend en Corrèze, était en vérité misérable. Je ne suis pas catholique, mais je suis français et en cet instant, dans la mesure où le président de la République me représentait, j'ai eu honte.

Cependant, le pire était à venir. Dans la bibliothèque où le pape François et le président de la République française ont eu leur entretien, les caméras de la Rai Uno étaient placées sur le côté. C'est donc de profil que j'ai vu le souverain pontife et François Hollande prendre place de l'un et l'autre côté d'un bureau. Eh bien (je vous jure sur le sang du Christ que j'ai vu, de mes yeux vu), le pitoyable Hollande n'a pas attendu que le saint père fût assis pour s'asseoir à son tour ; il s'est assis avant le pape !

Une semblable muflerie, une telle méconnaissance des usages, un pareil mépris de la plus élémentaire civilité éclairent d'une bien cruelle lumière celui qui, à Paris, occupe la place qui naguère fut celle du général de Gaulle et de François Mitterrand. En se comportant de la sorte. Hollande n'a rien à craindre des partis d'opposition, car il est à lui-même son pire ennemi. Il a le cœur froid, ce pingouin, il n'a pas l'air d'aimer son prochain, chante Carla Bruni. Oui, c'est cela, un mufle froid. Quelle tristesse ! »

J.D. 27 janvier 2014

P.S. La récapitulation thématique des notes de ce blog se trouve sur la fiche N°76 intitulée : « blog, liste des articles »

Ajout du 31 janvier 2014 : L'hebdomadaire Le Point daté du jeudi 30 janvier 2014 consacre un article page 34 à la rue du Cirque . On y apprend que le président de la seconde République française (le futur Napoléon III) effectuait déjà des visites nocturnes rue du Cirque pour y retrouver sa maîtresse de l'époque nommée Harriet Howard. Cette Harriet, une riche anglaise, avait financé avec la comtesse belge Fanny Le Hon (maîtresse de Charles de Morny, demi-frère de Napoléon III) la coup d'état du 2 décembre 1851 qui amena le second empire.

Devenu empereur, Napoléon III abandonna Harriet Howard , il l'indemnisa des fonds qu'elle avait mis dans la préparation du coup d'état et déclara : « Je la quitte, je m'acquitte, nous sommes quittes ». Un peu facile ! Mais cela peut justifier que le récent visiteur nocturne de la rue du Cirque soit surnommé : « le troisième en pire » !

statue aux 2 visages parc de la villa Garzoni à Collodi (Toscane) et Pinocchio-menteur à Collodi, photos J.D. 29.5.2009

statue aux 2 visages parc de la villa Garzoni à Collodi (Toscane) et Pinocchio-menteur à Collodi, photos J.D. 29.5.2009

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22 janvier 2014 3 22 /01 /janvier /2014 15:07

Le 10 février 1914, Aristide Briand dîna à Paris chez Monseigneur de Lacroix, ancien évêque de Tarentaise (en Savoie), et qui était alors directeur d'Etudes à l'école des Hautes Etudes. La conversation qui eut lieu fut rapportée par Monseigneur de Lacroix dans La Revue de Paris le 1er octobre 1930 et se retrouve dans la biographie de Briand par Georges Suarez (livre 2 publié en 1938 chapitre XI). Sur un sujet particulier voici ce que raconta Briand à ses hôtes (il y avait également un autre prélat nommé Lemire) :

« Les Roumains, que l'on croyait inféodés à l'Allemagne, avaient fait, il y a quelques mois, une manifestation de sympathie devant la légation de France à Bucarest. Les sentiments francophiles du peuple roumain n'étaient pas douteux. A la suite de cette manifestation, un financier roumain vint à Paris pour négocier avec nos établissements de crédit un emprunt de deux cents millions. L'opposition du Comptoir d'escompte fit échouer les négociations.

Mécontent, le délégué roumain se rendit à Berlin et il s'adressa à la banque d'Allemagne. Celle-ci consentit à l'emprunt demandé. Mais comme les fonds lui manquaient, elle les fit venir de Paris. Et ce fut le Comptoir d'escompte qui les procura !

En somme, dans cette affaire, la banque d'Allemagne avait fait office de courtier et avait empoché le courtage. Mais, ce qui était plus grave, c'est que l'Allemagne elle-même bénéficiait, politiquement parlant, d'une opération financière faite avec de l'argent français. »

Le contexte :

Le 17 janvier 1913, Aristide Briand avait fait élire Raymond Poincaré président de la République contre un candidat mis en avant par Clemenceau (voir la note N°150http://jean.delisle.over-blog.com/2014/01/cicéron-c-est-poincaré-n-150.html).

Dès le 21 janvier 1913, Briand devenait le premier président du Conseil du septennat de Poincaré. Mais Clemenceau qui n'avait pas digéré sa défaite s'employa à faire chuter le gouvernement Briand. Celui-ci fut mis en minorité à la Chambre (des députés) le 18 mars 1913, c'est-à-dire qu'il avait fallu moins de 2 mois à Clemenceau pour avoir la peau de Briand. Aristide se retira (provisoirement) de la vie politique avec sa compagne Berthe Cerny. Ce retrait de Briand à un moment crucial de l'histoire de France fut dramatique. A quoi tient souvent l'Histoire ?

Cet épisode est à replacer de façon plus large dans les mœurs politique de la troisième République qui fut celle des partis et par conséquent des guerres partisanes auxquelles s'ajoutèrent les ambitions personnelles ce qui entraînait une instabilité politique permanente. Ainsi, par exemple, durant le septennat d'Armand Fallières (1906/1913) il y eut 8 présidents du Conseil et par conséquent 8 gouvernements successifs et durant le septennat de Poincaré (1913/1920) il y eut 10 présidents du Conseil.

Aristide Briand fut pacifiste toute sa vie, mais réaliste, et devant l'énorme effort de guerre allemand il initia la « loi de 3 ans » (de service militaire) et le renforcement des crédits de la défense nationale, contre l'avis à l'époque d'une majorité de l'opinion publique et contre une grande partie de la gauche menée par le parti socialiste et Jean Jaurès. La position des pacifistes de l'époque partait d'un bon sentiment mais était totalement irréaliste dans le contexte. Sur ce sujet on peut lire « Les cloches de Bâle » de Louis Aragon qui rend compte du congrès international socialiste contre la guerre qui se tint fin novembre 1912, ou voir sur mon blog la fiche N° 8http://jean.delisle.over-blog.com/article-clara-zetkin-58616039.html.

Sur les forces militaires en présence la veille de la guerre de 14, voici ce qu'écrit Georges Suarez dans sa biographie de Briand, livre 2 publié en 1938, chapitre 10 :

« Au lendemain de la ratification par les Chambres françaises des accords du 4 novembre 1911, Caillaux s'était flatté d'avoir donné une paix durable au pays en échange de quelques sacrifices minimes. L'Allemagne n'attendit pas longtemps pour lui infliger un démenti ; au mois de mai 1912, elle augmentait ses effectifs (militaires) de 37.000 hommes. En octobre 1912, elle devançait l'exécution sur les délais prévus de la loi militaire de 1911 et en janvier 1913, elle ordonnait l'application de la loi de 1912 qui n'aurait dû entrer entièrement en vigueur qu'en 1917. Un projet de crédit extraordinaire de un milliard de marks, destiné à augmenter les effectifs et le matériel de l'armée allemande, était prévu pour assurer à celle-ci la supériorité sur l'armée française. D'autre part, la conquête militaire du Maroc à laquelle nous avait contraints la politique de Caillaux et la reconnaissance du protectorat français, continuaient d'enlever de gros effectifs à l'armée métropolitaine. En résumé l'armée allemande aurait bientôt à opposer 900.000 hommes aux 400.000 de l'armée française. Au cours de la séance du 17 février 1913, Henry Chéron donna à la Chambre (des députés) les chiffres comparatifs suivants sur les budgets de guerre français et allemand.

En 1902, le budget de la guerre allemand dépasse le nôtre de 121 millions (de francs) ; en 1906 de 306 millions ; en 1913 de 327 millions, et pour 1914, la différence sera d'après les prévisions de 515 millions. En 1913, le budget de la marine allemand dépasse le nôtre de 57 millions... Dans une autre partie de son exposé, Henry Chéron ajoutait que pour le perfectionnement de ses armements l'Allemagne avait dépensé pendant le même laps de temps un milliard vingt-deux millions de plus que nous.

Briand s'était ému de ces préparatifs et, après en avoir délibéré avec Poincaré et Etienne, le ministre de la Guerre, avait provoqué au ministère de l'Intérieur des conférences auxquelles participaient le généralissime et les représentants des commissions parlementaires de l'armée. Les premiers bruits qui filtrèrent sur ces réunions provoquèrent chez les socialistes une tempête de protestations. Le 27 février (1913), un communiqué publié à l'issue d'un conseil de cabinet laissait entendre qu'aucune décision n'avait encore été prise sur la réorganisation du service militaire.

La vérité est que Briand se rendait parfaitement compte des obstacles auxquels il allait se heurter pour faire admettre par la Chambre une mesure aussi impopulaire (il s'agit de la loi portant à 3 années la durée du service militaire). Avant d'en venir aux grands moyens, il examinait avec le Conseil supérieur de la guerre si par des solutions intermédiaires il n'était pas possible d'obtenir un renforcement de notre force armée. Lui-même dira plus tard que tout ce qui fut envisagé au cours de ces scrupuleux examens de la situation ne pouvait être que précaire ou insuffisant.

Quelques jours avant le projet de loi sur les trois ans, une réunion du Conseil supérieur de la guerre se tint à l'Elysée. Castelnau, qui était le général le plus marquant de cette cohorte de chefs, adressa à Briand cette remarque : Vous donnez des hommes. C'est bien. Et maintenant donnez-nous du matériel.

Que voulez-vous dire ?

Nous n'avons pas d'artillerie lourde.

L'état-major ne m'a jamais parlé de cela , fit Briand.

Galiéni, qui assistait à la réunion, appuya Castelnau. Nous n'avons pas ce qu'il faut à une armée moderne pour faire campagne.

Castelnau, chargé par Briand d'établir un projet de crédits pour la fabrication d'armements et d'équipements, proposa une dépense de 70 millions pour la réforme de l'outillage et une autre de 500 millions pour l'augmentation de l'artillerie lourde, des munitions et l'amélioration de l'aéronautique ….

Le 3 mars (1913), Etienne lisait au Conseil des ministres une proposition de rétablissement de la loi de trois ans. Le lendemain 4 mars, le Conseil supérieur de la guerre, réuni à l'Elysée, approuvait le projet qui fut déposé, le surlendemain sur le bureau de la Chambre. Etienne lut l'exposé des motifs au milieu des vociférations des socialistes. Jaurès dirigeait l'obstruction avec une énergie vocale que sa haine contre Briand fortifiait encore. Colly pimentait le chahut de quelques insultes sans lesquelles il était privé d'inspiration.

C'est une folie, criait Lauche.

Une guerre est impossible, lançait un autre, les ouvriers allemands ne le permettront jamais !

Ce que vous faites est criminel, hurlait Jaurès. Vous aurez la révolution dans toutes les casernes de France.

Cet appel, conscient ou inconscient, à l'indiscipline, devait être entendu quelques semaines plus tard par de nombreux soldats. La date de la discussion fut fixée à la rentrée des vacances de Pâques et aussitôt, une campagne de violences inouïes et d'excitations à la rébellion commença dans les feuilles socialistes.... »

Jusqu'à la fin de l'année, il va probablement y avoir de nombreuses manifestations en rappel des événements de 1914 et il m'a paru intéressant de reprendre les faits ci-dessus ; chacun étant libre d'en juger ce qui lui convient. Il me semble qu'au début de la guerre de 14, l'armée allemande était beaucoup plus forte que l'armée française et même que les armées française et anglaise réunies malgré l'importance de nos empires coloniaux. Mais le kaiser Guillaume II eut les yeux plus gros que la panse, l'armée allemande dut combattre l'armée russe sur son front oriental et les armées française, anglaise et leurs alliés sur son front occidental et l'Allemagne fut vaincue. L'Allemagne n'avait pas été envahie et la France vainqueur eut à subir beaucoup plus de dégâts que l'Allemagne vaincue.

Chacun sait aujourd'hui que les conditions imposées à l'Allemagne par les traités d'après-guerre firent le lit du troisième Reich et de ses conséquences. En 1919, Henri Barbusse écrivait (correspondances d'Henri Barbusse) : « Dans vingt ans il y aura une nouvelle guerre qui finira de ruiner le vieux monde en hommes et en argent ». Visionnaire !

Au début du vingtième siècle , l'Europe dominait le monde et un siècle plus tard, la roue a tourné. Il me semble que c'est l'Europe toute entière qui a perdu les 2 guerres mondiales.

J.D. 22 janvier 2014

P.S. La récapitulation thématique des notes de ce blog se trouve sur la fiche N° 76http://jean.delisle.over-blog.com/article-blog-liste-des-articles-111165313.html

cartes postales de guerre, 1-la mobilisation en 1914, 2-humour anti-prussien, 3-la cathédrale de Reims bombardée

cartes postales de guerre, 1-la mobilisation en 1914, 2-humour anti-prussien, 3-la cathédrale de Reims bombardée

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