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29 juin 2014 7 29 /06 /juin /2014 08:49

Le 26 mars 1925, Jean Herbette, ambassadeur de France à Moscou, adressait à Aristide Briand un rapport confidentiel sur la situation de la Russie 7 années après la révolution qui mit fin au règne des tsars.

Témoignage rare sur la situation de la Russie et des Russes à cette époque, texte pertinent, sans concession, prémonitoire.

Ce rapport fut retrouvé par Georges Suarez dans les archives de Briand et publié en 1952 dans le tome VI de « Briand », chapitre I. Voici ce rapport :

« Les journaux m'ont permis de suivre, mais de bien loin, la tâche singulièrement difficile que vous avez accomplie à Genève (à la Société des Nations). J'aurais quelque chose à vous raconter dans un instant, comme au représentant de la France dans le Conseil de la Société des Nations. Mais auparavant, il faut que je vous dise un peu ce que j'observe ici. Sans quoi, ma lettre ne serait pas seulement confidentielle : elle serait aussi inintelligible, ce qui paraîtrait assurément exagéré.

Pour avoir vécu deux mois et demi à Moscou, je n'ai pas la prétention de connaître à fond la Russie nouvelle. Mais il me semble apercevoir ceci :

Les pays qui formaient l'ancienne Russie et que Moscou gouverne actuellement ressemblent à une immense forêt sur laquelle un terrible orage aurait passé. Les arbres découronnés, couronne n'étant pas toujours synonyme de tête. Des branches vivantes ont été cassées comme le bois mort. Tous les troncs frêles ou pourris ont été brisés. De loin, pendant des années, cette forêt dévastée a produit l'effet d'un cimetière.

Mais vous rappelez-vous, monsieur le Président, nos petits cimetières de campagne au printemps le long de la Loire ? La nature y reprend son éternelle jeunesse, et la vie triomphe de la mort. La forêt russe reprend de même. Partout des pousses nouvelles crèvent l'écorce des générations décapitées. Les rues de Moscou grouillent d'enfants. Je les regarde jouer dans la neige , ou bien au bord des ruisseaux que la glace laisse couler maintenant en fondant sous le ciel bleu. Ils sont vigoureux. Ils parlent fort. Le dimanche, on les fait défiler par troupes, en chantant, derrière des drapeaux rouges qui sont ici le symbole du gouvernement et non plus de l'émeute, le symbole de l'ordre et de la discipline rigoureuse et exubérante à la fois. Ces enfants-là n'ont jamais connu le tsar. Ils se voient gouvernés par des hommes de vingt-cinq ou de trente ans, qui étaient des gamins eux-mêmes quand la guerre a éclaté en 1914. Un peuple nouveau et dru commence à lever, comme les blés en avril – des blés pleins de coquelicots.

Ce peuple, il lui faudra sa place au soleil. On parle d'impérialisme bolcheviste ? Quelle absurdité ! Nous sommes devant une poussée irrésistible de la nature, et c'est sous un gouvernement internationaliste que cette poussée a encore le plus de chances de se frayer pacifiquement son chemin.

C'est facile à comprendre. Vous qui avez étudié ces questions sociales bien avant moi et bien plus profondément que moi, monsieur le Président, vous le devinez avant que j'aie le temps de l'écrire : le régime actuel de la Russie n'est point - ses chefs eux-mêmes le disent à qui veut l'entendre – la réalisation du communisme ; il n'est point la formule définitive que ses promoteurs rêveraient d'étendre à toute la terre ; il est, eux-mêmes le proclament, une forme de transition qui, comportant le capitalisme d’État et non pas la suppression du capital, la lutte contre les difficultés primitives et non pas le perfectionnement illimité de la production, le renforcement de l'autorité publique et non pas son évanouissement dans le bien-être général, ne constitue encore, aux yeux mêmes de ceux qui dirigent l'expérience, qu'une laborieuse étape vers un idéal lointain.

Alors, tout naturellement, les dirigeants de ce régime ont dû se partager les besognes. Certains d'entre eux continuèrent à ne préparer que la Révolution universelle. Ils prêchent aux autres nations la doctrine de la troisième Internationale. Mais leurs camarades, pendant ce temps, ont à administrer un pays de quelque 120 millions d'âmes. Administrer, au nom de quelque idéal qu'on s'y emploie, c'est un travail qui exige toujours une adaptation aux réalités. Administrer une région déterminée du globe, sous quelque drapeau que ce soit, c'est une opération qui est toujours conditionnée par les mêmes nécessités géographiques, climatiques, économiques et militaires. Ainsi se fait immanquablement la différenciation des fonctions amenant la différenciation des organes -une distinction entre la troisième Internationale et le gouvernement soviétique. Le gouvernement ne peut pas se lancer dans des aventures folles pour faire du prosélytisme à l'étranger. L'Internationale elle-même n'y aurait pas intérêt. Mais le gouvernement lui-même, attelé qu'il est à la formidable tâche de reconstituer cet immense pays, se souvient volontiers que sa doctrine politique est internationale, parce qu'une doctrine internationale permet de résoudre des problèmes intérieurs (autonomie des minorités allogènes) et d'ajourner des problèmes extérieurs (revendications territoriales contre des États voisins). Si bien que le régime bolcheviste, loin de surexciter un impérialisme forcené, est probablement le seul régime russe qui puisse, à l'heure actuelle, être assez fort pour éviter la guerre civile et en même temps assez patient pour éviter la guerre européenne.

Pour changer de régime, il faudrait passer par une nouvelle période de crises, avec massacres et dévastations. Le pays n'en veut pas. La forêt qui repousse ne veut pas être saccagée une fois de plus. Je ne dis pas que les arbres, entre eux, ne gémissent pas sur la dureté des temps. Les impôts sont lourds. Les marchandises sont chères. La dernière récolte n'a pas été abondante. On craint que la prochaine ne soit encore plus médiocre. Les grandes entreprises d’État sont onéreuses. On manque d'outillage, de crédit, de fonds de roulement. Mais qu'est-ce tout cela auprès de ce qu'on a traversé victorieusement ? Et après quelle révolution les chances des contre-révolutionnaires, si grandes qu'elles aient été, n'ont-elles pas été trop petites pour compenser leurs maladresses ?

Mais admettez, monsieur le Président, que l'on regarde le régime actuel comme un simple accident passager. Admettez qu'on croie déjà discerner – cela se voit apparemment mieux de loin que de près – la forme du régime qui lui succédera. En quoi ce changement supprimerait-il le problème essentiel : le problème qui consiste à savoir comment ce peuple, qui renaît en masse, qui occupe un territoire quasiment inaccessible, qui longe toute la hauteur du continent européen, qui borde toute l'Asie en fermentation, qui dispose de ressources inexploitées et indéfinies – comment ce peuple gigantesque se refera une place parmi les principaux États du monde ?

Est-ce avec nous, pacifiquement, qu'il reprendra son rang ? Est-ce contre nous, par la force, qu'il essaiera de bousculer les frontières de l'Europe orientale, ouvrant la brèche par où passerait la revanche des nationalistes allemands ? Voilà la question dont dépendent peut-être la paix de toute l'Europe et tout l'avenir de notre pays, qu'une nouvelle saignée épuiserait.

On dit : l'alliance russo-allemande est faite, ou bien elle est inévitable. Qu'elle soit faite, je n'ai pas le droit de le croire ; le contraire m'a été affirmé dans des conditions telles que je ne vois pas pourquoi l'on aurait voulu me tromper ; et d'ailleurs je ne vois pas non plus l'avantage que la Russie trouverait à se lier d'avance. Que l'alliance russo-allemande soit inévitable, je le crois encore moins. Quand un pacte a pour résultat que des millions d'hommes devront se faire trouer la peau, il y a toujours quelque moyen d'empêcher qu'il ne se noue ou bien qu'il s'exécute.

Seulement, pour que la Russie et l'Allemagne ne s'unissent pas dans une combinaison explosive, encore faut-il que les Russes guérissent de la fièvre obsidionale où dix ans de guerre, de révolution, de blocus militaire, social ou économique les ont plongés. Or, on les entretient dans cette fièvre obsidionale, si l'on agite continuellement devant eux je ne sais quels projets de coalition entre États limitrophes. Une propagande perfide exploite ici tous ces projets. On répète aux Russes que l'Angleterre désapprouve l'union des États baltiques, qu'elle se désintéresse de la Pologne, qu'elle ne s'occupe pas de la Roumanie, et que la France, au contraire, travaille perpétuellement à encercler le pays des Soviets. Cette muraille d'encerclement n'effraye d'ailleurs pas les Russes, surtout quand on leur affirme qu'aucun Anglais n'est derrière. Ils ne pensent alors qu'à s'unir aux Allemands pour la renverser.

J'arrive ainsi à ce que je voulais vous raconter, monsieur le Président. Le gouvernement soviétique, tout en refusant d'adhérer à la Société des Nations, s'intéresse cependant à ce qui se fait à Genève. Si on l'y invitait, il enverrait volontiers un observateur à la session de septembre prochain. Il choisirait un homme important qui pourrait figurer dans la salle de l'Assemblée et même s'asseoir à la table du Conseil, tout en n'étant toujours qu'un observateur qui n'engagerait pas son gouvernement. La chose peut-elle se faire ? Je ne suis nullement en état d'en juger, comme vous le pensez bien. Je vous en parle confidentiellement, parce que je comprends, ici, bien plus facilement qu'ailleurs, la nécessité de débloquer la Russie, de créer un terrain de collaboration entre elle et nous, et de sauvegarder ainsi, non seulement l'existence de ses voisins, mais encore la paix de tout le continent et la vie d'innombrables Français. Je tâche de jouer mon modeste rôle de vigie, grimpée en haut d'un mât assez exposé au vent. Je vois un écueil. J'entrevois un cheval. Je n'ai qu'à laisser le reste aux hommes qui savent tenir le gouvernail.
Pardonnez-moi, monsieur le Président, cette interminable lettre que je vous écris la nuit, dans le silence de ma petite maison. Ayez la bonté, je vous prie, de la conserver pour vous seul et veuillez..
. ».

Commentaires :

*Sur le contexte russe :

Lorsque Jean Herbette écrit en 1925, la Russie sort de plusieurs siècles de guerres quasi continues :

-guerres contre l'empire ottoman : il y eut 11 guerres appelées « guerres russo-turques », commencées à la fin du XVIe siècle et avec pour point d'orgue la guerre de Crimée de 1853 à 1856.

-guerre contre la Suède de Charles XII de 1700 à 1718

-guerres contre Napoléon 1er au début du XIXe siècle

-guerres contre le Japon au tournant XIXe/XXe siècle

-première guerre mondiale commencée pour les Russes dès début août 1914

-révolution dite « d'octobre » 1917

-guerre civile avec les Russes « blancs »

-guerre russo-polonaise en 1920/1921

sans compter la désorganisation entraînée par la Révolution, l'exode de l'aristocratie, les méfaits de la collectivisation...

L'ambassadeur explique en termes imagés que la Russie fut saignée mais qu'elle avait encore beaucoup de vitalité et voulait reprendre son rang dans le concert des nations.
Le bruit courait déjà d'un possible rapprochement entre la Russie et l'Allemagne. L'ambassadeur ne veut pas y croire car dit-il : « quand un pacte a pour résultat que des millions d'hommes devront se faire trouer la peau... » et c'est bien ce qui arriva avec les pactes germano-soviétiques du 23 août 1939. Comme quoi si le pire n'est jamais certain, il n'est jamais exclu non plus ! Il faut dire que les Russes avaient alors le pire tsar de toute leur Histoire : Joseph Vissarianovitch Djougachvili plus connu sous son surnom de Stali
ne.

Sur tous ces événements, voir sur mon blog les notes :

N°55 http://jean.delisle.over-blog.com/article-la-fin-des-4-empires-97643758.html

N°152 http://jean.delisle.over-blog.com/2014/01/la-bataille-de-tannenberg-n-152.html

N°173http://jean.delisle.over-blog.com/2014/05/la-pologne-de-l-entre-deux-guerres-n-173.html

*Sur la troisième internationale :

En Europe, l'année 1848 avait été surnommée « l'année des Révolutions » ou « année du printemps des peuples ». Il y eut partout de la répression ou comme en France le débouché sur un second empire. Mais les idées lentement mais sûrement faisaient leur chemin et le 28 septembre 1864 naissait à Londres « l'Association internationale des travailleurs » qui fut ensuite appelée « première internationale ». Celle-ci prenait fin en 1872.

Une « seconde internationale » voyait le jour lors d'un congrès tenu à Paris en juillet 1889 sous l'impulsion de F. Engels. Cette seconde internationale prenait fin, de fait, avec la guerre de 14 et le ralliement de tous les socialistes à leur cause nationale respective.

La « troisième internationale » (en russe et en abrégé cela donne le « Komintern ») vit le jour en mars 1919 à Moscou sous la direction de Lénine. Lénine qui dicta les « 21 conditions » que devaient remplir les partis étrangers pour adhérer à cette troisième internationale. Ce qui en fit une internationale communiste et entraîna des scissions avec les socialistes dans beaucoup de partis ouvriers européens.

En octobre 1947, le Komintern se transforma en Kominform qui prit fin le 17 avril 1956 à l'époque de Nikita Khrouchtchev. (le « rapport Khouchtchev » sur Staline au XXe congrès du parti communiste de l'Union Soviétique est du 24 février 1956)

En 1938, Léon Trosky avait tenté de fonder une quatrième internationale et une reconstitution théorique de la troisième eut lieu à Sofia en novembre 1995 mais n'eut pas de suite.

L'analyse de Jean Herbette sur le principe de réalité de ceux qui sont au pouvoir est intéressante, on en connaît qui auraient du lire et méditer avant leur campagne électorale !

J.D. 29 juin 2014

P.S. La récapitulation thématique des notes de ce blog et la récapitulation des illustrations se trouvent sur la fiche N°76 http://jean.delisle.over-blog.com/article-blog-liste-des-articles-111165313.html

commando féminin de la mort russe, photos publiées dans "Le Miroir" du 12 août 1917

commando féminin de la mort russe, photos publiées dans "Le Miroir" du 12 août 1917

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3 juin 2014 2 03 /06 /juin /2014 17:41

Dans les années 1920, Anglais et Français n'eurent manifestement pas la même perception du danger que pouvait encore représenter l'Allemagne.

Il faut dire que tous les combats de la guerre avaient eu lieu sur le continent. La France avait eu 1.600.000 morts (civils et militaires), 4,2 millions de blessés et 600.000 maisons avaient été détruites dans les zones de combats.
En outre, on ne s'en rend plus compte aujourd'hui, mais il y a un siècle, les Français avaient en tête 4 invasions et 4 occupations du territoire par les Prussiens au cours des 120 années écoulées : Lors de la première abdication de Napoléon (avril 1814), après la bataille de Waterloo (juin 1815), à l'occasion de la guerre de 1870 et de 1914
à 1918.

Le danger prussien passé, l'ambiance de chaque côté de la Manche était devenu exécrable : l'anglophobie d'un côté répondant à la francophobie de l'autre. La presse anglaise alla jusqu'à qualifier la France de « nation satanique » (rapporté par Suarez dans « Briand » tome V chapitre VIII)

La conférence de Washington (voir la note N°176http://jean.delisle.over-blog.com/2014/05/la-conference-de-washington-ou-la-mesentente-cordiale-n-176.html), où la délégation anglaise avait passé son temps à œuvrer contre la France, n'avait rien arrangé.

De retour de Washington, Briand qui avait une claire conscience du danger allemand et qui souhaitait obtenir un engagement de défense réciproque entre l'Angleterre et la France, prit contact avec Lloyd George son homologue britannique.

De son côté, Lloyd George souhaitait organiser une coopération européenne pour relancer l'économie qui avait été mise à mal par les années de guerre. Les deux hommes se rencontrèrent à Londres les 18 et 21 décembre 1921, à Paris le 26 décembre et à Cannes le 4 janvier 1922, juste avant une conférence qui s'ouvrit le 6 janvier à 11 heures au cercle nautique de Cannes (qui fut démoli pour faire place au « Palais des Festivals » en 1947).

Avaient été invités et participèrent à cette conférence des représentants de la Belgique, de la France, de la Grande-Bretagne, de l'Italie et du Japon. En outre les Etats-Unis avaient envoyé un observateur.

Les rencontres entre Briand et Lloyd George firent l'objet de compte-rendus qui furent exploités par Suarez. Voici quelques extraits des propos tenus par Briand à Lloyd George :

« Son principal objet (à Aristide Briand) était d'édifier autour d'un accord franco-anglais une organisation générale tendant au maintien de la paix en Europe. Si d'autres nations avaient l'impression d'une ferme entente entre la France et la Grande-Bretagne pour le maintien de la paix et de l'ordre, la paix ne serait plus menacée de longtemps et l'Allemagne trouverait avantage à se joindre à elles. Ce seul fait barrerait la route aux forces réactionnaires en Allemagne, en rendant inébranlable l'ordre des choses qu'elles cherchent à détruire. Une pareille entente entre France et Angleterre empêcherait les Allemands de former des projets contre les peuples à leurs frontières. Une telle garantie obligerait probablement les Allemands à abandonner leurs desseins militaires par exemple, contre la Pologne et la Russie. Cela aiderait aussi la démocratie allemande à faciliter le retour de l'Allemagne dans la communauté des nations et cela tendrait d'une façon générale à la stabilisation de l'Europe pour une longue période. »

« La Russie a une armée de 800.000 hommes, avec du matériel suffisant, sinon abondant, et un réservoir de un million ou 1.200.000 hommes. Les bolcheviks se procurent du matériel un peu partout. Récemment, un chargement important a été expédié d'Allemagne. Si la Russie venait à s'allier avec l'Allemagne contre la Pologne et la Tchécoslovaquie, il pourrait en résulter un grave péril ».

« On ne peut oublier que l'Allemagne a 20 millions d'habitants de plus que la France, que la démocratie n'est encore, pour la plus grande partie des Allemands, qu'un mot vide de sens et que ce peuple discipliné, laborieux, doué d'un génie fécond d'organisation, mais chez lequel une active propagande politique et intellectuelle, notamment dans les universités et les écoles, entretient un esprit agressif et un désir ardent de revanche, peut rendre un jour inefficaces les mesures de désarmement prescrites par le traité de Versailles. »

Difficile de nier que Briand avait pressenti les événements. De son côté Lloyd George avait « annoncé son intention de demander à la Russie de s'engager à ne pas attaquer la Finlande, les Pays baltes, la Pologne, la Roumanie et la Tchécoslovaquie »

Briand demanda alors à Lloyd George de recommander à l'Allemagne de prendre les mêmes engagements !

A l'ouverture de la conférence de Cannes, Lloyd George annonça son intention de procurer à la France un pacte de garantie en cas d'agression allemande, mais demandait en même temps pour l'Allemagne un allègement des conditions de paiement des réparations de guerre.

Mais pendant que Briand alors président du Conseil négociait à Cannes, un clan anti-Briand s'activait à Paris. Clemenceau n'était plus là mais d'autres avaient pris le relais avec en tête Alexandre Millerand qui était devenu Président de la République, puis Raymond Poincaré qui n'avait pas sollicité un second mandat de président mais qui était devenu président de la Commission des Affaires étrangères du Sénat, et menait, au Sénat, la fronde contre Briand.

Millerand désavoua les négociations de Briand à Cannes et cela se retrouva (pas par hasard) dans la presse. Millerand avait convoqué à Paris 2 conseils des ministres en l'absence de Briand pour faire cautionner sa politique anti-Briand par les ministres du cabinet Briand ! Et l'un des ministres (Barthou) qui soutenait Briand à Cannes, le désavoua à Paris.

Devant cette situation, Briand quitta la conférence de Cannes le 12 janvier pour rentrer à Paris. Il eut une entrevue houleuse avec Millerand puis un nouveau conseil des ministres se réunit. Les mêmes qui critiquaient Briand en son absence l'approuvèrent à l'unanimité.

Le jour même Briand intervenait devant la Chambre (des députés). Après un long exposé sur les négociations en cours à Cannes, il fut acclamé par les députés, mais écœuré Briand déclarait :

« Un homme politique, à la place où je suis et dans les circonstances redoutables que traverse notre pays, n'a pas le droit d'aller au poste de combat s'il n'a pas la certitude qu'il ne lui viendra pas de balles d'ailleurs. Il consent à en recevoir des autres pays mais pas du sien.... »

Puis Briand annonça sa démission. Poincaré devint président du Conseil, Barthou vice-président.... le crime avait payé !

Le 14 janvier Philippe Berthelot qui avait été ministre dans un gouvernement Briand lui adressait une lettre :

« ...Aussi ne puis-je me souvenir sans indignation des attaques abominables et des pièges constants multipliés contre votre gouvernement. Je ne pourrai jamais m'habituer à la politique, à ses travers, à ses bassesses. Je suis heureux de me sentir libre et je ne voudrais à aucun prix recommencer à y être mêlé malgré moi. »

Depuis la plus haute antiquité, la politique a été le domaine par excellence des coups tordus, de l'hypocrisie, des trahisons... Briand dépassait de plusieurs coudées tous ses collègues, ils ne le lui pardonnaient pas !

Dès le 13 janvier 1922, la démission de Briand à Paris mettait fin à la conférence de Cannes qui se séparait sans avoir pris aucune résolution sauf celle de se réunir à nouveau à Gênes. Les magouilles politiciennes et ambitions personnelles en France avaient eu raison d'une conférence internationale qui aurait pu aboutir à un accord de coopération européenne. Les délégations étrangères prirent mal la démission de Briand. La presse internationale accusa la France d'être un pays ingouvernable (déjà!).

Une nouvelle conférence s'ouvrit à Gênes le 10 avril 1922 et se termina le 19 mai.

« Ce fut un fiasco dont la mésentente entre Anglais et Français fut la cause essentielle ». Briand avait cherché un rapprochement avec la Grande-Bretagne, politique que ne suivit pas Poincaré.

Le 16 avril 1922, l'Allemagne et l'URSS avaient conclu le traité de Rapallo et profitaient des dissidences entre France et Grande-Bretagne pour se rapprocher.

En Grande-Bretagne, le ministère de Lloyd George succomba le 19 octobre 1922. Avec son remplaçant (Bonar Law) « le différent franco-britannique s'accentua encore ».

Les événements des années 1930 en Allemagne obligeront France et Grande-Bretagne à s'allier de nouveau, mais avec des hommes qui n'eurent aucun courage et avec des années perdues qui auraient pu être utilisées pour préparer une coopération et une paix durable en Europe.

J.D. 3 juin 2014

Aristide Briand à Cannes entouré par Louis Loucheur et Paul Doumer, publié par Suarez

Aristide Briand à Cannes entouré par Louis Loucheur et Paul Doumer, publié par Suarez

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8 mai 2014 4 08 /05 /mai /2014 16:11

La Pologne possède une longue histoire, mais coincée entre l'Empire russe et le Saint Empire romain germanique, le pays fut à plusieurs reprises amputé ou carrément démembré. La dernière disparition de la Pologne (au moment du traité de Versailles) datait du 3 janvier 1795. Le pays fut alors partagé entre la Russie (encore sous le règne de Catherine II, dite la Grande Catherine) , la Prusse et l'Autriche. Il connut une éphémère résurrection avec la création du "Duché de Varsovie" en 1807 mais qui disparut avec Napoléon.

Après la première guerre mondiale, les traités redonnèrent vie à la Pologne, mais avec un flou artistique concernant les frontières tant à l'est qu'à l'ouest et cela entraîna des conflits.

Avec la Russie (l'appellation d'Union soviétique n'apparaît qu'en décembre 1922):

Les communistes s'étaient emparés du pouvoir à l'occasion de « la révolution d'octobre » (en novembre 1917, mais c'était encore en octobre sous l'ancien calendrier tsariste). En février 1919, les troupes du nouveau régime communiste pénétrèrent en Pologne. Devant les mouvements insurrectionnels qui se produisaient en Allemagne, Lénine espérait s'emparer de la Pologne pour faire le lien avec l'Allemagne et y imposer un régime communiste.

Les Alliés aidèrent la Pologne en envoyant des armes (malgré l'opposition des dockers communistes surtout en Angleterre) mais aussi des contingents militaires surtout la France, mais aussi la Hongrie, l'Ukraine... . Parmi ces militaires français qui aidèrent les Polonais à vaincre l'armée rouge, signalons un capitaine nommé.... Charles De Gaulle qui revint décoré de l'ordre de « Virtuti Militari ».

Parmi les commandants russes, un nommé ….Joseph Staline qui se souviendra en 1939 des défaites russes notamment lors de la bataille de Varsovie du 13 au 25 août 1920.

La guerre russo-polonaise se termina par le traité de Riga le 18 mars 1821, à l'avantage des Polonais. Un mois plus tôt (le 21 février 1921), la France avait signé un traité d'alliance avec la Pologne.

Avec l'Allemagne :

Le traité de Versailles avait restitué son existence et sa souveraineté à la Pologne, mais les négociateurs avaient été embarrassés par la délimitation de la frontière entre Allemagne et Pologne spécialement en ce qui concerne la Silésie. Cette région riche en ressources (spécialement la "Haute-Silésie"), surtout en charbon, est à cheval sur la Pologne, l'Allemagne et la République tchèque. Au moment du traité de Versailles, elle était peuplée d'habitants parlant allemand et d'autres parlant polonais. La Silésie avait appartenu à la Pologne, puis au royaume de Bohème à partir de 1335, à l'Autriche en 1526 puis à la Prusse en 1763. Le traité décida d'une consultation des populations, sous le contrôle d'une commission interalliée (Français, Italiens, Anglais) présidée par le général français Le Rond.

Celle-ci eut lieu le 20 mars 1921. L'Allemagne eut la majorité dans 94 communes, la Pologne dans 462. La Pologne revendiqua la Silésie. Mais c'est dans les villes que l'Allemagne l'avait emporté et en nombre de voix il y eut 491.406 voix pour la Pologne (40,7%) et 716.406 pour l'Allemagne (59,3%). L'Allemagne revendiqua donc aussi la Silésie, arguant en outre qu'elle en avait besoin pour faire face aux réparations.

Pour arranger les choses, l'Angleterre soutenait le point de vue allemand et la France la Pologne !

Quant à partager la Silésie entre les 2 pays, c'était très compliqué, car, paradoxalement, les habitants de langue allemande se trouvaient du côté polonais et vice-versa.

En France, Aristide Briand était redevenu président du Conseil (le 16 janvier 1921), il préconisa de s'en remettre à la nouvelle Société des Nations. Celle-ci commença par demander un rapport d'experts (classique!). Enfin en août 1921, la S.D.N. décida d'attribuer la Silésie à la Pologne. Mais bien sûr à la grande fureur des Allemands.

Dès le 24 mars 1921 (4 jours après le vote de la population) des membres de la commission interalliée présents en Silésie étaient assassinés et le désordre s'installait dans le pays. Les Alliés envoyèrent des troupes. 13.000 soldats français commandés par le général Le Rond arrivèrent en Silésie. Le 9 juin, une patrouille française était attaquée par des Allemands et eut 3 blessés. Le 5 juillet un commandant français (Montalègre) était assassiné et 2 sous-officiers blessés. La situation en Silésie ressemblait à celle que connaît aujourd'hui l'Ukraine, sauf que l'Allemagne ayant été vaincue et désarmée, les partisans de l'Allemagne ne pouvaient espérer le soutien que peuvent recevoir de la Russie, les Russes de l'Ukraine.

Les conséquences :

La présence « d'Allemands » dans un territoire attribué à la Pologne servit de prétexte à Hitler pour envahir la Pologne (le 1er septembre 1939) avec la complicité de Staline (voir par exemple « Le pacte des assassins » de Max Gallo chez Fayard février 2008). Car au moment de l'invasion de la Pologne Hitler et Staline s'entendaient encore comme larrons en foire. Le 23 août 1939, ils s'étaient partagés l'Europe et par un nouveau pacte du 29 septembre 1939, ils se partagèrent la Pologne.

Ce ne fut pas Staline qui rompit l'alliance avec l'Allemagne nazie ! Mais beaucoup semblent l'avoir oublié.

J.D. 8 mai 2014

Paroles en polonaisTraduction française

Jeszcze Polska nie zginęła,
Kiedy my żyjemy.
Co nam obca przemoc wzięła,
Szablą odbierzemy.

Refren x2 :
Marsz, marsz, Dąbrowski,
Z ziemi włoskiej do Polski:
Za twoim przewodem,
Złączym się z narodem.

Przejdziem Wisłę, przejdziem Wartę,
Będziem Polakami.
Dał nam przykład Bonaparte,
Jak zwyciężać mamy.

Refren x2

Jak Czarniecki do Poznania
Po szwedzkim zaborze,
Dla Ojczyzny ratowania,
Wrócił się przez morze.

Refren x2

Już tam ojciec do swej Basi
mówi zapłakany:
« Słuchaj jeno, pono Nasi
Biją w tarabany ».

Refren x2

La Pologne n'a pas encore disparu,
Tant que nous vivons.
Ce que l'étranger nous a pris de force,
Nous le reprendrons par le sabre.

Refrain x2 :
Marche, marche Dombrowski,
De la terre italienne vers la Pologne ;
Sous ta direction,
Nous nous unirons avec la nation.

Nous passerons la Vistule, nous passerons la Warta,
Nous serons Polonais.
Bonaparte nous a donné l'exemple,
Comment nous devons vaincre.

Refrain x2

Comme Czarniecki vers Poznań
Après l'invasion suédoise,
Pour sauver la Patrie,
Revint par la mer.

Refrain x2

Déjà, le père à sa Basia
Dit tout en pleurs :
« Écoute ! Il semble que les Nôtres
Battent le tambour. »

Refrain

affiche de propagande allemande en Silésie en 1921 : "le loup polonais menace ta patrie"

affiche de propagande allemande en Silésie en 1921 : "le loup polonais menace ta patrie"

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16 mars 2014 7 16 /03 /mars /2014 19:02

Du 5 au 7 janvier 1917, une conférence entre les Alliés se tint à Rome.

Voici les principaux participants à cette réunion :

*Pour la Russie : le général Palizine

*Pour l'Italie : Sidney Sonnino ministre des Affaires étrangères, le général Luigi Cadorna chef d'Etat-Major italien

*Pour la Grande-Bretagne : Lloyd George premier ministre, William Robertson chef d'Etat-Major britannique, le général Milne, Sir Francis Eliott ministre de Grande-Bretagne à Athènes et Maurice Hankey secrétaire du Cabinet de guerre ;

*Pour la France : Aristide Briand président du Conseil, le général Lyautey alors ministre de la guerre, le général Sarrail alors commandant du front d'Orient, Albert Thomas ministre de l'armement, Philippe Berthelot représentant le ministère des Affaires étrangères et Camille Barrère ambassadeur de France à Rome.

L'objet premier de cette conférence était d'harmoniser les positions des Alliés sur le comportement à adopter vis-à-vis de la Grèce, puis se greffa une réponse commune à apporter à Woodrow Wilson président des Etats-Unis

La Grèce :

La situation en Grèce était à ce moment là particulièrement confuse. Voir la fiche N°162 intitulée « Les Roumaines », http://jean.delisle.over-blog.com/2014/02/les-roumaines-n-162.html

A Athènes, le roi régnait encore et avait Spyridon Lambros comme premier ministre tandis qu'à Thessalonique, Eleuthère Venizelos l'ex premier ministre du roi, avait formé un nouveau gouvernement contre celui du roi et ce sous la protection des forces alliées, d'abord Français et Anglais renforcés de Russes et d'Italiens.

Fin novembre 1916, les partisans du roi (Constantin 1er, appelé aussi quelquefois Constantin XII par ceux qui le voient comme continuateur de l'Empire romain d'Orient ou Empire byzantin) menaçèrent les délégations de l'entente à Athènes. Des unités de marins Français et Anglais débarquèrent. Ils furent attaqués par la population grecque le 1er décembre 1916 ce qui est souvent connu sous le nom de « vêpres grecques » par analogie avec les « vêpres siciliennes » (massacre de Français en Sicile les 30 et 31 mars 1282 aux cris de : « Morta Alla Francia, Italia Aviva » d'où serait dérivé le mot MAFIA) . Il y eut à Athènes, 69 morts et 160 blessés parmi les marins français, tandis que les Anglais perdaient une quarantaine de marins. L'amiral français Dartige demanda à la marine de tirer sur Athènes. Quatorze obus furent tirés ce qui mit fin au combat mais des partisans de Venizelos à Athènes furent massacrés par les partisans du roi.

Voilà ce que décida sur ce sujet la conférence de Rome comme le rapporte Georges Suarez dans « Briand » tome IV édité en avril 1940, chapitre III :

« Restaient à régler, en ce qui concerne la Grèce, les garanties politiques et militaires à imposer au roi pour assurer la sécurité de l'armée d'Orient. En outre, devait être fixé un programme de réparations et de cérémonies expiatoires pour l'offense faite aux alliés le 1er décembre 1916. Au point de vue militaire, on décida l'envoi de deux divisions françaises de renfort qui traverseraient l'Italie et s'embarqueraient à Tarente pour gagner au plus tôt la Grèce. Au point de vue politique, toutes les mesures formulées dans l'ultimatum du 31 décembre devaient être exécutées dans le plus bref délai. Les troupes constantiniennes devaient être désarmées et maintenues dans le Péloponèse. Les vénizelistes arrêtés devaient être relâchés et dédommagés. Les excuses officielles du gouvernement grec pour les événements du Zappeion devaient être formulées au cours d'une prise d'armes : les troupes de la garnison d'Athènes conduites par leur chef, défileraient devant les détachements alliés et inclineraient leurs drapeaux devant ceux de l'Entente. Quarante-huit heures étaient accordées au roi pour accepter ces conditions. »

Le roi accepta l'ultimatum (livraison de batteries de canons aux forces alliées) le 9 janvier, la cérémonie expiatoire eut lieu le 29 janvier. Les soldats grecs conduits par le prince André défilèrent sur la place du Zappeion et inclinèrent leurs drapeaux devant les drapeaux alliés.

Finalement suite à un nouvel ultimatum des Alliés le 11 juin 1917, le roi Constantin abdiqua, Venizelos redevint premier ministre de tous les Grecs et la Grèce entra en guerre aux côtés des Alliés le 2 juillet 1917.

Woodrow Wilson :

Il fut réélu président des Etats-Unis le 7 novembre 1916. Les nécessités de la campagne électorale américaine lui avaient fait mettre de côté ses démarches diplomatiques pour une médiation en Europe.

Les Allemands l'avaient finalement devancé. Le 12 décembre 1916 le chancelier allemand Bethmann-Hollweg avait, du haut de la tribune du Reichstag, lancé un appel à la paix.

L'empereur d'Autriche François-Joseph 1er était décédé le 21 novembre 1916 après quasiment 68 ans de règne et son successeur (Charles) manifestait, dès le 22 novembre, des sentiments plus pacifistes qui firent craindre aux Allemands que les Autrichiens négocient une paix séparée.

Le 5 novembre 1916, l'empire allemand et l'empire d'Autriche avaient reconstitué un Etat polonais avec monarchie héréditaire et constitutionnelle. Guillaume II avait espéré que cela inciterait de nombreux Polonais à s'engager dans l'armée allemande, mais ce ne fut pas le cas.

Les Allemands avaient peut-être aussi commencé à comprendre qu'avec leurs immenses empires coloniaux, Français et Anglais tiendraient plus longtemps qu'eux.

L'appel du chancelier allemand avait été transmis aux Alliés. Lors d'une réunion tenue à Londres le 26 décembre 1916, ceux-ci répondirent négativement à la proposition allemande. Au point où en étaient les choses, ils ne concevaient plus la fin de la guerre autrement que par une victoire. Le nouvel empereur d'Autriche fit lui aussi des avancées vers la France et l'Angleterre mais reçut la même réponse que les Allemands.

Une autre attitude des Alliés, en cette fin d'année 1916, aurait-elle modifié les événements des années 1930/1940 ? Qui peut répondre ? Mais il n'est pas interdit de se poser la question.

C'est le 20 décembre 1916 que le Président Wilson lança à tous les belligérants son appel à la paix. Les Allemands répondirent les premiers et voici la réponse élaborée à Rome par les Alliés et qui fut transmise le 10 janvier 1917 aux Etats-Unis et telle qu'elle est rapportée par Suarez (livre cité, même tome, même chapitre) ; cette réponse détaille les conditions exigées par les Alliés pour aboutir à la paix :

«1°) Restauration de la Belgique, de la Serbie et du Monténégro avec les dédommagements qui leur sont dus ; évacuation des territoires français, russes et roumains occupés par les puissances centrales avec de justes réparations.

2°) Respect du droit des nationalités, comportant la restitution des provinces ou des territoires autrefois arrachés aux Alliés par la force ou contre le vœu des populations ; Alsace-Lorraine, etc... ; libération des Italiens, des Slaves, des Roumains, des Tchécoslovaques de la domination étrangère, affranchissement des populations soumises à la sanglante tyrannie des Turcs ; rejet de l'empire ottoman en Asie ;

3°) Réorganisation de l'Europe, c'est-à-dire établissement d'un régime qui assurerait aux petits Etats comme aux grands la peine sécurité et la liberté de développement économique et qui permettrait, par des conventions appropriées de garantir les frontières terrestres et maritimes contre les attaques injustifiées ».

Une telle réponse n'était pas faite pour ouvrir des négociations. Elle est cependant intéressante à méditer sur bien des points. Elle est le reflet du sentiment des participants à la conférence de Rome en janvier 1917 et compte-tenu qu'il leur fallut concilier leurs différents points de vue.

Le 30 janvier 1917, le gouvernement allemand notifiait officiellement aux Etats-Unis la reprise de la guerre sous-marine à outrance. On connaît la suite.

J.D. 16 mars 2014

La récapitulation thématique des notes de ce blog se trouve sur la fiche N°76 intitulée : « blog, liste des articles » références : http://jean.delisle.over-blog.com/article-blog-liste-des-articles-111165313.html

Les Peaux-Rouges dans la première guerre mondiale, photos "Le Miroir" du 26 août 1917;

Les Peaux-Rouges dans la première guerre mondiale, photos "Le Miroir" du 26 août 1917;

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25 janvier 2014 6 25 /01 /janvier /2014 16:28

Hélas les batailles font partie de l'histoire des sociétés humaines et certains sites compte-tenu de leur situation géographique ont été au fil des siècles, à plusieurs reprises, les témoins de la folie des hommes. C'est le cas de Tannenberg aujourd'hui situé en Pologne mais en 1914 en Prusse orientale.

Le 28 juillet 1914, l'empire Austro-Hongrois avait déclaré la guerre à la Serbie, le 29, c'était la Russie qui déclarait la guerre à l'Autriche, le 1er août l'Allemagne déclarait la guerre à la Russie puis à la France et à la Belgique le 3 août.

Le plan de l'état-major allemand était de mener une guerre-éclair contre la France puis de retourner toutes leurs forces contre la Russie. Ils avaient en mémoire la guerre de 1870 qui avait vu la défaite très rapide de la France.

Le 17 août 1914, deux armées russes envahissaient la Prusse orientale avec comme objectif de prendre Königsberg (aujourd'hui Kaliningrad en Russie) puis de foncer sur Berlin. Chaque armée russe était forte de 400.000 hommes : la première armée au nord commandée par le général Pavel Rennenkampf et la seconde plus au sud commandée par le général Alexandre Samsonov.

Les Allemands qui avaient envoyé l'essentiel de leurs troupes envahir le Luxembourg le 2 août, la Belgique le 4 août puis la France, à partir du 18 août, n'avaient laissé sur le front oriental que la VIIIe armée forte de 200.000 hommes.

Sous les coups de boutoir russes, les armées allemandes en net état d'infériorité reculèrent. L'état-major allemand sortit alors de sa retraite le général Hindenbourg qui avait fait la guerre de 1866 contre l'Autriche et celle de 1870 contre la France. C'était un vieux renard, assisté de Ludendorff, il parvint par d'habiles manœuvres à isoler d'abord la seconde armée dans le secteur de Tannenberg et à l'anéantir entre le 26 et le 29 août 1914. Dans cette bataille, les Allemands eurent 12.000 tués ou blessés et les Russes 78.000. En outre 93.000 Russes furent fait prisonniers et les Allemands s'emparèrent de 500 canons enfin selon les chiffres disponibles aujourd'hui mais en sachant qu'ils diffèrent un peu d'un auteur à l'autre. Le général russe Samsonov se suicida le 29 août. Hindenbourg quant à lui obtint le titre de Maréchal.

Ludendorff termina le travail en éliminant entre le 7 et le 15 septembre la première armée russe dans la région des lacs de Mazurie où les Allemands perdirent 40.000 hommes et les Russes 60.000. La guerre sur le front de l'est se poursuivit mais l'invasion de la Prusse par les Russes était stoppée.

On n'était plus au temps où les Romains étaient vainqueurs de Gaulois 6 fois plus nombreux (comme à Alésia en 52 avant notre ère) et on peut se demander comment expliquer cette défaite russe avec une telle disproportion de forces. Les 2 généraux russes se haïssaient cordialement ce qui ne facilita pas leurs communications ni leur coordination. Mais au delà de cela on trouve une explication sous la plume de Georges Suarez dans sa biographie de Briand, tome 3 publié en avril 1939, chapitre 1 où il écrit :

« Sur le front oriental, les troupes du tsar aux prises avec l'armée allemande depuis le 24 (août 1914) étaient finalement écrasées à Tannenberg et s'enfuyaient, abandonnant entre les mains de l'ennemi, en plus du territoire conquis, toute l'artillerie, le ravitaillement et des milliers de blessés et de prisonniers. La défaite de Tannenberg fut la plus retentissante que connurent les champs de bataille de l'Europe orientale. Aux premières vagues illusions que les maigres succès du fameux rouleau compresseur russe avaient fait déferler sur l'opinion française, succédait la décevante réalité de l'impréparation militaire des cadres tsaristes, de la corruption des généraux, de la misère des troupes, de toutes les tares asiatiques qui rongeaient l'armature du vieil empire slave. Ce fut cependant son gouvernement qui, au lendemain de la catastrophe de Tannenberg, prit l'initiative de proposer à la France et à l'Angleterre une alliance aux termes de laquelle les trois pays s'engageaient à ne pas conclure de paix séparée. L'accord fut signé dans les premiers jours de septembre. Il devait être brisé en 1917 par le fait de cette même Russie qui l'avait imposé . »

Arrivé au pouvoir Lénine signa un traité d'armistice avec les Allemands dès le 15 décembre 1917 et le traité de paix de Brest-Litovsk le 3 mars 1918.

L'armée française n'était guerre mieux préparée. Voilà ce qu'écrit Suarez au moment de la mobilisation générale :

« Mais tout manquait : vivres, équipements, armes. On refusait des engagés volontaires parce que le gouvernement ne pouvait pas les habiller. On renvoyait les classes 1893 et 1896 pour supprimer des bouches inutiles. On fabriquait des munitions au petit bonheur et dans des proportions qui ne correspondaient pas aux besoins... ».

Il semble que seul l'Empire allemand était prêt à la guerre en août 1914, cela explique que dans les premières semaines, les Allemands rentrèrent en France comme dans du beurre. Ils parvinrent à 70 kms de Paris. Joffre qui était commandant en chef avait prévu un repli sur une ligne au sud de Paris avant de lancer une contre-offensive. Cela livrait Paris aux Allemands. Millerand qui était alors Ministre de la guerre soutenait Joffre.

Il y eut Conseil des ministres les 29 et 30 août 1914. Aristide Briand qui était revenu au gouvernement s'opposa fermement à l'abandon de Paris. La prise de Paris par les Allemands aurait eu en termes moral, psychologique et politique un effet désastreux.

Briand fut soutenu par Albert Sarraut, Agutte Sembat et Jules Guesde. Millerand céda et ordonna à Joffre de remonter les troupes et de protéger Paris et ce fut la bataille de la Marne du 6 au 12 septembre 1914. Gallieni qui était chargé de Paris avait réquisitionné 600 taxis (les fameux taxis de la Marne) pour acheminer les troupes. Cela stoppa l'avance allemande et sauva Paris. Le gouvernement avait quitté Paris pour Bordeaux le 2 septembre.

Sous l'influence du parti socialiste conduit par Jean Jaurès, l'opinion publique française avant la guerre était devenue largement pacifiste, anti-militariste et ne voulait pas de la guerre. Jaurès croyait dur comme fer que, par dessus les frontières, les prolétaires s'entendraient et empêcheraient la guerre. Ainsi dans une réunion socialiste en septembre 1907, il déclarait : « Le devoir des prolétaires si la guerre leur était imposée contre leur volonté, est de retenir le fusil qui leur est confié, non pas pour abattre leurs frères de l'autre côté de la frontière, mais pour abattre révolutionnairement le gouvernement de crime » (rapporté par Suarez, tome 2 chapitre X).

Jean Jaurès fut assassiné le 31 juillet 1914 au bar « Le Croissant » à Montmartre. Voici ce qu'écrit Suarez sur les derniers jours et même dernières heures de Jaurès (biographie de Briand, tome 3 chapitre I) :

« le 29 juillet (1914) Jaurès avait reçu dans un bureau de la Chambre (des députés) le socialiste allemand Hermann Muller qui lui avait assuré que son parti ne voterait pas au Reichtag les crédits de guerre, si la France donnait un témoignage de son attachement à la paix. Jaurès, impressionné par la vertigineuse cadence des événements, espérait en ralentir la marche par un grand geste moral, par une sorte de coup de théâtre de la conscience française. Espérait-il intimider l'adversaire, l'amener à un repentir soudain devant la preuve de sa responsabilité ? Il voyait Viviani (alors président du Conseil), Malvy (alors ministre de l'Intérieur) , tous les membres radicaux du gouvernement, les suppliait de tenter l'impossible pour empêcher la guerre »

Et voici pour le 31 juillet :

« Les couloirs de la Chambre retentissaient des imprécations de Jaurès contre Iswolsky (diplomate russe) et son gouvernement. La guerre était là, enveloppant l'univers de sa menace, et il ne la voyait pas ou ne voulait pas la voir. L'homme était ulcéré par le démenti brutal des événements et le normalien était touché dans ses affinités intellectuelles les plus chères. C'était autant le prophète malheureux que l'apologiste dupé de la philosophie allemande qui exhalait son angoisse. Il haïssait la guerre comme l'expression la plus hideuse de la force ; cette chute de la paix bouleversait son être et ses conceptions. Ses cris indignés attiraient tout le monde....

Il était environ cinq heures quand Jaurès quitta la Chambre. Sur le seuil, il rencontra Malvy, ministre de l'Intérieur, et levant les bras au ciel, il l'apostropha en ces termes : Eh quoi ! Monsieur le ministre, vous allez permettre cela ! La France de la Révolution entraînée par les moujiks contre l'Allemagne de la Réforme...Ces distinguos métaphysiques au moment où les canons allemands roulaient vers la frontière, donnent une idée de l'ampleur et de la puissance d'illusion des rêveries de Jaurès. Un peu plus tard, il arrivait au Quai d'Orsay, à la tête d'une délégation de socialistes pour demander à Viviani de ne pas engager la France derrière la Russie....

Le soir de ce même jour, à 9 heures et demie il s'asseyait en face de Renaudel (journaliste à l'Humanité), au restaurant du Croissant, rue Montmartre, et parlait avec lui de son article pour le lendemain.

Je vais écrire un nouveau J'accuse, disait Jaurès. J'accuse la Russie d'avoir voulu la guerre. J'accuse la France de n'avoir pas su l'empêcher. Il en était là, quand, soudain, deux coups de feu éclatèrent. Une femme cria : Jaurès est tué ! »

J.D. 25 janvier 2014

François-Ferdinand sur un timbre de 1917 de Bosnie Herzegovine (sous administration de l'Autriche), posté à Sarajevo

François-Ferdinand sur un timbre de 1917 de Bosnie Herzegovine (sous administration de l'Autriche), posté à Sarajevo

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