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14 octobre 2016 5 14 /10 /octobre /2016 09:35

 

 

Coligny est une commune du département de l'Ain, à la limite avec le Jura, située à 25 kms au nord de Bourg-en-Bresse. Au recensement de 2013, cette commune comptait 1164 habitants.

Dans l'antiquité, Coligny se trouvait sur le passage de la voie romaine qui allait de Lugdunum (Lyon) à Vesontio (Besançon), en passant par Bourg et Lons-le-Saunier.

En novembre 1897, un agriculteur nommé Alphonse Roux découvrit, enterré dans son champ, un amas composé de 550 morceaux de bronze.

Cette découverte fut cédée aux musées de Lyon (elle est aujourd'hui au musée gallo-romain de Fourvière, en outre une copie en est exposée à la mairie de Coligny) et le conservateur de l'époque (Paul Dissard) parvint, avec cet ensemble, à reconstituer d'une part une statue de 1,70 mètre de haut (environ 400 morceaux de bronze) et d'autre part une plaque avec 149 pièces dont 126 portent une inscription.

Ces objets ont entraîné beaucoup d'études de nombreux spécialistes et de non moins nombreuses publications.

*Pour la statue, un petit nombre l'associe à Apollon et d'autres plus nombreux au dieu Mars. Voir illustration

*Pour la plaque, il s'agit de la moitié environ d'un calendrier gaulois, écrit en langue gauloise, mais en utilisant l'alphabet latin sur une plaque de 1,50 mètre sur 0,91 mètre. La partie retrouvée comporte 2.000 mots environ.

 

Le calendrier :

De toutes les études effectuées, il ressort :

*que ce texte est le plus important retrouvé à ce jour en langue gauloise et il a permis d'enrichir le vocabulaire gaulois déjà connu.

*Il aurait été réalisé au premier siècle avant notre ère et détruit au second ou plus probablement au troisième siècle de notre ère lors des premières incursions « barbares » en Gaule.

*que les Gaulois avaient un calendrier « lunaire » avec des années de 12 mois de 29 ou de 30 jours. Chaque mois avait une dénomination et était divisé en deux parties de 14 ou 15 jours. Chez les Gaulois le passage d'un jour à l'autre se faisait au coucher du soleil c'est-à-dire au début de la nuit et non au milieu de la nuit (à mi...nuit) comme maintenant.

*La plaque de Coligny comportait 5 années. L'ajout de « mois intercalaires » permettait de retrouver le calendrier « solaire » tous les 30 ans ; le calendrier gaulois était donc à la fois lunaire et solaire.

En 1807, dans le Jura à Villards d'Héria avaient déjà été retrouvés d'abord un puis 5 fragments d'un autre calendrier gaulois dans un site où se trouvait un temple dédié à Mars.

 

Le Gaulois :

Au témoignage de Jules César dans la « Guerre des Gaules » (au livre VI), les Druides avaient un enseignement uniquement oral. Les Gaulois commencèrent à écrire en grec après l'implantation des Grecs en Gaule. Les Grecs eurent d'abord des comptoirs puis des implantations comme à Marseille, ville créée en l'an 600 avant notre ère par les Grecs de la cité de Phocée (cité grecque située sur l'actuelle côte turque).

On ne sait pas quand les Gaulois commencèrent à écrire avec l'alphabet grec avant de passer au latin à partir de la conquête romaine. Voici ce qu'écrit César :

« Ils (il s'agit des Druides) estiment que la religion ne permet pas de confier à l'écriture la matière de leur enseignement, alors que pour tout le reste en général, pour les comptes publics et privés, ils se servent de l'alphabet grec » (Guerre des Gaules, livre VI)

« On trouva dans le camp des Helvètes des tablettes écrites en caractères grecs ; elles furent apportées à César. Elles contenaient la liste nominative des émigrants en état de porter les armes, et aussi une liste particulière des enfants, des vieillards et des femmes... » (Guerre des Gaules livre I)

Du fait de l'absence d'écriture propre aux Gaulois, tous les textes écrits qui nous sont parvenus sur la Gaule et les Gaulois sont l’œuvre d'auteurs grecs ou latins et les témoignages qu'ils ont laissé sur nos ancêtres les Gaulois ne sont pas brillants ! Voir la note N° 138 http://jean.delisle.over-blog.com/2013/11/nos-ancêtres-les-gaulois-annexe-n-138.html

Les bandes dessinées qui présentent les Gaulois comme querelleurs et ripailleurs ne font que reprendre la description des auteurs de l'antiquité.

Pour les Grecs d'abord et les Romains ensuite, tous les autres peuples étaient des « barbares » et les auteurs furent influencés par ce sentiment. Il est vraiment dommage que les Gaulois n'aient pas laissé de textes écrits sur leurs us et coutumes, car qui n'entend qu'une cloche, n'entend qu'un son !

J.D. 14 octobre 2016

Dieu et calendrier gaulois de Coligny, photos J.D. à Lyon le 4 septembre 2016
Dieu et calendrier gaulois de Coligny, photos J.D. à Lyon le 4 septembre 2016

Dieu et calendrier gaulois de Coligny, photos J.D. à Lyon le 4 septembre 2016

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24 septembre 2016 6 24 /09 /septembre /2016 22:59

*La revue « Sciences et Avenir » d'octobre 2014 consacre un article (page 58) à la découverte effectuée sur le site de Fourvière à Lyon lors de travaux. Il s'agit d'un mur d'époque gauloise, antérieur à l'arrivée des Romains. Pour les spécialistes cela confirme qu'il existait un oppidum (bourg fortifié) gaulois à Lyon avant la création de la ville romaine en 43 avant notre ère par Lucius Munatius Plancus qui avait été un des lieutenants de Jules César. Selon certains auteurs (comme Camille Jullian 1859/1933, dans « Histoire de la Gaule »), César venant en Gaule en -58 pour s'opposer aux Helvètes aurait campé à Lyon et c'est à l'emplacement de ce camp qu'aurait commencé la construction de Lyon (Lugdunum).

*Dans la « Guerre des Gaules », Jules César écrit, au livre VI, dans un chapitre consacré aux druides gaulois :

« Chaque année, à date fixe, ils tiennent leurs assisses en un lieu consacré, dans le pays des Carnutes, qui passe pour occuper le centre de la Gaule. Là, de toutes parts affluent tous ceux qui ont des différents, et ils se soumettent à leurs décisions et à leurs arrêts. On croit que leur doctrine est née en Bretagne (la Grande Bretagne d'aujourd'hui), et a été apportée de cette île dans la Gaule ; de nos jours encore ceux qui veulent en faire une étude approfondie vont le plus souvent s'instruire là-bas. »

*Certains auteurs pensent que la cathédrale de Chartres a été construite à l'emplacement où se réunissaient les druides gaulois. Voir par exemple : « Chartres et l'énigme des Druides » de Jean Markale Editions Pygmalion 1988. La ville de Chartres doit d'ailleurs son nom aux Carnutes.

*Avant la conquête romaine, il y avait de nombreux peuples en Gaule, en rappelant que les Romains distinguaient 2 Gaules : la Gaule cisalpine qui correspondait à l'Italie du Nord d'aujourd'hui et la Gaule transalpine, soit la France actuelle étendue jusqu'au Rhin. Dans la Gaule cisalpine, c'est le Rubicon, fleuve côtier qui se jette dans l'Adriatique entre Ravenne et Rimini, qui constituait la frontière entre la Gaule et l'Italie proprement dite. Cela perdura jusqu'à César, puis la Gaule cisalpine fut considérée comme étant partie intégrante de l'Italie.

*Comme tous les peuples voisins, les diverses tribus gauloises devaient se faire souvent la guerre. Mais si il n'y avait pas d'unité gauloise, le texte de César sur la réunion annuelle des druides montre qu'il y avait quand même une identité gauloise.

*Suétone (auteur latin à cheval sur le premier et le second siècle de notre ère) dans « Vies des douze Césars », au livre premier, en XXV, nous apprend qu'à la fin de la guerre en Gaule, César imposa aux peuples gaulois un tribut annuel de quarante millions de sesterces. Les représentants de ces peuples durent donc continuer à se réunir pour se répartir le tribut à payer.

*Après la fondation de la ville romaine à Lyon, elle se développa rapidement et là comme dans toutes les cités romaines, se construisirent forum, temples (dont le « sanctuaire du confluent » en -14), théâtre (entre -16 et -14), un réseau routier, un atelier monétaire (en -15) etc.

*C'est en -27 que Lugdunum était devenu la capitale des Gaules. C'est en -19 que fut réalisé « l'Amphithéâtre des Trois Gaules ». Cet amphithéâtre construit près de l'actuel jardins des plantes de Lyon, fut réalisé au confluent du Rhône et de la Saône (qui s'est déplacé depuis) au pied de la colline de la Croix-Rousse. Cet amphithéâtre avait complètement disparu. Des premières fouilles sans suite eurent lieu en 1818/1820. C'est la découverte en 1958 de l'inscription dédicatoire qui relança les fouilles, et ce qu'il reste de l'amphithéâtre fut dégagé en 1960.

*A partir de l'an -12, chaque année le 1er août, les représentants des 60 peuples gaulois se réunirent dans cet Amphithéâtre. On peut penser que la région des Carnutes fut la capitale politique de la Gaule gauloise et Lyon celle de la Gaule romaine. Il est probable qu'il y avait plus de 60 peuples avant la guerre contre César. Les Gaulois de la Narbonnaise qui avaient été annexés par Rome dans le dernier quart du second siècle avant notre ère, n'étaient pas concernés par ce tribut.

*Lyon fut la première ville de la Gaule qui se christianisa. C'est la raison pour laquelle l'évêque (ou l'archevêque) de Lyon a le titre de « primat des Gaules ». La communauté chrétienne était déjà importante lorsqu'une persécution s'abattit sur les chrétiens en l'an 177, entre juin et août.

*C'est dans cet amphithéâtre des Trois Gaules que furent martyrisés Blandine et d'autres chrétiens. Aujourd'hui, un poteau carré dans l'amphithéâtre montre l'endroit où l'on suppose que Sainte Blandine rendit son dernier soupir. Lyon avait à cette époque un évêque nommé Pothin, le premier évêque de Lyon et même de la Gaule. En 177 il était très âgé (entre 70 et 90 ans). Il mourut dans son cachot des suites des tortures de ses bourreaux.

*Les touristes ne pénètrent pas dans l'amphithéâtre, mais peuvent aisément le contempler de l'extérieur. Le cachot, ou supposé tel, où mourut le premier évêque de Lyon peut se visiter sous la chapelle de l'Antiquaille (montée Saint Barthélemy).

J.D. 25 septembre 2016

Nota : les Trois Gaules désignent un découpage administratif du territoire décidé par Auguste vers l'an -16. Il y avait la Gaule belgique au nord et à l'est, la Gaule aquitaine au sud-ouest et la Gaule lyonnaise entre les deux et qui formait un arc de cercle allant de la Bretagne à Lyon. L'expression « Trois Gaules » ne comprend pas la Gaule Narbonnaise formée antérieurement.

l'Amphithéâtre des Trois Gaules à Lyon, image du net

l'Amphithéâtre des Trois Gaules à Lyon, image du net

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18 août 2016 4 18 /08 /août /2016 10:21

*L'histoire de Rome commence par le règne de sept rois dont le premier fut Romulus. Cette période de la royauté romaine s'étend de l'an 753 avant notre ère à l'an -509, date à laquelle le peuple de Rome chassa le dernier roi (Tarquin le Superbe) parce que son fils avait violé Lucrèce, une citoyenne romaine.

*Sur cette période, on a un ensemble de textes mais qui ont été écrits au minimum 5 siècles après les faits. Le résultat est qu'on ne sait pas bien démêler ce qui appartient à l'Histoire et ce qui ressort de la légende.

De mon point de vue, légendaire ou réelle, la fondation de Rome et ses rois appartiennent à l'Histoire de la Rome antique, comme la guerre de Troie appartient à l'Histoire de la Grèce, ou comme Abraham et Moïse appartiennent à l'Histoire des Hébreux c'est-à-dire à Israël etc.

*Après la royauté, dans la Rome antique, il y eut la République de -509 à -27, une République qui fit la conquête du monde méditerranéen. Cette République fut proclamée un an avant la Démocratie à Athènes.

Autre temps, autres mœurs, dans la République romaine, seuls les hommes libres participaient aux votes, ce qui excluait les esclaves, les femmes… mais enfin pour l'époque ce fut un modèle.

*Cette République prit fin après 482 années de « bons et loyaux services » lorsqu'en -27, le Sénat de Rome décerna à Octave (vainqueur d'Antoine et Cléopâtre) tous les titres et lui délégua tous les pouvoirs. Parmi les titres, il y eut celui « d'Auguste » qui devint son nom. Tous les historiens considèrent qu'alors, de fait, la République n'existait plus, l'empire commençait et avec lui une période où des êtres humains eurent un pouvoir absolu y compris le droit de vie et de mort sur leurs semblables. Il y eut bien d'autres pays ou civilisations où cela se produisit, mais Rome est plus proche de nous, à la fois géographiquement et culturellement.

*En fait dans les derniers temps de la République, les grands capitaines avaient déjà pris beaucoup de pouvoir : Marius, Sylla, Pompée, César… et c'est parce que ses ennemis le soupçonnaient de vouloir devenir roi, qu'ils assassinèrent Jules César (le 15 mars de l'an 44 avant notre ère). On attribue à Brutus, un des assassins de César la phrase : « Sic semper tyrannis » qui a été reprise comme devise sur le drapeau de l’État de Virginie aux Etats-Unis. La traduction littérale étant : « toujours pareil pour les tyrans », c'est-à-dire la mort.

En quelque sorte, l'avènement de l'empire et le pouvoir absolu des empereurs étaient la suite logique ou inévitable des dérives de la République.

Sur les premiers siècles de l'empire romain, on a aussi beaucoup de textes qui ont l'avantage d'avoir été écrits par des contemporains des événements. On peut évidemment toujours soupçonner n'importe quel auteur de parti pris et de manquer d'objectivité….

*Parmi les auteurs anciens qui ont écrit sur les conséquences du pouvoir absolu il faut citer particulièrement Suétone et Tacite.

Suétone :

On sait peu de choses sur la vie de Suétone lui-même. Par recoupements les historiens pensent qu'il est né vers l'an 70 au premier siècle de notre ère, peut-être à Rome. Pour son décès 3 dates sont avancées : 122, 130 et même 160.

Issu d'une famille appartenant à l'ordre équestre (noblesse romaine), il devint secrétaire de l'empereur Hadrien vers l'an 113, ce qui lui donna accès aux archives impériales.

Suétone écrivit beaucoup sur des sujets très divers, mais malheureusement la majorité de ses textes ne nous sont pas parvenus. Seuls, subsistent :

*très partiellement un ouvrage sur les Hommes illustres publié vers l'an 113 et qui comprenait 5 parties consacrées aux poètes, aux orateurs, aux historiens, aux philosophes et aux grammairiens et rhéteurs (ceux qui enseignaient l'éloquence)

*en entier : « vies des douze Césars » publiées vers l'an 120. Cet ouvrage concerne : -d'abord Jules César que beaucoup de gens prennent pour un empereur alors que l'on peut considérer que ses exploits constituent l'apothéose de l'histoire de la République romaine.

-puis Octave-Auguste, que l'on peut classer parmi les bons empereurs, de – 27 à +14.

-une série d'empereurs-monstres : Tibère, Caligula, Claude, Néron qui fut contraint de se suicider en 68. Julius Vindex qui commandait les légions romaines de la Gaule lyonnaise avait déclenché, au printemps 68, la révolte contre la bête-Néron. Julius Vindex fut tué mais Néron disparut. Dans la galerie de portraits de cette période, il ne faut pas oublier les femmes comme Messaline (voir la fiche N°103 http://jean.delisle.over-blog.com/article-messaline-et-theodora-n-103-116877402.html) ou Agrippine qui d'après les auteurs anciens eut des relations sexuelles avec son frère l'empereur Caligula, avec son oncle l'empereur Claude et avec son fils l'empereur Néron ! Voir fiche N° 121 (http://jean.delisle.over-blog.com/cleopatre-et-agrippine-n-121)

Il n'est pas surprenant que Juvénal (vers l'an 50/vers l'an 127) prétende dans les « Satires » que les vices de tous les humains qui se succéderont sur la terre ne pourront dépasser les vices des Romains de son temps.

-Après la mort de Néron, il y eut ce que les historiens ont appelé « l'année des 4 empereurs » (Galba, Othon, Vitellius, Vespasien). Chaque légion voulut imposer « son » empereur et il y eut la guerre entre les différentes légions avec d'abominables massacres.

-le règne de Vespasien et de son fils Titus de 69 à 81 fut un intermède heureux.

-puis il y eut le règne de Domitien de 81 à 96 qui renoua avec les pratiques des empereurs montres

-De 96, mort de Domitien à 180 il y eut une succession de « bons empereurs », période la plus heureuse de l'histoire romaine avec Nerva (de 96 à 98), Trajan (de 98 à 117), Hadrien (de117 à 138), Antonin-le-Pieux (de 138 à 161) et Marc Aurèle (de 161 à 180).

*ensuite, il y eut de tout : des bons et des mauvais comme Caracalla (empereur de 211 à 217) digne des Tibère, Caligula… Comme quoi, les humains comptent plus que les Institutions qu'ils font vivre.

Tacite :

Tacite naquit vers l'an 55 et mourut vers l'an 119. Il est, lui aussi, issu d'une famille de l'ordre équestre. Il se destina d'abord à une carrière d'avocat puis obliqua vers une carrière politique commencée sous Vespasien, poursuivie sous Titus puis Domitien. Il remplit différentes charges : questeur, prêteur, tribun...

Il publia également plusieurs ouvrages dont :

-la vie d'Agricola en 98

-la Germanie en 99 : description des différents peuples de Germanie et de leurs mœurs

-les « Histoires » vers 109 et les « Annales » vers 110. Les Annales décrivent l'histoire de Rome de l'an 14 (mort d'Auguste) à 68 (mort de Néron) tandis que les Histoires, pourtant écrites avant, vont de la mort de Néron à la mort de Domitien en 96.

Le texte de Tacite recoupe donc et complète celui de Suétone.

*En 77 Tacite avait épousé la fille de Julius Agricola un des grands généraux de l'histoire romaine. Cet Agricola avait achevé la conquête de la Bretagne (nom qui à l'époque désignait la Grande-Bretagne d'aujourd'hui). Il y acquit une grande renommée. Il mourut le 23 août 93 à Rome. Circula alors la thèse selon laquelle l'empereur Domitien aurait pris ombrage de la popularité d'Agricola et l'aurait fait empoisonner.

*C'est en 98 que Tacite publia la vie d'Agricola , soit 2 ans après la mort de Domitien. Probablement troublé par la mort de son beau-père qu'il admirait, il s'interrogea sur la responsabilité de tous, y compris la sienne, d'avoir accepté la tyrannie. Voici son texte (dans "Vie d'Agricola") :

« Nous lisons que, lorsque Arulenus Rusticus prononça l'éloge de Paestus Thrasea, et Herennius Senecio celui D'Helvetius Priscus, cela leur coûta la vie ; et que l'on ne se contenta pas des auteurs, on se déchaîna même contre leurs livres : les triumvirs (chargés des exécutions) furent chargés de brûler sur le comitium (lieu de rassemblement du peuple sur le forum) , en plein forum, les œuvres laissées par ces illustres génies. On croyait sans doute par ce feu, étouffer la voix du peuple romain, la liberté du sénat, la conscience du genre humain – et, en outre, on avait chassé ceux qui enseignaient la philosophie (en 84), condamné à l'exil toutes les activités honorables, afin que le bien ne se rencontrât plus nulle part. Nous avons donné, en vérité, un admirable exemple de résignation. L'ancien temps avait vu jusqu'où pouvait aller la liberté, mais nous avons vu, nous, jusqu'où peut aller la servitude, quand les espions nous confisquaient jusqu'à la possibilité d'échanger des paroles. Nous aurions même perdu la mémoire avec la voix, s'il était autant en notre pouvoir d'oublier que de nous taire.

Maintenant seulement la vie revient. Mais bien que, dès la naissance de ce siècle bienheureux, Nerva ait allié deux notions autrefois inconciliables, le principat (c'est-à-dire l'empire) et la liberté, bien que Nerva Trajan (Trajan avait été adopté par Nerva) augmente chaque jour le bonheur des temps, bien que la tranquillité générale ne soit plus seulement un espoir et un vœu, et que nous puissions désormais compter fermement sur l'accomplissement de ce vœu, cependant la faiblesse de la nature humaine fait que les remèdes sont plus lents à agir que les maux. Les corps mettent longtemps à grandir, mais on a tôt fait de leur ôter la vie. Il en va de même des esprits et des études : il est plus facile de les étouffer que de les ranimer. L'oisiveté a en elle-même une douceur sournoise et l'inaction, d'abord détestée, finit par être aimée. Alors, que dire de nous ? Pendant quinze années, durée considérable dans la vie d'un mortel, beaucoup sont morts du fait d'accidents fortuits, les plus énergiques, victimes de la cruauté du prince (il s'agit de Domitien), et nous restons un petit nombre à survivre, non seulement aux autres, mais encore, peut-on dire, à nous-mêmes, car tant d'années ont été arrachées du milieu de notre vie, pendant lesquelles nous sommes parvenus, jeunes, à la vieillesse, vieillards, presque au terme ultime de l'existence, en traversant le silence….. »

Ce texte de Tacite mérite d'être médité. Il met en cause la responsabilité des majorités silencieuses qui ne commettent aucun forfait mais laissent faire les autres.

Cela ne concerne pas que les dictatures. Dans une démocratie, élire un président prétentieux, menteur et incompétent n'est guère plus glorieux que de laisser un dictateur arriver au pouvoir.

J.D. 18 août 2016

drapeau de l'Etat de Virginie

drapeau de l'Etat de Virginie

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12 juillet 2015 7 12 /07 /juillet /2015 18:37

Petit rappel sur le célèbre Jules :

Jules César (Caius Julius Caesar) naquit à Rome le 12 juillet de l'an 102 avant notre ère ; date sujette à contestation parmi les historiens. Voir fiche N°50 http://jean.delisle.over-blog.com/article-cesar-et-les-4-julia-87170027.html

Mais le lecteur qui a envie de donner à César une autre date de naissance, ou qui tient à faire passer les éléphants d'Hannibal par la place des éléphants de Chambéry, ou faire adhérer les dits-éléphants au comité de « défense d'Yvoire » (en Haute-Savoie), c'est bien son droit !

Au moment de la naissance de Jules, c'était Marius (oncle paternel par alliance de César) qui était l'homme fort de Rome.

La famille de César appartenait à la « gens Iulia » qui prétendait descendre de Iule fils d'Enée, personnage troyen ancêtre des Romains, d'après les légendes sur la guerre de Troie.

Voici les principales étapes de la carrière de Jules César :

*Durant la jeunesse de César, la guerre sévit à Rome entre les partisans de Marius et ceux de Sylla.

*vers -81, probablement pour fuir Rome, César commença une carrière militaire en Asie et se distingue notamment en Cilicie (région au sud de l'Anatolie dans l'actuelle Turquie), ce qui lui valut une couronne civique (importante décoration militaire de l'époque)

*en -73, César est élu pontife (voir définition des fonctions romaines sur la fiche N°117 http://jean.delisle.over-blog.com/marius-césar-auguste-et-arles-n-117)

*en -68, César entre au Sénat, il est élu « questeur » et envoyé en Espagne

*en -65, il devient « édile curule » à Rome

*en -63 César est élu « grand pontife »

*en -62, il est élu « prêteur » à Rome

*en -61, il est nommé « gouverneur » en Espagne

*en-60, premier triumvirat secret entre Pompée, Crassus et César

*en-59, César devient Consul, c'est la même année que Pompée épouse Julie fille de César

*en -58, César est chargé du gouvernement de l'Illyrie (Yougoslavie) et des 2 Gaules (Gaule « cisalpine » ou Italie du Nord, et Gaule « transalpine » ou France actuelle étendue jusqu'au Rhin, mais au moment où César est nommé, les Romains ne possèdent que la partie sud de la Gaule transalpine, ce qui deviendra la province « narbonnaise »).

*printemps -58 : début de la guerre des Gaules

*-56 : renouvellement de l'alliance entre Pompée, Crassus et César

*-54 : décès de Julia fille de César et épouse de Pompée

*mai -53 : Crassus est tué par les Parthes

*septembre -52 : Vercingétorix, vaincu à Alésia, se rend à César

*-51 : derniers combats de la guerre des Gaules

*-50 : rupture de l'alliance entre Pompée et César

*12 janvier -49 : César franchit le Rubicon. Il ne dispose à ce moment là que d'une seule légion (la treizième) : début de la guerre de César contre Pompée, le Sénat, la République et leurs alliés

*9 août -48 : vaincu par César à Pharsale en Thessalie (Grèce) Pompée s'enfuit vers l'Egypte

*28 septembre -48 : arrivé en Egypte, Pompée est assassiné par les Egyptiens sur le rivage de Péluse. Malgré la mort de Cnaeus Pompée la guerre se poursuit entre César et les Pompéiens. Ceux-ci sont vaincus le 6 avril -46 à Thapsus en Tunisie puis à Munda au sud de l'Espagne le 17 mars -45. C'est la fin des Pompéiens. Entre temps, César avait vaincu les Egyptiens de Ptolémée XIII à la bataille d'Alexandrie au profit de Cléopâtre VII et Pharnace II roi du Pont (ancien royaume autour de la mer Noire) à la bataille de Zéla (au sud-est de l'Anatolie en Turquie) le 15 juin -47.

*De retour à Rome, après toutes ses victoires, César reçoit du sénat le titre de dictateur pour un an, puis pour 10 ans et enfin le titre de dictateur à vie. C'était, de fait, la fin de la République romaine.

*César entreprit de nombreuses réformes tant administratives que politiques, lança de nombreuses constructions...

*En août et septembre -46 il connut 4 « triomphes » à Rome pour célébrer ses victoires en Gaule, en Numidie (ancien royaume berbère en Afrique du nord. Juba 1er s'était allié aux Pompéiens), en Asie Mineure (contre le roi du Pont) et en Egypte. C'est le 26 septembre -46 que Vercingétorix prisonnier à Rome fut mis à mort.

*César préparait une expédition contre les Parthes lorsqu'il fut assassiné le 15 mars -44 par Brutus, Caius et leur bande de 23 coups de poignards et il mourut aux pieds de la statue de Pompée dans la curie romaine !

Jules César l'historien :

César comprit que le meilleur moyen de conserver une image positive dans l'Histoire (avec un grand H) était d'écrire soi-même l'Histoire.

Ce qu'il fit avec le récit de « la guerre des Gaules », de « la Guerre civile » (guerre contre Pompée), de « la guerre d'Alexandrie », de « la guerre d'Espagne » et de « la guerre d'Afrique ». Les textes de César sont très précis et fournissent d'importantes données. De nombreux historiens et autres chercheurs s'en servent encore.

Bien d'autres avant César eurent l'idée d'écrire eux-mêmes leur histoire, le plus célèbre étant Ramsès II qui fit graver sur de nombreux monuments du delta du Nil au Soudan le récit de SA victoire de Qadesh. Voir fiche N°80 http://jean.delisle.over-blog.com/article-les-batailles-de-qadesh-112379953.html

Ce sera aussi le cas de Napoléon Bonaparte dans « le mémorial de Sainte Hélène » même si il n'en est pas le rédacteur au sens strict du terme.

Les écrits de César contribuèrent probablement à sa réputation qui a traversé les siècles.

J.D. 12 juillet -102 pardon 2015

Pompée au musée Correr à Venise, photo J.D. 11 février 2015

Pompée au musée Correr à Venise, photo J.D. 11 février 2015

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22 juin 2013 6 22 /06 /juin /2013 08:12

On ne semble pas savoir très bien quand la ville d'Arles fut fondée. Elle fut occupée par les Ligures au Xe siècle avant notre ère puis par les Celtes, donnant une population Celto-ligure.

Les Marseillais fondèrent un comptoir sous le nom de Théliné à Arles vers l'an -550. La ville de Marseille avait été fondée 50 ans plus tôt par les Grecs de la cité de Phocée.

Les Romains s'étaient emparés de la route côtière qui menait de l'Italie à l'Espagne lors des guerres contre Carthage (de -264 à -146). Arles était sur le passage de cette route. Un pont à Arles, qui fut longtemps de bateaux, permettait le passage du Rhône, à son point le plus au sud et donc le plus court sur le parcours Italie/Espagne. En se rappelant qu'Arles était plus proche de la mer qu'aujourd'hui puisqu'au fil des siècles, les alluvions du Rhône repoussent la côte.

A la fin du second siècle avant notre ère, des tribus gauloises se soulevèrent contre la présence romaine dans le sud de la France. Les premières révoltes dans les années moins 120, amenèrent les Romains à poursuivre les Allobroges venus en renfort et à annexer leur territoire (en -121). De nouveaux soulèvements permirent aux Gaulois des victoires sur les Romains spécialement à Arausio (Orange) en -105. Marius fut alors chargé de récupérer les territoires perdus.

Marius : On possède deux principales sources d'informations sur Marius : Plutarque dans « vie de Marius » et Salluste dans « Guerre de Jugurtha ».

Caius Marius naquit en -157 dans une famille de modeste condition, ce qui ne l'empêcha pas de faire une carrière exceptionnelle. En -134 (il avait 23/24 ans) il était déjà « tribun militaire » sous les ordres de Scipion Emilien (celui qui gagna la dernière guerre punique et fit raser Carthage). On le retrouve « questeur » en Gaule en -121, « tribun de la Plèbe » en -119, « prêteur » en -115, « consul » en -107, « proconsul » en -106 et -105, à nouveau « consul » en -104, -102, -101, -100 et finalement en -86 année de son décès. Voir lexique en fin de note.

En -112 il avait épousé Julia Caesaris sœur de Caius Julius Caesar (prêteur), lui même père de Caius Julius Caesar plus connu sous le nom de Jules César, dont le grand-père paternel s'appelait également Caius Julius Caesar. Marius fut donc l'oncle par alliance de Jules César né en -102 (sur la date de naissance de César, voir l'avis de Theodor Mommsen). Lors du décès de sa tante Julia en -70, c'est Jules César lui-même qui fit son éloge funèbre.

En son temps, Marius fut célèbre pour plusieurs raisons :

*la réforme de la légion, dont il porta l'effectif de 4.000 à 6.000 hommes, dont il institua la cohorte à l'intérieur de la légion et surtout dont il supprima le cens comme critère de recrutement ce qui permit d'étendre le recrutement aux « prolétaires ».

*sa victoire en -105 contre Jugurtha roi de Numidie (ce royaume correspondait au nord de l'actuelle Algérie plus une partie de la Tunisie)

*sa victoire en -88 contre Mithridate roi du Pont (royaume situé sur la côte sud de la mer Noire)

*enfin ses victoires en -102 (dans la région d'Aix-en-Provence) et -101 (en Italie du Nord) contre les Cimbres et les Teutons.

Malheureusement un conflit de pouvoir entre Marius et Sylla dégénéra en guerre civile qui entraîna d'abominables massacres entre partisans de Marius et partisans de Sylla.

En -102, Marius avait fait creuser une très grande fosse connue sous le nom de « fosses mariennes » dans son combat contre les Cimbres et les Teutons. Cette fosse fut ensuite utilisée comme canal entre Arles et le golfe de Fos, canal parallèle au Rhône mais plus facilement navigable. Ce fut le premier événement important qui assura la prospérité d'Arles. Le second événement important se passe sous César.

César : De tous les Romains de l'antiquité, Jules César est probablement le plus connu et ce pour beaucoup de raisons :

*sa conquête de la Gaule de -58 à -51 avec des incursions en « Bretagne » (actuelle Angleterre), en Belgique et en Allemagne

*ses alliances avec Pompée et Crassus (triumvirat en -60)

*sa victoire dans la guerre civile contre Pompée et le Sénat romain avec des batailles en Italie, en Gaule, en Espagne, en Epire (actuelle Albanie), en Grèce, en Egypte, en Afrique du Nord.

*sa victoire sur le pharaon Ptolémée XIII en mars -47

*sa victoire sur Pharnace roi du Pont et du Bosphore en juin -47

*ses relations amoureuses notamment avec la célèbre Cléopâtre VII

*ses écrits, dont le plus connu est « Commentaires de la guerre des Gaules », mais aussi « De Analogia » (traité de grammaire ), « l'anticato » (ouvrage perdu, mais cité par plusieurs auteurs), « la guerre civile » (relation de la guerre contre Pompée).

*des écrits contemporains de César et dont l'auteur mal identifié raconte les exploits de César dans « la guerre d'Alexandrie », « la guerre d'Afrique », « la guerre d'Hispanie »

*les mots restés célèbres qui lui sont attribués dont « Alea jacta est » (le sort en est jeté, mot prononcé dans la nuit du 11 au 12 janvier -49 lorsque César franchit le Rubicon (rivière qui se jette dans l'Adriatique entre Ravenne et Rimini et qui à l'époque séparait l'Italie proprement dite de la Gaule cisalpine c'est-à-dire de l'actuelle Italie du Nord) pour partir en guerre contre Pompée et le Sénat. Sans oublier le « Veni, vidi, vici » (je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu, après la victoire sur Pharnace).

*les grands travaux qu'il fit effectuer à Rome grâce à « l'or des Gaulois », dont un forum appelé encore « Forum de César ».

*sa réforme du calendrier à compter du 1er janvier -45. Le calendrier fut alors appelé « calendrier julien » et resta en vigueur jusqu'à la réforme du pape Grégoire XIII en 1582

A travers les siècles César inspira quantités d'artistes, d'auteurs (dont Shakespeare, Voltaire...), de réalisateurs de films, d'émissions, sans oublier par Toutatis les auteurs de bandes dessinées, les fabricants de jeux de cartes (César est habituellement le roi de carreau)...

Pour en revenir à notre sujet (Arles), César en guerre contre Pompée et le Sénat, (il fit la conquête de l'Italie en 60 jours) partit combattre les légions de Pompée qui se trouvaient en Espagne avant d'aller combattre Pompée lui-même qui avait fui vers l'Epire. Les Marseillais avaient pris le parti de Pompée : mauvaise pioche !

Les Arlésiens mieux inspirés ou prenant le contre-pied des Marseillais soutinrent César et firent même beaucoup de zèle pour l'aider contre les Marseillais. En effet en un mois les habitants d'Arles (Arelate à l'époque) construisirent 12 navires de guerre qu'ils mirent à disposition de César ce qui lui permit de l'emporter sur les Marseillais en juin-49.

Trois ans plus tard (donc en -46), César au faîte de sa puissance, attribuait aux Arlésiens, en guise de reconnaissance, le statut de « colonie romaine » avec rattachement des Arlésiens à la tribu de Rome « Teretina ». Une grande partie du territoire de Marseille était en même temps donné à la cité d'Arelate. Des terres appartenant antérieurement à des Marseillais furent distribuées aux vétérans de la sixième légion. Ce fut probablement l'événement le plus important de l'histoire d'Arles dans l'antiquité. A partir de là commença véritablement le développement de la ville romaine d'Arles et les grandes constructions. César fut assassiné par Cassius, Brutus et leur bande le 15 mars -44. C'est donc sous son successeur (Auguste) que se poursuivirent les travaux entrepris.

Octave/Auguste : Petit-neveu de César par sa mère, Octave (Caius Octavius Thurinus) naquit le 23 septembre -63. Après l'assassinat de César, Octave s'allia avec Lépide et Marc Antoine (ancien lieutenant de César) pour combattre les assassins de César, puis ils se partagèrent le territoire soumis à Rome : à Lépide l'Afrique moins l'Egypte, à Antoine l'Asie plus l'Egypte et à Octave l'Europe. Trois crocodiles dans le même marigot cela faisait deux de trop. Octave commença par éliminer Lépide puis fut vainqueur d'Antoine allié à Cléopâtre à la bataille navale d'Actium (au sud de l'île grecque de Corfou) le 2 septembre -31. En -27, le Sénat romain décerna à Octave tous les honneurs, tous les titres dont celui d'Auguste (qui devint son nom) et lui concéda tous les pouvoirs. La République romaine avait cessé d'exister et l'Empire romain commençait sa carrière. La même année (donc en -27) Octave/Auguste réorganisait la Gaule en la divisant en provinces : La Narbonnaise fondée en -118 subsistait comme province « sénatoriale » avec un proconsul et trois autres provinces « impériales » étaient créées : la Lyonnaise, la Belgique et l'Aquitaine avec à la tête de chacune un légat représentant l'Empereur.

Pour Arles, Auguste fit construire le théâtre et fit réaliser la via Agrippa sur la rive gauche du Rhône qui joignit Arles à Vienne et à Lyon. Cela fit d'Arles un nœud de communication très important puisque aboutissait déjà à Arles la via Aurélia qui venait de Rome via Gênes et Nice c'est-à-dire en suivant la côte et que la nouvelle via Agrippa croisait à Beaucaire la via Domitia (voie domitienne) qui allait en Espagne, venant de l'Italie par le col de Montgenèvre.

L'Arles romaine aujourd'hui : Arles contient encore de nombreux vestiges de son passé romain ; outre le théâtre terminé à la fin du règne d'Auguste, signalons principalement : l'amphithéâtre (aujourd'hui « les arênes ») construit à la fin du premier siècle de notre ère, les thermes de Constantin du début du IVe siècle, les Alyscamps (où se trouvaient les tombeaux le long de la voie Aurélia depuis le début du quatrième siècle de notre ère), les cryptoportiques (soubassements du forum de la fin du premier siècle avant notre ère)...

Plusieurs campagnes de fouilles effectuées depuis 25 ans dans le cours du Rhône ont permis de retrouver une multitudes d'objets dont une tête attribuée à Jules César par une majorité de spécialistes (j'en ai mis la photo en illustration d'un article sur César, fiche N°50 de ce bloghttp://jean.delisle.over-blog.com/article-cesar-et-les-4-julia-87170027.html). Un musée départemental Arles antique créé en 1995 à l'emplacement de l'ancien cirque romain permet l'exposition de ces découvertes. En 2013 et jusqu'au premier septembre sont en outre présentées dans ce musée une importante collection de sculptures de Rodin ainsi que des sculptures antiques que Rodin avait collectionnées. Le tout forme un ensemble qui mérite le voyage pour reprendre la terminologie d'un guide touristique bien connu. Un chaland romain découvert dans le Rhône et restauré au CEA de Grenoble sera visible par le public à partir d'octobre 2013.

Lexique :

*censeurs : au nombre de 2. Elus parmi les anciens consuls pour 18 mois. Ils font le cens (recensement quinquennal des citoyens en fonction de leur fortune), recrutent le Sénat et surveillent les mœurs.

*consul : après la chute de la royauté en -509 le peuple élit 2 magistrats pour un an. D'abord appelés « praetores » puis consuls. Les consuls convoquent et président le Sénat, les comices (assemblées du peuple), lèvent et commandent les armées.

*dictateur : en cas de péril, le Sénat pouvait déclarer l'état d'exception et un des consuls devenait dictateur pour 6 mois avec plein pouvoir.

*édile : chargé de l'administration municipale (police, voirie, approvisionnement, jeux publics)

*grand pontife : chef de la religion romaine

*maître de cavalerie : chef d'état-major choisi par le dictateur

*préteur : il y avait les préteurs urbains qui rendaient la justice en l'absence de consul et des préteurs pérégrins qui s'occupaient des affaires juridiques des étrangers

*proconsul ou propréteur: ancien magistrat chargé d'administrer une province

*questeur : gardien du trésor, payeur aux armées, trésorier des provinces

*sénateur : à la fondation de Rome, le sénat est une assemblée de « sages » devant conseiller le roi. A l'origine composé de 100 membres représentants les 100 premières familles ayant fondé Rome. Puis assemblée « législative »au pouvoir étendu au temps de la République romaine. Le Sénat subsista sous l'empire mais sans grand pouvoir

*tribun de la plèbe : représentant du peuple (parmi les hommes libres, ce qui excluait les esclaves mais aussi les femmes). Les tribuns de la plèbe avaient un droit de veto sur les lois sauf sur les décisions des dictateurs.

*tribun militaire : chef à la tête de mille soldats. Ils sont choisis par le général en chef (consul ou préteur) ou élus par les comices. Chaque tribun militaire a sous ses ordres 10 centurions.

J.D. 22 juin 2013

Une récapitulation thématique des notes de ce blog se trouve sur la fiche N°76

Auguste au musée Arles antique, photo J.D. 6 juin 2013

Auguste au musée Arles antique, photo J.D. 6 juin 2013

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24 octobre 2011 1 24 /10 /octobre /2011 16:37

 

 

Jules César (Caius Julius Caesar) fut assassiné « aux ides de mars » de l'an 44 avant notre ère, c'est-à-dire le 15 mars -44. Sur cette date, tout le monde est d'accord. Par contre les avis diffèrent sur la date de sa naissance :

1) Selon 4 auteurs antiques, César serait né le 12 juillet de l'an 100 avant notre ère. Il s'agit :

*de Suétone (69/125), auteur romain dans sa « Vies des douze Césars »

*de Plutarque (46/120) historien grec dans « Vie de César »

*d'Appien (95/165) historien grec dans « guerres civiles »

*de Velleius Paterculus (-19/+31) auteur romain dans « histoire romaine »

Naturellement, ces auteurs n'ont pas écrit l'an moins cent, car à leur époque les gens vivaient encore sous le calendrier romain qui numérotait les années à partir de la date supposée de la fondation de Rome, mais la conversion est faite par les historiens pour situer les événements dans notre actuel calendrier.

Depuis, beaucoup d'auteurs ont repris cette date de l'an -100 pour l'année de naissance de César

2) Dans le « cursus honorum » romain il y avait un âge minimum requis pour accéder à toutes les charges. Or, Theodor Mommsen, célèbre historien allemand du XIXe siècle, remarqua qu'il manquait 2 ans à César pour accéder à toutes les charges qu'il occupa successivement, ce qui conduisit Mommsen à retenir la date du 12 juillet -102 comme date de naissance de César (voir Mommsen, « histoire romaine » livre V chapitre I). Que quatre auteurs anciens aient indiqué la même date n'étant pas une preuve, les auteurs se copiant souvent les uns sur les autres. Si le premier qui écrivit s'est trompé, les autres ont suivi.

3) enfin on trouve parfois la date de -101, utilisée par ceux qui ne savent que choisir entre -100 et -102, ce qui est la plus mauvaise solution. Personnellement je trouve l'argumentation de Mommsen justifiée.

 

César est surtout connu comme grand général pour toutes ses victoires en Espagne, puis dans la guerre des Gaules et enfin dans sa guerre contre Pompée. Il est aussi connu comme grand homme d'Etat, comme administrateur, organisateur.... Les auteurs anciens ne se sont pas privés de montrer aussi ses performances côté sexe.

César eut officiellement 4 épouses successives : Cossutia épousée en -85, répudiée un an plus tard pour épouser Cornelia fille de Cinna (qui fut 4 fois consul et succéda à Marius à la tête du parti populaire, à ne pas confondre ce Cinna avec un autre, petit-fils de Pompée et qui inspira une tragédie à Corneille). Cette Cornélia donna une fille (Julia) à César. Après la mort de Cornélia en -69, César épousa Pompéïa Sulla en -68, puis s'en sépara suite à une accusation d'adultère avec Publius Clodius et enfin épousa Calpurnia Pisonis en -59 qu'il avait encore comme épouse lors de son assassinat en -44.

Outre les épouses, les auteurs anciens prêtent à César de nombreux amants et encore plus de maîtresses. Parmi celles-ci, outre la célèbre Cléopâtre, on peut citer Tertulla femme de Crassus l'homme le plus riche de Rome qui avait réglé les dettes de César et financé son ascension, ou encore Servilia mère de Marcus Brutus qui figura parmi les assassins de César. Lequel aurait dit voyant Brutus parmi ses assassins : « tu quoque, fili » (toi aussi mon fils). Selon Suétone, Curion le père dans l'un de ses discours, appela César : « le mari de toutes les femmes et la femme de tous les maris » (Vie de César en LII). Suétone fournit une longue liste des maîtresses supposées de César et écrit : « On soupçonnait en effet que Servilia ménageait même à César les faveurs de sa fille Tertia » (Vie de César en L)

 

Une tante, les deux sœurs et la fille de César se sont toutes les quatre appelées Julia.

Julia la tante: César est le fils de Caius Julius Caesar (il avait donc le même nom que son père) et de Aurélia Cotta. Cette Julia (Julia Caesaris) était la sœur de son père. Elle fut mariée en -110 avec Caius Marius. Ce Marius (-157/-86) fut l'un des grands généraux de l'histoire de Rome. Il se distingua particulièrement en Afrique du Nord dans la guerre contre Jugurtha ainsi que dans la Gaule narbonnaise lors de la guerre contre les Cimbres et les Teutons. Il fut élu 7 fois consul, ce qui n'était jamais arrivé avant lui. Il est aussi célèbre pour avoir réformé l'armée romaine et en avoir ouvert l'accès au peuple. De condition modeste de part ses origines, Marius soutint le parti populaire (les populares) contre le parti aristocratique (les optimates), ce qui amena à terme une guerre civile entre Marius et Sylla : légions contre légions. Après la mort de Marius en -86, Cinna lui succéda mais fut vaincu en -82, par Sylla de retour d'orient où il avait vaincu Mithridate. Le parti aristocratique pourchassa alors les partisans du parti populaire. Au moment de la défaite de Cinna, César qui avait 20 ans, était son gendre; il était en outre neveu par alliance de Marius, recherché, il dut s'exiler jusqu'à ce que Sylla lui fasse grâce.

Sa tante Julia décéda en -69. César à l'occasion de son éloge funèbre, rappela sa généalogie qu'il fit remonter à Romulus. Dans les croyances romaines, Romulus était le fils d'une vestale nommée Rhéa Sylvia fécondée par le dieu Mars. Rhéa Sylvia elle-même était réputée descendre d'Enée, prince troyen, fils d'Anchise et de la déesse Aphrodite (Vénus pour les Romains) et gendre du roi Priam. Ainsi, sans complexe César s'attribuait le dieu Mars et la déesse Vénus parmi ses ancêtres. Il y avait eu beaucoup de précédents : dans les récits d'Homère sur la guerre de Troie, nombre de héros aussi bien Grecs que Troyens ont un dieu ou une déesse dans leurs ancêtres. Voir la fiche N°3 : http://jean.delisle.over-blog.com/article-guerre-de-troie-partie-1-55734368.html

et la fiche N°4 : http://jean.delisle.over-blog.com/article-guerre-de-troie-partie-2-55734390.html

Bien avant, en Egypte, au XVe siècle avant notre ère, la reine Hatchepsout prétendait que sa mère avait été fécondée par le dieu Amon (Amon-Rê ou Râ) etc. Voir la fiche N° 108 : http://jean.delisle.over-blog.com/hatchepsout-et-thoutmôsis-iii-n-108

 

Julia les sœurs: César eut 2 sœurs nommées toutes deux Julia. Il y eut Julia la majeure et Julia la mineure.

De l'aînée on ne sait pratiquement rien. De la seconde, on sait qu'elle épousa Marcus Atius Balbus (-105/-51) qui devint prêteur puis gouverneur de la Corse et de la Sardaigne. Ils eurent 3 enfants dont une fille nommée Atia Balba Caesonia qui se maria comme seconde épouse avec Gaius Octavius (?/-59) Ce Gaius Octavius fut gouverneur de la Macédoine. De cette union entre Atia et Octavius naquit Octave, futur Auguste, premier Empereur romain. Julia la mineure est donc la grand-mère du premier empereur romain et elle a donné son nom à la dynastie des « Julio-Claudiens »

 

Julia la fille : De son union avec Cornélia, César eut une fille en -83 appelée Julia. On sait que César et Pompée aidés de Crassus parvinrent à imposer leur loi à Rome. Pour consolider son alliance avec Pompée, César lui donna sa fille Julia en mariage en -59. Pompée fut donc le gendre de César, un gendre plus âgé que son beau-père !

Cette Julia décéda en -54 en accouchant d'une fille qui ne lui survécut pas. Cette enfant qui n'eut probablement pas le temps d'avoir un nom, était la fille de Pompée et la petite-fille de César. Quelle parenté ! Si elle avait vécu, que serait-elle devenue ? Nous ne le saurons jamais, dommage.

Peu d'années plus tard, ce fut la guerre que l'on sait entre Pompée et César. Certains auteurs pensent que sans la disparition de Julia, femme de Pompée et fille de César, sans la disparition du lien qui les unissait, la guerre n'aurait pas eut lieu ? Qui le sait ?

J.D. 24/10/2011

César au musée d'Arles Antique, photo du 6 juin 2013

César au musée d'Arles Antique, photo du 6 juin 2013

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1 décembre 2010 3 01 /12 /décembre /2010 16:37

 

LES ALLOBROGES ET L’ALLOBROGIE

A) Ce que l’on sait des Allobroges aux temps antiques

Des peuples d’origine celtique, se sont installés dans la région des Alpes, entre le VIIe et le Ve siècle avant notre ère selon de nombreux auteurs. En fait on ne sait avec précision ni leur lieu d’origine exact, ni leur date réelle de migration, ni leur parcours ou leurs étapes éventuelles avant de s’installer dans la région Dauphiné-Savoie. La limite de leur territoire n’est pas totalement connue avec certitude malgré des découvertes relativement comtemporaines, bornes milliaires romaines notamment. Ces incertitudes peuvent expliquer par exemple que Symphorien Champier en 1529 étende le territoire des Allobroges jusqu’à Narbonne ou que le dominicain Cajot Joseph écrive (dans “Les antiquités de Metz” publié à Metz chez J. Collignon en 1760) : “ Cy commence ung petit livre du Royaulme des Allobroges, dict long temps après Bourgongne ou Viennois”. Le nom “Allobroge” lui-même n’apparait qu’au IIIè siècle avant notre ère. La plupart des auteurs voient dans “Allobroges” : ALLO qui signifie Autre et BRO qui signifie Pays, ce qui en fait le peuple venu d’autres pays. Strabon (Geographie IV, I, II) écrit : “Les Allobroges vivent en village sauf les plus illustres d’entre eux qui installés à Vienne ont fait de celle-ci qui n’était précédemment qu’un village, quoique portant le titre de métropole de ce peuple, une ville bien équipée”. L’Histoire n’en découvre la trace qu’à travers leurs démêlés avec les Romains soit directement soit indirectement par Hannibal interposé.- La mention la plus ancienne qui en est faite vient de Polybe (Histoires Livre III 49 ...) à l’occasion du passage de l’armée carthaginoise à l’automne de l’an 218 avant notre ère. On trouve ensuite mention des Allobroges dans les textes :

En - 122 : lorsque les Romains firent la conquête de la Provence, les Allobroges vinrent au secours des Salyens. Ils furent vaincus une première fois dans la région d’Aix en Provence par le Consul Sextius puis à Vindalium dans le Vaucluse par Domitius Ahenobarbus (trisaïeul de Néron selon Suétone) Cette dernière bataille fit 20.000 morts dans les rangs des Allobroges. Les Romains poursuivirent les Allobroges. Domitius reçut le renfort du Consul Fabius Maximus et les Allobroges celui des Arvernes. La bataille eut lieu le 8 août -121 au confluent du Rhône et de l’Isère. Les Gaulois étaient cinq (?) fois plus nombreux que les Romains et selon les textes antiques, Bituit roi des Arvernes, aurait dit en considérant le faible nombre des Romains :”Il n’y en a même pas assez pour rassasier les chiens de mes Gaulois”. Les Gaulois furent vaincus. Selon Tite-Live et Orose, la bataille aurait fait entre 120.000 et 150.000 morts dans les rangs Gaulois. On ne sait naturellement pas quelle valeur attribuer à ces chiffres, ils expriment néanmoins une grave défaite gauloise Domitius s’empara alors de tout le territoire des Allobroges. On peut lire au sujet de ce Domitius, dans Suétone (Vies des douze Césars, Livre VI -II) : “Ayant battu les Allobroges et les Arvernes, il parcourut sa province porté par un éléphant et suivi, comme dans la solennité du triomphe, par la foule de ses soldats. C’est à son sujet que l’orateur Licinius Crassus prononça cette parole : Il ne faut pas s’étonner qu’il ait une barbe d’airain, puisqu’il a une bouche de fer, un coeur de plomb.”

En -102 : Profitant d’un passage de “barbares” en Gaule (des Cimbres et des Teutons), les Allobroges reprennent les armes contre les Romains. Ils sont “écrasés” par Marius à Pourrières (Var)

En -77 : A l’occasion des troubles provoqués en Espagne par Sertorius, diverses tribus gauloises, dont les Allobroges, se soulèvent contre Rome. Le Sénat charge Pompée de remettre de l’ordre aussi bien en Espagne qu’en Gaule, au passage. Il semble bien que la répression de Pompée en Gaule fut sanglante, y compris parmi les Allobroges : “Les Allobroges domptés...”. S’appuyant sur Cicéron (pro Fonteio) et sur une lettre de Pompée au Sénat publiée par Salluste, c’est ce qu’affirme Camille Julian (Histoire de la Gaule tome III pages 109 & 110)

En -69 : Une délégation d’Allobrogesconduite par Indutiomare se rend au Sénat de Rome pour se plaindre des exactions du prêteur (gouverneur) Fontéius. Ce Fontéius fut défendu par Cicéron et tous les auteurs contemporains qui parlent des Allobroges ne manquent pas de citer, outrés, les propos de Cicéron et particulièrement cette phrase : “tous ces barbares (les Allobroges) ne valent pas le plus vil des citoyens romains”. Mais Cicéron était, en l’occurrence, avocat et, en outre, son sentiment à l’égard des Gaulois est conforme à celui de tous les auteurs antiques aussi bien grecs que latins pour qui le Gaulois est fourbe, querelleur, vaniteux, instable, ivrogne, avide etc etc . Voir Polybe Histoires (Livre II 5 à 12, 17, 19, 32, 35, 36, livre III 49, 78,79, Livre V 2) Cicéron Discours pour Fontéius XIII, Salluste Conjuration de Catilina XL, Tite-Live Histoire Romaine XXI 20 & 52, XXII 1 & 2 , Strabon Géographie Livre IV, Silius Italicus Guerres puniques Livre III 540, Tacite Histoires Livre I - LI, Florus Oeuvres Livre I -VII,XX, XXXVII, XLV, Livre II -XXII, Ammien Marcellin Histoire Livre XV - XII. Ainsi, de Polybe auteur grec mort vers 120 avant notre ère à Ammien Marcellin latin mort vers 400 de notre ère, les jugements des auteurs antiques sont unanimes et ils mettent tous les Gaulois dans le même sac sans distinction régionale. En ce qui concerne particulièrement les populations des Alpes, nous citerons ce passage de Silius Italicus (mort en 101 de notre ère) lorsque les Carthaginois découvrent les Alpins : “Voici que surgissent des êtres à demi-sauvages, montrant entre les rochers, leurs têtes horribles et repoussantes avec leurs cheveux toujours raides de crasse...”. Aujourd’hui encore voici ce qu’on peut lire dans certains dictionnaires comme le Littré de novembre 1997 sous le mot “Allobroge” :

1 nom d’un peuple de l’ancienne Gaule occupant ce que nous appelons Dauphiné et Savoie

2 Familièrement. Un homme grossier qui manque de sens. C’est un franc Allobroge. A-t-on jamais vu pareil Allobroge”

Il n’y a que César pour ne pas dire du mal des Gaulois; il n’avait évidemment pas intérêt, pour rehausser sa propre gloire, mais l’on sait qu’il ne les épargna pas sur le terrain. Si les auteurs antiques avaient inventé le terme de “gauloiseries”, ils lui auraient donné un sens encore beaucoup plus péjoratif qu’aujourd’hui, cela semble ne pas faire de doutes.

En -66 : nouvelle révolte armée des Allobroges matée par Gaius Pison

En -63 : Une nouvelle délégation d’Allobroges se rend à Rome. C’est pendant ce séjour que se situe la conspiration de Catilinat contre le Sénat et la République; Les Allobroges contactés par les conjurés promettent leur aide, puis font prévenir Cicéron, qui, grâce aux renseignements des Allobroges peut faire échouer la conjuration (voir Salluste :”conjuration de Catilina, XL à XLIII). N’ayant obtenu aucune reconnaissance du Sénat, les Allobroges se révoltent à nouveau contre les Romains.

En -62 : Les Allobroges de la Cité de Vienne expulsent les “Italiens” de la ville. Les Romains chassés de Vienne vont s’installer au confluent du Rhône et de la Saône. C’est pour eux qu’en -43 L. Munatius Plancus (ancien lieutenant de César) lancera la construction d’une nouvelle ville : Lugdunum (Lyon) qui deviendra la capitale des Gaules.

En -61 : L’armée des Allobroges est complètement défaite par C. Pomptinus au cours de deux batailles à Ventia et Solonium (lieux mal identifiés). L’Histoire nous a laissé le nom de Catugnat dernier chef Allobroge qui en -61 périt les armes à la main avec tous ses guerriers.Il s’agit de la dernière révolte des Allobroges. Trois ans plus tard commençait la Guerre des Gaules, non seulement les Allobroges n’y participent pas, mais ils prennent même le parti des Romains puisque l’on peut lire dans la Guerre des Gaules de César (livre VII - 64, 65) :”Vercingétorix (en 52 avant notre ère) ordonne aux Héduens et aux Ségusiaves, qui sont à la frontière de la Province, de mettre sur pied dix mille fantassins; il y joint huit cents cavaliers. Il confie cette troupe au frère d’Eporédorix et lui commande d’attaquer les Allobroges... Cela ne l’empêche point de solliciter en secret les Allobroges par des courriers privés et des ambassades, car il espérait que les souvenirs de la dernière guerre n’étaient pas encore éteints dans leur esprit. Aux chefs il promet des sommes d’argent, et à la nation que toute la Province lui appartiendra... Les Allobroges organisent avec soin et diligence la défense de leurs frontières, en disposant le long du Rhône une ligne serrée de postes...”

En -48 : Des Allobroges enrôlés dans les légions de César le trahissent à Dyrrachium en Epire (dans l’actuelle Albanie) au profit de Pompée et permettent la seule victoire remportée par Pompée sur César, (Voir “La guerre Civile” de César livre III) victoire de courte durée puisque quelques jours plus tard c’est la bataille de Pharsale et la fuite de Pompée en Egypte où il trouve la mort.

En -36 : Octave (futur Auguste) accorde à Vienne le statut de colonie honoraire (c’est-à-dire sans installation de colons) de droit latin, un privilège qui permettait aux magistrats de la cité d’obtenir automatiquement la citoyenneté romaine à leur sortie de charge.

En -27 :A partir de -27, Auguste réforme l’administration des Provinces. C’est vers cette époque que toute l’Allobrogie est rattachée à la Cité de Vienne et que le nom du pays des Allobroges disparait dans les textes pour faire place à celui de “Cité de Vienne”.

C’est en l’an 61 avant notre ère (Dion Cassius XXXVII, Florus, Breviarum CIII) que la cité de Vienne fut officiellement rattachée à la Narbonnaise qui avait été créée en l’an -118 (Cicéron pour Fonteïus). Rappelons pour la clarté de l’exposé, qu’aux temps de la République, on distinguait deux Gaules : la Gaule cisalpine qui correspondait grosso modo à l’Italie du nord d’aujourd’hui (c’est par exemple le Rubicon au nord de Rimini qui servait de frontière entre la Gaule et l’Italie et que César et la treizième légion franchirent dans la nuit du 11 au 12 janvier de l’an -49 - c’est d’ailleurs la même année que la Gaule Cisalpine fut rattachée à l’Italie) et la Gaule transalpine soit la France d’aujourd’hui étendue jusqu’au Rhin. Après la création de la Narbonnaise, le reste de la Gaule transalpine fut d’abord appelée “Gaule chevelue”. C’est dans cette Gaule chevelue qu’Auguste créa entre l’an -16 et l’an -13 trois nouvelles provinces en fait trois nouvelles Gaules : l’Aquitaine, la Lyonnaise et la Gaule Belgique.

vers 39/41 (au premier siècle de notre ère), la cité de Vienne fut promue au rang prestigieux de colonie romaine honoraire, ce qui a entraîné l’octroi de la citoyenneté romaine à tous les hommes libres de son territoire et une modification de la constitution viennoise. Désormais, la cité fut administrée par un conseil municipal et par trois collèges : un collège de duumvirs pour dire le droit, un collège de duumvirs du trésor et un collège de triumvirs locorum publicorum persequendorum, dont le rôle exact reste imprécis (voir Carte archéologique de la Gaule, Savoie, B. Rémy)

L’Allobrogie ne forma longtemps qu’une seule cité, celle de Vienne divisée en pagi et en vici. Cette situation perdura pendant plus de trois siècles, jusqu’à ce que Genève et Grenoble soient élevées au rang de cités. Certains auteurs (par exemple A. Prud’homme dans “Histoire de Grenoble” en 1888) pensent que cela eut lieu sous Gratien donc vers 379/38O; d’autres, ce qui est plus probable, que l’événement est contemporain de Dioclétien vers 286/293 (voir B. REMY : “Dioclétien et la Tétrarchie” Que-sais-je 1998 page 64).C’est également sous Dioclétien et à l’occasion d’une réforme générale de l’empire que les Allobroges sont rattachés à la tribu “Voltinia”. La frontière entre la cité de Grenoble et celle de Genève passe juste au nord d’Aix-les-Bains.

B) La perception actuelle des Allobroges

Les Allobroges connaissent une certaine résurrection dans les temps récents; citons, sans prétendre, et de loin, pouvoir être exhaustif :

* Dès 1535, Aymar du Rivail publiant un livre sur la région l’intitule “De Allobrogibus”,

* en 1623, J.B. Cabias cite “le docte Bremius Professeur dans l’Université de Paris”, qui parlant des bains d’Aix, les appelle “les eaux du pays Allobroge”,

*Les Savoyards de Paris avaient créé un club des Allobroges qui se transforma en une “légion des Allobroges” armée en août 1792, commandée par le Capitaine Dessaix (qui deviendra général d’Empire), elle se joignit à l’armée française lors de la conquête de la Savoie en septembre 1792; (Voir “La Savoie Historique” par Joseph Dessaix, chez Perrin à Chambéry en 1854, tome 1 page 356). A la même époque les Suisses francophones avaient créé à Paris un “club helvétique” dont les membres se joignirent à la légion des Allobroges.

Signalons pour être impartial que cette armée des Allobroges n’eut pas toujours un rôle glorieux, ainsi, lorqu’elle fut envoyée en 1793 par les Conventionnels contre la population de l’Isle sur la Sorgue (Vaucluse). On peut lire en effet dans l’histoire de cette ville : “Les Allobroges dirigés par le chef d’escadron Doppet pillent tuent incendient”.

*la constitution d’une “Assemblée Nationale des Allobroges” proclamée à Chambéry le 23 octobre 1792 par les délégués de toutes les communes de Savoie. Cette assemblée gouverna la Savoie jusqu’à l’annexion à la France, consacrée par un décret de la Convention nationale du 28 novembre 1792;

* On ne compte pas le nombre d’associations, de clubs ou d’entreprises qui ont le mot “Allobroges” dans leur raison sociale, comme le bateau croisière “L’Allobroge” sur le lac d’Annecy (en 1877, un voyageur Charles Besançon signale déjà un bateau nommé Allobroge sur le lac d’Annecy). La création au XIXè siècle d’une Société de crédit “Les Allobroges”, puis en 1919, d’une chaîne de magasins “L’ Allobroge” dont le siège était à Chambéry, absorbée par Genty-Cathiard dans les années 1980 et d’une confiserie et chocolaterie de luxe “l’Allobroge” à Chambéry, ancêtre de la chocolaterie Coppélia; le groupement d’achats “Le rucher des Allobroges” à Barberaz; le centre commercial “les Allobroges” à La Motte Servolex ; le nouveau centre commercial “Courier” ouvert en mars 2001 près de la gare d’Annecy et qui porte le “Chant des Allobroges” gravé dans la pierre en couronne au dessus d’une quinzaine de magasins, (ce chant fut composé par Joseph Dessaix en 1856)

*la dénomination donnée par les communes à des rues, avenues etc; ainsi, l’on trouve un quai des Allobroges aussi bien à Grenoble qu’à Chambéry ou Albertville, une rue des Allobroges à Corbas (dans le Rhône, au sud de Lyon), à Charvieu-Chavanieux (dans l’Isère, entre le Rhône et Satolas), Seyssins, Brignoud, Challes-les-Eaux, La Motte Servolex, Annecy, Saint Cergues, Sallanches, Marnaz, Annemasse, Ville-la-Grand, Megève, ou Genève et Carouge (pour Genève et Carouge, il s’agit d’une seule rue à cheval sur les deux villes), une avenue des Allobroges à Thonon-les-Bains, un pont des Allobroges et une avenue du même nom à Romans, une impasse des Allobroges à Beaurepaire, une place des Allobroges à Vienne, un boulevard des Allobroges à Bonneville, un faubourg des Allobroges à Bons-en-Chablais et à Bonne, une allée des Allobroges et un mail du même nom à Pringy (au nord d’Annecy). La palme de la cité la plus “allobrogique” devant revenir à Cluses qui posséde une place des Allobroges, un passage des Allobroges, une impasse des Allobroges et une maison des Allobroges.

* la réalisation en 1892 par Gustave de Beaumont pour l’Arsenal de Genève d’une fresque “nos ancêtres Les Allobroges” (représentée dans la revue “L’Alpe” N° 17 - automne 2002).

*Citons également la Revue “L’Allobroge” revue scientifique et littéraire des Alpes françaises et de la Savoie d’Eugène Bonnefous à Grenoble de 1840 à 1842; Sabaudia revue historique...du pays des Allobroges et de l’ancien duché de Savoie éditée à Chambéry en 1872 et l’ancien organe communiste régional “Les Allobroges” (organe d’abord clandestin créé par la résistance en février 1942, qui devint public comme organe communiste à la Libération, puis se transforma en supplément départemental à “L’Humanité” à partir de 1948. En 2001 il n’existait plus que “Les Allobroges savoyards” et “Les Allobroges de la Drôme” qui dépendent de leur fédération départementale communiste respective). En Savoie, la fête annuelle du Parti communiste s’appelle d’ailleurs la “fête des Allobroges”.

*l’ensemble H.L.M. “Les Allobroges” à La Tour du Pin et à La Motte-Servolex, l’agence chambérienne “les Allobroges” de l’OPAC (Office d’H.L.M. de la Savoie), du centre social “Les Allobroges” à Villette d’Anthon -sur le bord du Rhône au nord de Satolas-, de la maison de retraite “Les Allobroges à Chaponnay (Rhône), de la M.J.C. “Les Allobroges” à Grenoble, du collège “Les Allobroges” à La Roche-sur-Foron, de l’école élémentaire et maternelle “Les Allobroges” à Pont de Beauvoisin (Savoie), de l’école des Allobroges à Genève (quartier des Acacias), de la salle municipale “Les Allobroges” à Annecy et à Chambéry, du parking des “Allobroges” à Albertville, de la loge “L’Allobroge” d’Annecy du Grand Orient de France fondée en 1860, et ce malgré le portrait peu flatteur qu’en ont laissé les textes antiques. Le report sur une carte de toutes les villes qui ont donné le nom “Allobroges” à un établissement ou à une rue etc permettrait presque de délimiter le territoire de ce peuple antique.

*Signalons encore l’intéressante exposition consacrée aux Allobroges au Musée Dauphinois de Grenoble du 11 octobre 2002 au 15 septembre 2003, puis successivement au Musée savoisien de Chambéry, au Musée-château d’Annecy, au Musée d’Art et d’Histoire de Genève, et au Musée de Saint-Romain-en-Gal/Vienne.

Témoin de cette renaissance de l’Allobrogie, une étiquette prise en 2001 sur une bouteille de vin et intitulée :”Vin de pays d’Allobrogie”, (appellation réglementée par un arrêté ministériel d’avril 1976 et quelques textes d’application).

Rappelons que Pline l’Ancien (mort en 79 pendant l’éruption du Vésuve) parlait déjà du vin des Allobroges dans “histoire naturelle” (IV-12), en précisant qu’il s’agissait d’un vin au goût de poix délicieux sur place et méconnaissable ailleurs. Columelle écrivain latin du Ier siècle après Jésus-Christ, dans son “traité d’agronomie” (XII-23), célébrait lui aussi les vins de l’Allobrogie appréciés par le plus célèbre des gourmets romains : Luculus le Raffiné. On sait également que ces vins étaient servis sur la table d’Antoine. Citons encore le plus ancien témoignage, celui de Celse médecin latin, qui au tout début de notre ére, parle du “vinum allobrogicum” dans son traité de médecine et le recommande comme remède aux maux d’estomac. Les publicistes semblent en outre avoir retrouvé les vertus des tribus antiques comme symbole des produits naturels, puisque nous avons pu acheter en avril 2001 dans un hypermarché Carrefour un poulet fermier label rouge de la marque : “Délice des Allobroges”. On trouve même des établissements commerciaux au nom des Allobroges en Tarentaise par exemple, alors que ce territoire n’était pas Allobroge, mais il est vrai, que le “Chant des Allobroges” est bien celui des habitants des trois départements des Alpes du Nord. Pour preuve : en novembre 2001, à la caserne des chasseurs alpins de Vars, les soldats l’ont chanté lors d’une cérémonie clôturant la fin du service militaire obligatoire.. On trouve de même une rue des Allobroges à Chamonix ou en Maurienne à Epierre, La Chambre et Saint-Jean-de-Maurienne. A Turin (Torino) au centre de la piazza San Carlo, trône une statue équestre du Duc Emmanuel-Philibert. C'est ce duc qui transféra la capitale des Ducs de Chambéry à Turin en 1562. Sur l'inscription qui se trouve sous la statue, le duc a le titre « d'Allobrogum Duci » (Duc des Allobroges). Cela semble bien confirmer qu'au fil des siècles, l'ensemble du Duché de Savoie s'est identifié comme l'ancien territoire des Allobroges.

Sur la perception contemporaine des Allobroges, on peut encore citer Jules Verne qui en 1879 parle de “l’intelligente tribu gauloise des Allobroges” ou un journaliste parisien originaire de la Meuse (Victor Fournel), qui à l’occasion d’un passage à Aix-les-Bains en septembre 1868 écrit : “Dans l’après-midi, un âne superbe, lauréat du concours de Madame Rattazi, m’a promené quatre heures, avec la démarche imposante et la gravité d’un Allobroge”.

Il semble cependant que la “survivance” régionale des Allobroges s’arrête aux limites du Rhône, car nous ne trouvons plus d’appellation “Allobroges” sur la rive droite du Rhône, ni pour des noms de rues, ni pour des enseignes commerciales. Par contre, l’importante émigration de Savoyards ou de Dauphinois restés attachés à leurs racines, explique que l’on retrouve des appellations “Allobroges” très loin de l’Allobrogie, témoin le livre édité en 1935 (à Blois imprimerie de Grandpré) par Françoise Mournaud et Marie Madeleine de Verchère et intitulé : “Les Allobroges au Canada”; on peut encore citer pêle-mêle, à titre d’exemples : un Boulevard des Allobroges à Toulon, un mail des Allobroges à Meaux (Seine-et-Marne) une allée des Allobroges à Colomiers (Hte Garonne), une résidence des Allobroges à l’Opac de Dijon, une agence “Allobroges immo” à Nogent sur Marne, un club de gymnastique à Nîmes “Les Allobroges Nîmois”, un bar tabac “Les Allobroges” à Antibes (06) ou un bar “Les Allobroges” à Roquebrune Cap Martin (O6), ou encore un restaurant “Les Allobroges” à Paris rue des Grands Champs (20è) et qui avait à son menu (en mai 2003) : “Souris d’Agneau à l’Ail confit Les Allobroges”

Cet attachement collectif aux anciens Allobroges, a piqué notre curiosité, et nous nous sommes demandés si il s’agissait d’une spécificité proprement régionale ou d’un phénomène plus général. La comparaison avec les Arvernes ne semble pas pertinente compte tenu de la stature nationale de Vercingétorix. Non seulement à cause de sa statue qui trône place de Jaude à Clermont-Ferrand, ou du timbre émis à son effigie par la Poste française en 1966 dans la série “Les grands noms de l’Histoire”, mais aussi parce qu’il a donné son nom à une rue de Paris (dans le 14è), à une place de Grenoble etc etc. Le nom de Vercingétorix est probablement le seul nom gaulois connu de tous les Français, (sans parler bien sûr et par Toutatis des personnages de bandes dessinées). Le nom de Brennus, par exemple ne doit être connu que des joueurs de rugby, et encore savent-ils à qui cela correspond ?

Nous avons donc tenté une comparaison avec les Carnutes, autre peuple gaulois qui fut célèbre pour au moins deux raisons : - c’est sur le territoire des Carnutes que se tenait la réunion annuelle des Druides et les Carnutes furent parmi les premiers et aussi parmi les derniers (même après Alésia) à combattre les Romains pendant la guerre des Gaules. Ils donnèrent même du fil à retordre aux Romains, par exemple en massacrant en -52 tous les citoyens romains de Genabum (Orléans). Leurs derniers chefs (Gutruat et Conconnetodumn) meurent comme Catugnat les armes à la main avec tous leurs guerriers. Le territoire des Carnutes est moins bien défini que celui des Allobroges. Il semble cependant correspondre à l’ancienne province de l’Orléanais. Cette province fut divisée en trois départements : le Loiret, le Loir-et-Cher et l’Eure-et-Loir, ce qui représente un territoire de 19.000 kms2 soit un peu plus que celui des Allobroges mais sous réserve de l’imprécision des limites pour ce qui concerne les Carnutes. (A ce sujet, on pourra se reporter à la revue municipale de Chartres en Eure-et-Loir N° 191 de mars 1998, page 42 où l’on peut lire à propos de Chartres-de-Bretagne : “ Des vestiges gallo-romaines récemment mis au jour ont révélé l’existence au sud de Rennes, au début de notre ère, de tout un “Pays des Carnutes” (Pagus cartunensis) témoignage probable de la présence d’une colonie de cette tribu gauloise de la Beauce chez ses frères de l’Ouest”. Dans ces départements, nous avons trouvé une rue des Carnutes à Chartres et une à Orléans; mais point à Blois, ni dans les villes intermédiaires comme Châteaudun... Sur la base de cette comparaison, il semble donc bien y avoir un intérêt régional spécifique dans l’Allobrogie pour les anciennes populations celtiques qui occupaient le territoire avant l’arrivée des Romains.

C) L’Allobrogie:

Beaucoup d’auteurs antiques dont un certain nombre de ceux cités à propos des Gaulois, ont parlé des Allobroges et de leur territoire. Le vocable “Allobrogie” pour désigner le territoire des Allobroges, ne semble pas avoir été utilisé par les auteurs antiques et ne figure pas dans les dictionnaires contemporains, mais il est utilisé par de très nombreux auteurs au moins depuis 1535. Outre Du Rivail (ou son traducteur), on peut citer : François De Loche fin XVIIIè début XIXè, Charles Despine (dans un mémoire présenté le 26 nivôse an X à l’école de Médecine de Montpellier), Albanis Beaumont 1802, De Verneilh 1807, Delisle 1807, De Malzen 1826, Jenny Bernard 1833, Cassien/Debelle 1835, Constant Despine 1844, Mme Lebrun 1845, De Fortis 1846, Despine fils 1850, Macé 1852, Claude Genoux 1852 (dans “Histoire de Savoie” dont l’introduction commence ainsi : “Le duché de Savoie, l’ancienne Allobrogie...”, Dessaix 1854, Taylor 1854, Audiffred 1856, Bard 1858, Descostes 1867, Raverat 1867, De Saint Genis 1868, J. Mercier curé de St Maurice d’Annecy dans “Souvenirs historiques d’Annecy” publié en 1878, Prud’homme 1888 (Histoire de Grenoble), Ardouin-Dumazet 1896...Au XXè siècle le terme “Allobrogie” semble s’être généralisé chez les auteurs; on peut citer parmi beaucoup d’autres : l’abbé J. Burlet en 1910 dans “L’Allobrogie chrétienne au VIè siècle”, Paul Guichonnet en 1973 (Histoire de la Savoie, Privat), Thérèse Leguay dans “L’Histoire d’Aix-les-Bains et de sa région” en 1988 parle même de “l’Allobrogie romaine”, L. Clerc Jacquier vicaire de Moirans dans “Histoire de Moirans” publié à Paris en 1989, Juliette et Adrien Dieufils dans “Petite histoire du Val Gelon et de La Rochette” publiée par La Fontaine de Siloë, ou Jean Prieur dans de nombreux textes et par exemple dans “La Savoie des origines à l’an mil” où, page 165 le titre du chapitre est : “L’Allobrogie”; sans parler de la consécration donnée le 23 octobre 1792 par “l’Assemblée nationale des Allobroges” réunie dans la cathédrale de Chambéry et qui dans sa 4° séance proclama : “... et l’unité indivisible de l’Allobrogie” ou par l’arrêté ministériel d’avril 1976 pour le “vin de pays d’Allobrogie”. Enfin, signalons que sur Internet le mot “Allobrogie” a entrainé, lorsque nous l’avons consulté, 74 références sur le moteur de recherches “Googol”, ce qui démontre s’il en fallait que l’usage du mot “Allobrogie” pour désigner l’ancien territoire des Allobroges s’est complètement généralisé. En outre, ajoutons encore qu’à défaut du vocable “Allobrogie”, les anciens ont utilisé celui “d’Allobrogique” (Allobrogicus) comme surnom honorifique d’un des vainqueurs des Allobroges (Quintus Fabius Maximus).

D) limites de l’Allobrogie ou de l’antique cité de Vienne:

Au XIXè et XXè siècles, de nombreux auteurs ont étudié les limites du territoire des Allobroges et de la Cité de Vienne à partir des auteurs antiques, des inscriptions ... Une synthèse a été publiée par Rémy dans les “cahiers d’Histoire” de 1970, ou plus récemment dans “la Revue Archéologique de Narbonnaise” N° 33 an 2000 pages 55 à 60. Voir également François Bertrandy : “Bornes milliaires et réseau routier dans la cité de Vienne sous l’empire romain”. Bibliothèque des études savoisiennes, tome IX 2001. Ci après, la carte synthèse issue de ces études qui nous a servi de base pour la délimitation territoriale de notre travail. Par rapport à notre “prédéfinition” simplifiée (territoire compris entre le Rhône et l’Isère), mais que l’on trouve chez de nombreux auteurs, Rémy permet les précisions suivantes :

De Genève à Saint Gingolph, la limite suit les bords du lac, puis emprunte la vallée de la Morge... et non le cours de la Dranse comme l’ont écrit certains auteurs, puis les hautes cimes des Alpes Graiae jusqu’au mont Buet, la vallée de la Diose. Une borne fixée en l’an 74 après J.C. entre Megève et Chamonix, fut découverte en 1853 et permet de fixer de manière sûre la frontière dans ce secteur entre Allobroges et Ceutrons.

Une autre borne découverte en 1963 au col du Jaillet près de Megève a permis d’affiner la frontière des Allobroges dans le secteur de l’Arly. D’autres inscriptions découvertes à Saint Jean-Pied-Gauthier et à la Chapelle Blanche permettent ensuite de fixer la limite des Allobroges au sommet de Belledonne et non au cours de l’Isère. la limite du territoire des Allobroges suit ensuite la Romanche, le Drac et rejoint l’isère mais, sur une grande longueur, les Allobroges occupent les 2 rives des rivières ou du Rhône. Ensuite, une borne découverte à Arras dans l’Ardèche et un texte de Pline permettent de fixer la limite des Allobroges à la crête des Cévennes ce qui constitue une importante portion de territoire à l’ouest du Rhône de Givors jusqu’à la rivière le Doux au sud.

Plus au nord, une borne milliaire découverte à Lyon dans le quartier de la Guillotière (7° arrondissement) à l’hôpital psychiatrique Saint Jean de Dieu, laisse penser que les Romains avaient d’abord pris le Rhône comme limite de la cité de Vienne (donc de l’Allobrogie) et que cette limite fut reculée lors de la création de Lugdunum (Lyon)

D’Authon, à l’embouchure de l’Ain, jusqu’à Genève, un texte de César (“La Guerre des Gaules, livre I-11) laisse penser que les Allobroges occupaient les deux rives du Rhône puisque César écrit : “Enfin des Allobroges qui avaient sur la rive droite du Rhône des villages et des propriétés cherchent un refuge auprès de César...”, mais, lors de l’organisation de la Cité de Vienne, les Romains ramenèrent au Rhône, dans ce secteur, la limite du territoire des Allobroges. C’est cette limite que nous avons pris en compte pour cette étude. Le périmètre ainsi défini représente un territoire de 13.000 km2 environ. Par rapport aux circonscriptions administratives actuelles, l’antique cité de Vienne s’étend : sur la rive gauche du Rhône : outre l’enclave de Genève, sur une grande partie des départements de la Haute-Savoie, de la Savoie et de l’Isère ainsi que sur une petite partie nord de la Drôme, et sur la rive droite du Rhône : sur une portion des départements du Rhône, de la Loire, de la Haute Loire et de l’Ardèche.

 

J.D. 2002, dernière mise à jour : 21 octobre 2010

 

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